La campagne électorale sur le « projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale » tire à sa fin, laissant les citoyens à leurs interrogations, inquiétudes et peurs pour ce saut dans l'inconnu auquel on les y invite. Cette campagne qui a mobilisé d'imposants moyens était censée aider les Algériens à voir plus clair quant au contenu et à la finalité du projet politique soumis à référendum, à mieux cerner ses enjeux. Après plusieurs semaines de campagne ininterrompue qui confine à l'overdose, les Algériens sont-ils aujourd'hui mieux édifiés qu'ils ne l'étaient sur les bienfaits proclamés de ce projet ? Les appréhensions apparues dans la société ont-elles été dissipées ? Rien n'est moins sûr. Les discours politiques de campagne développés au cours des différents meetings ont contribué à créer une véritable confusion dans les esprits. Les citoyens sont, en effet, carrément déroutés par la non-visibilité politique qui transparaît des différents discours - car il y a pluralité de discours - autour desquels le chef de l'Etat, les chefs de parti et les représentants des organisations-satellites du Pouvoir ont structuré leurs interventions lors de leurs meetings populaires. On a tout vu au cours de cette campagne : des chefs de parti de la majorité présidentielle se planter des banderilles dans le dos, se démentir au détour de chaque meeting, s'autoriser des lectures partisanes du projet de charte, voire mieux : anticiper sur l'avenir allant jusqu'à annoncer des décisions qui sont du ressort exclusif du président de la République, comme la perspective évoquée par Belkhadem sur le ton de la certitude d'une prochaine loi d'amnistie officiellement rejetée par Bouteflika. Le président de la République s'est, lui aussi, laissé aller à ce jeu politique qui sacrifie le devoir de vérité et le parler vrai au peuple à la recherche des faux consensus et des solutions faciles et fragiles. Il ne suffit pas d'être un éminent spécialiste en communication pour déceler derrière l'apparente unicité du discours de Bouteflika des idées qui se bousculent confusément, s'entrechoquent, se contredisent jusqu'à rendre le message véhiculé inintelligible, peu cohérent, déroutant, donnant lieu à des lectures politiques tous azimuts et parvenant dans une forme chahutée et contre-productive aux destinataires, à l'opinion publique. Le Président Bouteflika donne la nette impression de délivrer des discours à la carte. Tout le monde guettait sa réponse sur l'officialisation de tamazight lors de sa toute récente visite à Tizi Ouzou. C'est à partir de Constantine, chassant sur les terres identitaires de cheikh Abdelhamid Ben Badis, qu'il proclamera solennellement que l'arabe est et sera la seule langue officielle, alors qu'il n'avait même pas eu le temps de savourer le « succès » de sa visite en Kabylie.