Pour Abdelaziz Bouteflika qui parle d'erreur commise a leur encontre, les familles des harkis n'étaient pas responsables des crimes que ces derniers ont perpètres pendant la révolution. Décidé à tenir un langage inhabituel et à peine a-t-il exprimé une pensée à la mémoire de Ahmed Zabana, le premier guillotiné de la Révolution algérienne, que le président de la République Abdelaziz Bouteflika prendra de court son auditoire en faisant un aveu déconcertant : au lendemain de l'indépendance l'Algérie a été injuste avec les familles des harkis. "Par le passé nous avons commis des erreurs graves. Au lendemain de l'indépendance, on ne s'est pas comporté avec justesse, ni finesse politique avec les enfants et les familles de harkis", a-t-il reconnu, jeudi à Oran, lors d'un meeting animé au stade Ahmed-Zabana. Et d'ajouter : "Une grande partie de la crise actuelle trouve son origine dans cette grave faute que nous avions commise." L'évocation de cet épisode noir de notre histoire contemporaine faite, Abdelaziz Bouteflika bifurquera sur la destruction de l'identité nationale en en rendant responsable la France coloniale. "Si le colonialisme n'a pas exterminé le peuple algérien, il a, en revanche, anéanti son identité, sa langue, sa religion, sa culture et son histoire. Aujourd'hui, on n'est ni des Berbères, ni des Arabes, ni des musulmans, ni des chrétiens", s'est-il écrié. Sa remarque n'est pas destinée à sa génération à lui qui "sait parfaitement qui elle est", mais à celle d'aujourd'hui qui "a perdu la boussole". "Peu d'entre vous peuvent prononcer correctement cinq phrases en arabe dialectal ou trois en français. Le vrai arabe dialectal, vous le trouverez chez El Ghafour, Guerrouabi, El Ankis… Les autres Arabes, quand ils entendent quelqu'un mélanger l'arabe, le berbère et le français, disent qu'il est algérien. C'est devenu notre marque de distinction", a-t-il sermonné, dans un arabe… classique très châtié, l'assistance venue de six wilayas (Oran, Tlemcen, Sidi Bel-Abbès, Saïda, Mostaganem et Aïn Témouchent). Outre ses "travers" culturels, il est reproché à la jeunesse son manque de patriotisme. "Où est le nationalisme ? Où est l'amour du pays ? Certes, vous avez des circonstances atténuantes, mais sachez que vous nous blessez profondément quand vous nous reprochez d'avoir chassé la France. Ne pensez pas que l'Algérie d'alors ressemble aux images que voyez aujourd'hui sur Internet. Eux, c'était les maîtres, et nous, nous étions des esclaves dans notre propre pays", s'es-t-il exclamé. Et de lui recommander d'être "fier de son identité" car "les Algériens sont les seuls musulmans à l'avoir emporté sur les infidèles depuis Salah Eddine El Ayyoubi". Si Bouteflika a ouvert la page des harkis et de leurs familles, c'est parce qu'il a vu une certaine similitude entre cet épisode et la situation d'aujourd'hui. À ses yeux, il n'y a pas lieu de commettre la même erreur en faisant payer aux familles des terroristes les crimes d'un des leurs. "Je suis venu ici pour vous demander de pardonner à ceux qui se sont égarés du droit chemin." Un peu plus loin, il soutiendra : "La réconciliation nationale n'est pas une décision au sommet mais celle de ceux qui ont souffert de la tragédie nationale. Si vous êtes convaincus qu'il faut pardonner, alors votez oui, sinon attention, ne votez pas pour la charte !" Encore une fois Bouteflika remuera le couteau dans la plaie en montrant du doigt les opposants au projet de réconciliation qu'il dit avoir "adopté". "Il faut dire qu'il y a des gens dans le pouvoir, dans nos appareils, dans l'administration, dans nos institutions et même au sein de notre peuple, qui s'opposent à la réconciliation. Ils ne veulent pas de la réconciliation nationale car ils aiment nager en eaux troubles. Ils sont les plus grands bénéficiaires de cette atmosphère de ni guerre ni paix. Ils veulent que la situation perdurent pour qu'ils se remplissent davantage les poches. Ils veulent rester toujours au sommet." Et de promettre : "Ces gens-là, on va les combattre pour mettre fin à leur commerce et tirer le tapis sous leurs pieds." En revanche, Abdelaziz Bouteflika a exhorté les "politiques" du FIS dissous installés à l'étranger à revenir au bercail. "Il y a des gens qui sont à l'étranger et condamnés par contumace. Ils n'ont pas commis de meurtres et sont en Europe ou en Amérique pour leurs idées politiques. Ils seront les bienvenus s'ils veulent revenir au pays. Je serais l'homme le plus heureux si le peuple algérien les reçoit avec du lait et de la datte. Je sais que mes propos ne plairont pas à tout le monde", a-t-il indiqué. Mais il a tenu a préciser encore une fois qu'il n'y aurait pas d'amnistie générale. "Je tiens pour témoin l'opinion nationale et internationale que je n'ai pas pris d'engagement pour une amnistie générale", s'est-il écrié. Et d'enchaîner : "Le jour où vous sera proposé l'amnistie, ce sera un autre homme que moi qui le fera. Mais, personnellement, en 2005, je ne peux pas vous promettre l'amnistie générale. Mais sachez que j'ai proposé des choses audacieuses et difficiles." A. C