Le projet de traité d'amitié franco-algérien, déjà fortement mis à mal, a subi, ce week-end, un nouveau revers. Ni Paris ni Alger ne sont en mesure de donner un élan décisif à ce traité auquel semble tenir, de façon singulière, le président français. L'Algérie, qui considère que l'amitié est une idée généreuse, n'est pas, cependant, prête à céder un iota de son exigence d'obtenir une repentance de la France pour les 130 ans de colonisation. Du côté français, on continue d'entretenir la flamme en ce sens où l'on considère que le projet n'est pas encore torpillé. « La France doit présenter ses excuses officielles au peuple algérien avant de s'engager dans d'autres relations d'amitié (...). Il est aujourd'hui de notre devoir envers le peuple algérien et les chouhada de réclamer des excuses officielles d'une nation dont la devise de sa révolution a de tout temps été Liberté, Egalité, Fraternité », a affirmé le président Abdelaziz Bouteflika dans un message lu, en son nom, par le ministre des Moudjahidine, Mohamed Chérif Abbas à l'occasion de la Journée nationale de l'étudiant. A la même occasion, le chef de l'Etat a appelé l'Etat français à « assumer pleinement ses responsabilités historiques, s'il était véritablement mu par une sincère volonté d'ouvrir une nouvelle page et de jeter les bases d'une amitié authentique, bannissant toute forme de rancœur et de ressentiment ». Plus loin, Bouteflika a rappelé les massacres du 8 Mai 1945 qui furent, selon ses dires, « d'une barbarie et d'une cruauté jamais égalées dans l'histoire aussi bien ancienne que moderne de l'Algérie. D'une sauvagerie que nul ne saurait renier sinon ceux qui sont frappés de sénilité ou d'amnésie ou encore ceux qui pratiquent la politique de la fuite en avant ». Comme pour dissiper les illusions de ceux qui, du côté français, s'attendent à une volte-face des autorités algériennes, le président Bouteflika assène la phrase suivante : « Nous ne sommes pas cette nation naïve qui oublie facilement ses malheurs et les massacres perpétrés à son encontre ainsi que la dénaturation de son identité et la destruction de son patrimoine. » Réagissant à ces déclarations, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Jean-Baptiste Mattéi, a souligné, hier, qu'« il appartient aux historiens et aux chercheurs de se pencher sur le passé, car ce n'est pas à une lecture officielle de l'histoire que l'on doit procéder ». Mattéi a ajouté : « Paris veut travailler au renforcement des relations bilatérales et conserve l'objectif de conclure un traité d'amitié. » Cette position, faut-il le rappeler, a été déjà exprimée, mardi dernier, par Catherine Colonna, ministre déléguée aux Affaires européennes lors d'un débat à l'Assemblée nationale. « Laissons aux historiens le soin d'écrire l'histoire et laissons au temps celui d'apaiser les douleurs », a-t-elle déclaré. Prévue pour la fin de l'année 2005, la signature du traité d'amitié entre les deux peuples, français et algérien, peine à se concrétiser. Le passé colonial, la politique française de l'immigration, le dossier du Sahara-Occidental, la question des harkis... sont entre autres embûches qui se dressent devant le projet.