Le coût du test est réduit de 80% par rapport à un kit PCR importé. L'expertise du professeur Hachieche du CPMC et du docteur Derrar, DG de l'IPA, a été également sollicitée. Liberté : Vous avez produit des dispositifs de conservation des prélèvements sur personnes suspectées positives au Covid-19 puis des kits PCR de dépistage. Comment avez-vous élaboré ce projet et comment avez-vous adapté la ligne de production de l'usine ? Dr Karim Abdennebi : Au début du mois de février, ayant constaté l'évolution de la situation du Covid-19 dans le monde, nous avons anticipé les choses. Nous avons commandé des plateformes de PCR et 3 000 kits de prélèvement, de conservation et de transport viral. C'était la quantité que nous pouvions importée car c'est le maximum que le programme d'importation nous y autorisait. Au début du mois d'avril, nous nous sommes retrouvés en rupture de stock de kits de transport viral, avec une pénurie totale sur le marché mondial. Devant cette impasse, nous nous nous sommes résolus à les produire localement. Diplômé en biotechnologie à Paris V, j'ai exercé en qualité de praticien en virologie pendant 10 ans dans un laboratoire de référence à Paris. Ce qui a facilité la prise de décision au sein d'IMD laboratoires que je dirige. J'ai sollicité le CDC (Centre pour le contrôle et la prévention des maladies, ndlr), qui a aidé à mettre au point le milieu selon les normes du CDC Atlanta. En 15 jours, tout était prêt au niveau du développement. Quelle a été votre approche avec les autorités sanitaires pour homologuer les produits ? Nous avons déposé une demande d'autorisation au ministère de la Santé et adressé un courrier au ministre délégué à l'Industrie pharmaceutique et à la commission de crise du Covid-19. La réponse a été immédiate. Nous avons reçu un appel d'un membre de la commission. Toutes les autorisations ont été signées rapidement. La commission de crise nous a même aidé à importer les introns. Entre-temps, nos équipes ont adapté la ligne de production, par l'acquisition d'équipements complémentaires et une machine de conditionnement, qui n'était pas destinée à ce genre de produits mais que nous avons fait adapter. Nous avons investi dans un système de stérilisation, et notre ingénieur-chimiste a lancé la production de certains tampons à partir de produits chimiques que nous avons acquis localement. Le 26 avril 2020, les premiers kits de prélèvement et transport viral ont été produits et validés en interne. En deuxième étape, nous avons fait évaluer nos produits par des laboratoires externes, tel le laboratoire de virologie du CHU Mustapha-Pacha. Le kit a été homologué ensuite par l'Institut Pasteur d'Algérie. Nous avons attendu un mois avant de communiquer sur le produit afin d'avoir suffisamment de recul. À présent, les tests de stabilité accélérés sont probants. Certains rapports d'utilisateurs mentionnent que le kit PCR produit localement est de meilleure qualité que certains tests importés. La capacité de production locale est-elle en mesure de couvrir les besoins en la matière ? Nous avons actuellement une capacité de production de 1 500 kits par jour. Ce qui est suffisant. Nous livrons, tous les jours, les hôpitaux. Nous pouvons cependant augmenter notre capacité à 4 000 kits par jour, si nécessaire. Nous avons également reçu des demandes à l'export vers certains pays du Maghreb, que nous n'avons pas encore traitées. Quels sont les projets liés à la lutte contre une épidémie virale que vous envisagez ? Eu égard aux facilités obtenues dans la délivrance des autorisations, nous avons ouvert un deuxième chantier, celui d'un kit PCR pour Covid-19. Nous avons finalisé la partie théorique et scientifique. Nous avons reçu, dernièrement, les derniers introns. Le kit est en dernière phase, celle de l'optimisation et de la validation. Nous avons mis à contribution le professeur Hachieche du CPMC (Centre Pierre et Marie-Curie au CHU Mustapha-Pacha, qui a une grande expérience en PCR, pour le choix de certaines options techniques. Nous avons aussi sollicité l'expertise du docteur Derrar, directeur général de l'IPA et virologue spécialiste des virus respiratoires, pour le choix des amorces et du protocole à mettre en place afin que le kit soit adapté à la réalité algérienne, c'est-à-dire avoir le meilleur compromis entre la fiabilité et la facilité d'utilisation. Notre première production est de 7 500 tests PCR. Le coût en devises du test est réduit de 80% par rapport à un kit PCR importé. Les dépenses, en monnaie locale, consistent en coût de validation, et coût du temps humain. Dans le cadre du Covid-19, il est envisageable d'augmenter la capacité de production de kits PCR à 200 000 tests. Nous pensons investir, par ailleurs, dans le support et l'accompagnement des laboratoires de dépistage, pour éventuellement effectuer un dépistage de masse. Nous avons investi dans le domaine des tests PCR en 2004 (au moment de l'épidémie du Sras, ndlr). Nous avons importé, à l'époque, les premiers équipements de production. Nous n'avons, toutefois, obtenu l'agrément définitif (autorisation d'exploitation) qu'en 2017 soit 13 ans plus tard. Nous avons sollicité une assiette de foncier industriel afin de lancer la production de certains produits de biotech comme la production de certains anticorps et de sérum spécifiques à très forte valeur ajoutée. Pour le moment, nous n'avons pas eu de réponse des autorités compétentes.