"La campagne implacable d'arrestations arbitraires massives menée par les autorités algériennes, ainsi que la répression dont sont victimes les militants et les manifestants risquent d'écorner la crédibilité du processus de réforme constitutionnelle engagé par le pays", écrit Amnesty International qui a publié, jeudi, un constat accablant à propos de l'Algérie. Dans une note adressée aux autorités algériennes, l'ONG, qui défend les droits de l'Homme, révèle "une situation préoccupante", notamment avec la remise sur le tapis de l'avant-projet de Constitution et sa corrélation, directe ou indirecte, avec la répression qui s'est intensifiée ces derniers jours. Une répression qui, de l'avis d'Amnesty, "va à l'encontre de l'engagement pris par le président Abdelmadjid Tebboune, lorsqu'il est arrivé au pouvoir en 2019, de renforcer la démocratie, l'Etat de droit et le respect des droits humains en menant des réformes constitutionnelles essentielles". Aussi, l'organisation constate une contradiction flagrante entre les aspirations de l'avant-projet de Constitution et la réalité des violations des droits humains qui perdurent en Algérie. "À l'heure où des défenseurs des droits humains et des militants politiques de premier plan comme Karim Tabbou et le journaliste Khaled Drareni croupissent en prison, l'avant-projet de Constitution vient nous rappeler que les promesses des autorités sont démenties par les faits", insistent les rédacteurs du document. Ils précisent : "Les manifestations du hirak ont repris le vendredi 19 juin 2020, et la police a arrêté au moins 500 manifestants dans 23 villes, selon la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (Laddh). Beaucoup ont été libérés sans inculpation, mais au moins 70 ont été déférés devant la justice en vertu des dispositions du code pénal. " Amnesty va jusqu'à suggérer que "ce projet arrive en réalité à une période où les autorités algériennes profitent de la pandémie de Covid-19 pour accroître la répression contre les militants et les voix dissidentes, avec des dizaines de nouvelles convocations policières, interpellations et poursuites judiciaires visant des manifestants et des membres du hirak." Elle en explique d'ailleurs les faits de causalité en rappelant : "Depuis avril 2020, l'accès à plusieurs médias en ligne a été coupé en Algérie. Le 15 avril, le ministre de la Communication avait annoncé que les autorités avaient bloqué deux médias en ligne indépendants, Maghreb Emergent et Radio M, dans l'attente de poursuites judiciaires complémentaires." La préoccupation de l'ONG concerne aussi d'autres dispositions de cet avant-projet de constitution au plan juridique. Tout en saluant l'introduction de dispositions plus fermes sur les droits des femmes et les droits économiques, sociaux et culturels, elle relève "le manque de transparence dans le processus et le calendrier de la réforme constitutionnelle" et estime le texte "en deçà des normes internationales relatives à certains droits humains, comme le droit à la vie — le texte laissant ouverte la possibilité du recours à la peine de mort". L'ONG soutient qu'"il est essentiel que la nouvelle Constitution offre toutes les garanties d'indépendance de la magistrature et d'impartialité de la justice". Un volet pour lequel, le document consacre un grand chapitre et recommande, entre autres, que "le président de la République ne soit pas membre du Conseil supérieur de la magistrature".