Par : Pr M. BESSAHA Pr M. BROURI Pr K. KEZZAL Pr M. REGGABI Pr M. SEMROUNI Pr N. ZIDOUNI
LLes représentants du Collectif des professeurs en sciences médicales se sont réunis, dimanche 21 juin 2020, pour étudier la situation née des derniers événements autour de la pandémie de coronavirus en Algérie : La mise en place de la cellule d'investigation et de suivi des enquêtes épidémiologiques. La création de l'Agence nationale de sécurité sanitaire. La polémique née de la fabrication locale des tests sérologiques. La recrudescence des cas positifs suite au déconfinement. L'imbrication de toutes ces institutions entre elles d'abord, avec le système national de santé piloté par le MSPRH ensuite. Le Collectif s'incline d'abord devant la mémoire de toutes les victimes de la pandémie, de l'ensemble du personnel soignant décédé dans l'exercice de ses fonctions. Notre contribution face aux nombreuses interventions de personnalités des milieux médicaux et scientifiques, plus ou moins au fait du système de santé algérien et de la réalité du terrain se veut rassurante, souvent très pertinente, même si certains s'autoproclament unilatéralement spécialistes et observateurs avisés de nos systèmes de santé successifs. Nous rappelons à tous nos compatriotes que les décisions prises en temps opportun par le MSPRH ont évité à notre pays l'hécatombe observée ailleurs. À ce titre, les prises de position de nombreux collègues appelant à une profonde réflexion et à la refonte de notre système de santé nous paraissent adéquates et nécessaires, comme l'a envisagé le Premier ministre lors de sa visite à Boufarik le 30 mars. Aussi nécessaires soient-elles, elles ne pourront être abordées qu'une fois la pandémie vaincue. Le Collectif veut rappeler d'abord les missions des uns et des autres, telles qu'annoncées à la création de ces institutions : "L'Agence nationale de surveillance sanitaire est une institution d'observation, de concertation, de veille stratégique, d'orientation et d'alerte en matière de veille sanitaire." (article 3 du décret 20-638) Elle a donc pour mission de veiller contre toute menace sanitaire, quelle qu'en soit la nature, en tenant compte des connaissances actualisées de la médecine et de la réalité de notre système de santé. La Cellule d'investigation et de suivi des enquêtes épidémiologiques, dont nous déplorons les années de retard prises pour sa création et à son installation, est chargée, quant à elle, des missions telles qu'annoncées le 10 juin 2020 par le Premier ministre : "Elle contribuera à l'avenir à consolider, à évaluer et à développer des stratégies de lutte contre la propagation d'épidémies dans notre pays." Ces missions ne souffrent d'aucune ambiguïté dans leurs objectifs. Les missions de cette cellule d'investigation, dont le coordonnateur est membre de plein droit du Comité scientifique (CS) du MSPRH, vont dans le prolongement direct de celles de ce même CS. Le Collectif rappelle que de nombreuses réflexions ont été menées par le passé. La dernière en date à laquelle ont participé de nombreux collègues remonte à une dizaine d'années et avait été pilotée pour le Cnes par notre collègue, le défunt professeur Pierre Chaulet. Le Collectif déplore, par ailleurs, toute cette déperdition de temps et d'énergie, au fond d'un tiroir. Pour ce qui est de la disponibilité des tests sérologiques, les missions de l'Agence nationale du médicament comme celles de son bras technique, le Laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques, sont claires. Là aussi, certains évoquent l'enregistrement comme cause du retard de production, pendant que d'autres mettent ce retard sur le compte des agréments et autres validations. Il nous paraît utile de rappeler que Primo : le plus important aujourd'hui reste le résultat qui en est attendu, à savoir une sensibilité et surtout une spécificité au moins égale à 90%. Secundo : l'Algérie a beaucoup plus besoin aujourd'hui du diagnostic des cas positifs par la technique de la PCR. Les tests rapides seront plus efficaces lors de la période post-Covid-19 pour le dépistage de masse et certaines études épidémiologiques. Cela pour dire combien le sujet est complexe, et que l'Institut Pasteur qui abrite la plupart des centres de recherche, dont le Centre de référence des infections respiratoires, semble être le mieux indiqué pour l'agrément des techniques de production et la validation des lots produits. Nous avons entendu la semaine passée l'impatience des Algériens devant l'absence de remontée des résultats de la cellule d'investigation et de suivi des enquêtes épidémiologiques. Nos compatriotes doivent avoir à l'esprit qu'il s'agit d'une nouvelle institution et que ses responsables ont certainement une vision pleine et entière de leurs missions. La mise en place d'une telle structure n'est pas aisée et nécessite aussi bien des réseaux pour la remontée des infos, que des logiciels pour le traitement des données. Sur le terrain, les réseaux du MSPRH existent : chaque DSP veille sur ce qui se passe dans sa willaya, les cellules Covid-19 existent dans chaque structure hospitalière et les Semep sont également en place. Il suffit d'une coordination étroite entre ces structures du ministère de la Santé et la cellule de veille pour en voir les résultats. Il reste les ressources humaines et les personnes appelées à gérer ces nouvelles institutions. Pour mener à bien sa fonction sécuritaire dans les meilleures conditions, l'Agence nationale de sécurité sanitaire doit obligatoirement s'inscrire dans les fondamentaux de notre système de santé. Il ne nous semble pas qu'à travers ses premières déclarations, le directeur de cette ANSS en prenne la mesure. Lorsqu'il promet aux Algériens : La construction d'un hôpital ultramoderne dédié à la Covid-19, il s'attribue ainsi les prérogatives du ministre de la Santé. Une refonte du système de santé, il récidive. En faisant appel aux compétences médicales algériennes à l'étranger pour venir encadrer les formateurs algériens, il méprise avant tout les collègues qui ont formé tant de générations de médecins, ces mêmes médecins qui font face à la prise en charge sanitaire de la population. Plus grave encore, il promet de revaloriser les salaires du corps médical, s'octroyant ainsi (pour ne pas dire usurpant) les pouvoirs régaliens de du président de la République. Le Collectif note ainsi une totale méconnaissance de notre système de santé, allant jusqu'à l'occultation d'une loi sanitaire dûment promulguée et figurant pourtant dans les attendus du décret de création de l'Agence. Le Collectif considère qu'il est nécessaire, voire indispensable, de veiller à la bonne qualification et à la réelle compétence des personnes appelées à la gestion de cette agence : La qualité première d'une personne appelée à assumer la responsabilité de cette mission si importante pour notre pays est une connaissance parfaite de notre système de santé. La seconde qualité exigée est d'être une personnalité de la famille des sciences médicales, reconnue par ses pairs et aux qualités éthiques irréprochables. Une personnalité scientifique de haut niveau validée selon les critères universels. Enfin, la troisième qualité est que cette personnalité ait un CV qui ne souffre d'aucun manquement éthique dans son parcours professionnel. Pour en terminer avec le quotidien de cette pandémie, seul le respect des mesures d'hygiène et de distanciation permettra à notre pays de mettre fin à cette pandémie. Depuis 18 mois, le peuple algérien fait preuve d'une discipline remarquable ayant conquis le respect de l'ensemble de la planète. Depuis le début de l'année 2020, et face aux dangers de la pandémie, nous avons constaté cette même discipline. Nous avons été profondément touchés par l'élan de solidarité émanant de l'ensemble du territoire national envers les willayas les plus marquées, les plus touchées par la pandémie. Le Collectif se félicite de l'attitude engagée et responsable de la population de façon générale. Le Collectif rappelle que de nombreux algériens ont anticipé les mesures de confinement officielles et se les sont appliquées bien avant qu'elles ne soient décrétées. Par ailleurs, le Collectif comprend parfaitement l'impatience de nos compatriotes, enfermés depuis plus de trois mois pour certains, parfois à plusieurs dans des conditions inappropriées. Malheureusement, la décision de déconfinement prématurée, peut-être même précipitée, a entraîné un relâchement de la population et, par ricochet, un rebond très significatif de la pandémie. Nous restons face à un confinement indispensable que nous nous devons de respecter. Nous sommes appelés à quelques sacrifices supplémentaires pour mettre à l'abri nos familles, nos collègues de travail, nos amis. Le Collectif appelle solennellement tous nos concitoyens à respecter les mesures d'hygiène et de distanciation, tel que préconisé par le Conseil scientifique et la cellule de veille. Le Collectif appelle les responsables de notre pays au respect et à l'application de ce qui est consacré par l'article 66 de la Constitution : "Tous les citoyens ont droit à la protection de leur santé. L'Etat assure la prévention et la lutte contre les maladies épidémiques et endémiques." Pour cela, il est indispensable : D'associer l'ensemble des citoyens aux mesures de prévention et de distanciation. De faire adhérer les citoyens à l'ensemble des mesures de prévention et de distanciation. De mettre à la disposition des citoyens les moyens de se prémunir contre cette pandémie : offrir gratuitement, et au quotidien, des bavettes aux citoyens. Le Collectif appelle et conjure tous nos citoyens, au nom de l'intérêt suprême, à respecter toutes les mesures de distanciation, aussi bien dans les moments de fête, que dans le deuil. Les conditions dans lesquelles se trouvent notre pays et notre population peuvent remettre en cause la survie de la nation algérienne, si nous n'agissons pas tout de suite.