À quelques jours de l'Aïd El-Adha, ils tirent la sonnette d'alarme sur une situation qui risque de leur coûter cher. Rencontrés, chez eux, dans les localités et fermes de Chekalil, de Fethia, de Toumiat, de Mouallek, de Tafraoui, de Kehaïlia et d'Oued Tlélat, plusieurs éleveurs sont catégoriques. "La pandémie de coronavirus a tout chamboulé et la batterie de mesures de prévention contre la contamination de la Covid-19, décidées par les autorités, particulièrement la fermeture des marchés aux bestiaux et, peut-être, l'interdiction des points de vente du mouton de l'Aïd, sont un coup dur pour la profession", lance d'emblée Ahmed, jeune éleveur, qui a d'ailleurs cédé une partie de ses agneaux à des prix raisonnables, soit 38 000 DA/tête. Les petits éleveurs ne le cachent pas, ils sont complètement désemparés avec la mévente qui perdure et la chute des prix. "Le coût de l'élevage est très important. Le son est proposé à la vente à 3 000 DA/q, l'aliment de bétail à 3 400 DA, l'orge à 3 200 DA et le maïs à 2 850 DA/q. Ces frais ne permettent pas de réaliser des économies. Le risque de vendre à perte mes 30 têtes de mouton après l'Aïd est palpable", déplore Belkheir, un éleveur de la localité de Toumiat, tandis que son compère El Hadj Rezzoug ajoute : "Il ne faut pas oublier la botte de fourrage à 500 DA et celle du foin à 300 DA." Dans les fermes avoisinantes, les petits éleveurs affirment que le prix au détail de la viande ovine ne dépasse pas 1 000 DA le kilogramme. "Personnellement, j'ai acheté cette semaine de la viande d'agneau à 1 000 DA/kg dans un marché informel d'Oran", fait savoir Mohamed, éleveur de père en fils. En fait, la consommation de la viande rouge a complètement chuté avec la fermeture des établissements publics qui sont les plus gros consommateurs, tels que ceux relevant des secteurs du tourisme et de l'éducation. D'autre part, le confinement et le couvre-feu ont poussé des milliers d'Oranais, surtout les journaliers, au chômage. Du coup, le pouvoir d'achat a dégringolé, mettant les producteurs de viande dans une situation de sursis inquiétante. À Tafraoui, c'est le même constat. "Les acheteurs ne se bousculent pas devant la bergerie, contrairement aux autres années. Cette année, la vente par facilité aux voisins s'impose", remarque Amine, fils d'un ancien maquignon, avant d'ajouter : "En tant que maquignon, mon père risque d'y laisser des plumes durant cet Aïd à cause de l'offre et de la demande." Quant aux importants éleveurs des Hauts-Plateaux, qui alimentent les petits éleveurs, leur sort est scellé si, après le confinement, ils ne sont pas autorisés à se déplacer dans la wilaya d'Oran, réputée pour représenter un grand marché en période d'Aïd. "Sans l'ouverture des marchés aux bestiaux et des points de vente du mouton de l'Aïd, la filière sera pénalisée et un grand nombre de professionnels ne s'en remettront pas", affirme B. M., transporteur de bétail, qui a vu son activité ralentir jusqu'à l'arrêt. Cependant, d'autres tablent sur la hausse des prix vu le nombre limité qui sera disponible à cause du confinement. "Même si les marchés aux bestiaux rouvrent après le 13 juillet, le temps est limité avec seulement deux semaines pour écouler le maximum de têtes de mouton. Du coup, la demande devrait imposer la hausse des prix", estime un revendeur avisé. Et si la fetwa de l'annulation du sacrifice est approuvée, alors le coup de grâce sera donné à des éleveurs en pleine perdition. En tout état de cause, Aïd ou non, il faut souligner que le secteur reste caractérisé par une importante anarchie, marquée notamment par la spéculation sur les prix de l'aliment de bétail et le non-respect des prix officiels.