Au rythme où se développent les événements politiques en Tunisie, le pays se dirige vers une impasse qui va entraîner la dissolution du Parlement et la tenue de législatives anticipées. L'annonce lundi soir par le chef du gouvernement désigné, Hichem Mechichi, d'un cabinet "de compétences entièrement indépendantes" a fait réagir hier une partie de la classe politique tunisienne, en attendant la réaction du parti majoritaire Ennahdha, qui se prononcera après une nouvelle réunion de son conseil de la choura. "Si un gouvernement d'indépendants passe à l'Assemblée des représentants du peuple, ce sera ‘un gouvernement de la peur'", a déclaré le député du Bloc démocratique et dirigeant du mouvement Echaâb, Zouhaier Makhlouf, à Mosaïque FM, justifiant ses propos par le fait que le futur cabinet "ne peut pas garantir sa continuité et l'adoption de ses lois". Après avoir émis des réserves et conditionné sa participation aux consultations, le Parti destourien de Abir Moussi a décidé d'aller à la rencontre de M. Mechichi, qui poursuit ses rencontres avec les acteurs politiques, syndicaux et socioéconomiques tunisiens pour faire accepter sa vision de la gestion de la situation avec sa future équipe gouvernementale. Bien avant la conférence de presse de lundi soir du chef du gouvernement, le président de l'Utica (Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat), Samir Majoul, a défendu l'idée d'un cabinet de compétences et apolitique "pour sauver le pays dans cette conjoncture difficile, d'autant plus que les gouvernements politiques successifs n'ont pas prouvé leur efficience au cours des dernières années", a rapporté la presse locale. D'autres voix sont également favorables au choix de l'homme de confiance du président Kaïs Saïed, qui semble décidé à réduire le rôle des partis et surtout l'influence du parti islamiste Ennahdha sur la scène politique. Le mouvement de Rached Ghannouchi s'est prononcé quelques heures seulement avant l'annonce de M. Mechichi contre l'exclusion de partis du futur cabinet. Hier, Nouredine Bhiri, un de ses cadres dirigeants, a annoncé que son parti se prononcera de nouveau sur la décision du chef du gouvernement après la réunion de son conseil de la choura. "Nous sommes contraints de revenir vers les organes du parti qui ont le pouvoir de prendre la décision quelle qu'elle soit", a-t-il déclaré, cité par l'agence de presse officielle TAP. "Le nouveau gouvernement doit représenter le peuple tunisien qui a voté lors des législatives" de 2019, avait expliqué Abdelkarim Harouni, président de ce conseil, lors d'une conférence de presse lundi matin, expliquant que "le recours à des compétences indépendantes (pour former le nouveau gouvernement) serait un coup porté contre la démocratie et les partis" politiques. Mais pour le chef du gouvernement désigné, "l'instabilité politique constatée ces dernières années en Tunisie et la crise économique, outre les différends entre les protagonistes politiques, requièrent la formation d'un gouvernement d'action économique et sociale, dont le citoyen sera au premier rang de ses priorités", soulignant que "le citoyen commence à perdre confiance en la capacité de l'élite politique à présenter des solutions urgentes", a rapporté encore TAP.