Son ascension jusqu'à occuper une place centrale dans l'establishment s'est accompagnée d'un maillage où se tricotaient les ambitions politiques et les appétits "économiques" voraces. Personnage central dans la pyramide du pouvoir, Ahmed-Gaïd Salah s'est constitué autour de lui un micro-pouvoir qui allait s'affirmer avec la chute d'Abdelaziz Bouteflika. En s'imposant comme véritable maître du jeu politique en pleine insurrection citoyenne, une stratégie de conquête a été mise en œuvre quitte à passer en force. Sauf que "le hasard de l'histoire" a fait que le plan qui devait se concrétiser au lendemain du 12 décembre 2019 a échoué. Et depuis, l'empire construit de toutes pièces s'écroule comme un château de cartes. La disparition de puissant patron de l'armée a entraîné la chute de tout un sous-système. La première moitié de l'année en cours a été rythmée par des scandales mettant en cause la garde rapprochée de feu Ahmed-Gaïd. Poursuivis, emprisonnés, en fuite ou mis à la retraite, une brochette de généraux est "mise hors d'état de nuire". Des faits d'une extrême gravité pèsent sur nombre d'entre eux. L'opération de démantèlement se poursuit jusqu'à toucher les propres enfants de l'ex-puissant chef d'état-major dans un retournement de situation digne des scénarios hollywoodiens. Les deux fils d'Ahmed-Gaïd Salah, ancien vice-ministre de la Défense nationale et chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP), décédé le 23 décembre 2019, sont désormais dans le viseur de la justice. Ils sont frappés de la mesure d'interdiction de sortie du territoire national (ISTN) à titre conservatoire, et ce, en attendant les résultats de l'enquête préliminaire. Des sources concordantes confirment ainsi l'information rapportée par notre confrère El Watan dans son édition de jeudi passé. La mesure en question émane du parquet de Dar El-Beïda (Alger) et concerne Adel et Boumediene Ahmed-Gaïd qui, depuis quelques jours, font objet d'enquête judiciaire. Du coup, les fils d'Ahmed-Gaïd Salah tombent sous le coup de l'article 36 bis 1 de l'ordonnance n°15-02 du 23 juillet 2015 relatif au code de procédure pénale qui stipule que "le procureur de la République peut, pour les nécessités de l'enquête, sur rapport motivé de l'officier de police judiciaire, ordonner l'interdiction de sortie du territoire national de toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer sa probable implication dans un crime ou un délit". Et si l'entourage de l'ancien homme fort du régime est sérieusement inquiété après l'arrestation de l'adjudant-chef à la retraite, Guermit Bounouira, récemment remis aux mains des services de sécurité par la Turquie où il était en fuite, il n'en demeure pas moins que les révélations qui suivront pourraient, dans un futur proche, éclabousser le vaste et intouchable entourage du défunt Ahmed-Gaïd Salah qui, à chacune de ses sorties, jurait par tous les dieux de rendre publics les noms de tous ceux qui ont dilapidé les deniers publics durant les vingt ans de règne du président déchu, Abdelaziz Bouteflika. L'inquiétude du cercle d'Ahmed-Gaïd Salah, aujourd'hui rétréci comme une peau de chagrin, est d'autant plus perceptible avec la récente annonce du patron de l'Agence nationale d'édition et de publicité (Anep), Larbi Ounoughi, qui, dans un entretien accordé à un confrère, a révélé qu'un quotidien régional d'information édité à Annaba, en l'occurrence Eddough News, a largement profité de l'argent de son entreprise. Eddough News, dont le patron n'est autre qu'Adel Ahmed-Gaïd, bénéficiait d'une moyenne quotidienne de quatre pages de publicité quand le défunt chef d'état-major régnait au plus haut sommet de l'Armée algérienne. Après une enquête interne, l'Anep a décidé de ne plus insérer de placards publicitaires dans le quotidien Eddough News, dont le propriétaire est également inquiété dans une autre affaire, en l'occurrence le port sec et dont les activités ont toutes été suspendues depuis le 21 juillet dernier pour non-conformité. Une décision qui émane de la Direction générale des douanes (DGD) qui, de surcroît, exige du fils de l'ancien chef d'état-major de se conformer aux normes de son activité, et à défaut, l'Etat se réappropriera des lieux. Ainsi, les deux enfants du défunt Ahmed-Gaïd Salah ne bénéficient plus de la "bénédiction" de l'Etat. Du reste, indiquent nos sources, cette mesure conservatoire vise à empêcher les deux mis en cause de quitter le territoire national en prévision de la prochaine ouverture des frontières, et ce, à l'instar de plusieurs autres mis en cause, dont des personnalités impliquées dans des affaires de corruption et/ou de dilapidation de deniers publics. Enfin, nos sources ajoutent que les contrôles seront bientôt renforcés aux frontières terrestres, aériennes et maritimes pour empêcher toute tentative de fuite des mis en cause vers l'étranger.