Par : Pr Yahia Dellaoui Chef de service, laboratoire de biologie-réanimatrice, CHU Oran, président du Conseil scientifique au département de pharmacie.
Le sort du bio-similaire dépend encore largement d'évolutions à venir, notamment dans le domaine de la législation européenne et américaine. Ses grandes potentialités sont proportionnelles à la complexité d'un médicament qui se distingue de son équivalent chimique, justifiant ainsi une prudence accrue lors de sa mise sur le marché." Comme les médicaments génériques, les médicaments biosimilaires représentent, déjà aujourd'hui et davantage encore à l'avenir, un potentiel d'économies non négligeable qui ont pour objectif de garantir un double accès durable pour les patients. Bien se soigner à prix mini : est-ce possible ? Là est tout le problème posé par les médicaments génériques et bio similaires. À l'heure où le déficit de l'assurance maladie est au centre de bien des débats, le médicament générique et le bio-similaire passent pour être les solutions pour limiter les dépenses de santé, mais la route est encore longue pour qu'il soit totalement accepté. Le bio-similaire, un marché en devenir Depuis une vingtaine d'années, les biothérapies, grâce au développement des médicaments biologiques ont révolutionné la prise en charge de pathologies lourdes et invalidantes. C'est le cas pour le diabète, par exemple, dont le traitement a connu une avancée importante avec la mise sur le marché de l'insuline. Les traitements dans le domaine du cancer ou l'insuffisance rénale ont aussi bénéficié de l'apparition de médicaments issus de la biotechnologie. Qu'en est-il des bio-similaires ? Situés au confluent du marché du médicament biologique et du marché du pharmaceutique, les bio-similaires semblent présenter un potentiel de développement a priori considérable, et plus attractif. La croissance en valeur du marché des génériques classiques devrait se tarir sous l'effet d'une érosion forte des prix et un essoufflement des expirations des brevets. L'effet de la diminution du nombre d'expirations de brevets de médicaments dits "classiques" n'est pas négligeable sur le développement du bio-similaire. Le bio-similaire, une solution thérapeutique alternative Nous déclarons que "les médicaments bio-similaires présentent de nouvelles opportunités, tant pour l'expansion de notre industrie générique que pour le contrôle des dépenses nationales de santé. Néanmoins, ces produits complexes doivent se conformer aux mêmes normes rigoureuses de qualité, de sécurité et d'efficacité que tout autre médicament, dans l'intérêt des patients européens". Malgré un impact encore modeste sur le marché global des médicaments biologiques, le chiffre d'affaires potentiel des bio-similaires n'est pas négligeable. Ces derniers constituent donc une solution thérapeutique alternative importante, au regard des nombreux obstacles qui ont pu limiter son développement. L'atout du bio-similaire est son efficacité ciblée des pathologies.En effet, comme exposé plus haut, le bio-similaire est un médicament biologique qui tend à reprendre une préparation biologique de référence, en satisfaisant aux mêmes besoins thérapeutiques que celle-ci. Les bio-médicaments s'étendent à de nombreuses aires thérapeutiques. Pour en citer quelques-unes, l'hématologie, la cancérologie, par exemple intéressent les industriels du bio-médicament, qui tentent de répondre aux besoins des patients. D'un point de vue thérapeutique, la haute efficacité des médicaments biologiques apporte une réponse à la recherche de traitements de pathologies chroniques. Ils ont pour vocation de répondre au mieux aux besoins en agissant au cas par cas, avec une précision que ne saurait avoir un médicament chimique. Cette caractéristique, permet d'apporter une solution aux pathologies qui étaient considérées comme incurables, malgré le recours aux médicaments "classiques". Le recours aux médicaments biologiques peut permettre d'éviter les effets indésirables liés aux composants chimiques du médicament "classique". La biotechnologie de la santé dans le monde a permis à plus 250 millions de patients de bénéficier de médicaments autorisés issus de la biotechnologie essentiellement pour les crises cardiaques, la sclérose en plaques, les cancers du sein, la mucoviscidose ou encore les leucémies. Les principaux moteurs au développement des bio-similaires sont la performance de ce produit biopharmaceutique par rapport à celle du marché pharmaceutique global, ainsi que la perte de protection liée au brevet des médicaments biologiques de référence dans certaines pathologies. C'est le cas de la somatropine, une hormone de croissance, dont le brevet a expiré en 2003. Le bio-similaire est donc porté par ces espoirs d'avancée dans les traitements, ainsi que par des considérations d'ordre financier. En effet, l'expiration du brevet d'un produit a pour effet direct de faire chuter le prix du médicament de référence qui perd en valeur. Et le prix du bio-similaire est un élément à prendre en compte étant donné que le vieillissement de la population, la volonté des pouvoirs publics de réduire les dépenses de santé et l'accroissement de la consommation de médicaments laisse présager une forte augmentation des coûts de santé. Il se peut que le bio-similaire soit disponible à un prix plus abordable que celui du médicament de référence. Cet élément suscite l'intérêt des pouvoirs publics, soucieux d'une réduction réelle des dépenses de santé sur le modèle du générique. Il est vrai que le prix du bio-similaire demeure élevé par rapport au générique et cela s'explique par le fait que le bio-similaire a des coûts de production élevés et requiert des investissements pour sa fabrication. C'est donc aussi pour son coût que le bio-similaire est susceptible de constituer une voie intermédiaire non négligeable. Le médicament bio-similaire correspond à un médicament biologique déclaré comme similaire par rapport à un médicament biologique dit « de référence » pour lequel il aura été prouvé, par un plan de développement adapté, que son profil qualité, sécurité et efficacité est « similaire » au profil du médicament de référence. Une « copie » de molécule biologique ne pouvant être strictement identique mais seulement « similaire » au produit de référence, pour des raisons de différence de source biologique et de procédé de fabrication, elle est qualifiée de « bio-similaires » par contraction du terme officiel donné. Médicament biologique similaire à un médicament biologique de référence ». La Commission Européenne et ses groupes d'experts ont proposé, avec le statut de « bio-similaire, le concept de comparabilité et une approche intermédiaire à celle du médicament générique : lorsqu'un médicament biologique qui est similaire à un médicament biologique de référence ne remplit pas les conditions figurant dans la définition des médicaments génériques, en raison notamment de différences liées à la matière première ou de différences entre les procédés de fabrication du médicament biologique et du médicament biologique de référence, les résultats des essais précliniques ou cliniques appropriés relatifs à ces conditions doivent être fournis ». Cette formulation réglementaire fait bien le distinguo entre un médicament générique et un médicament bio-similaire et stipule que le plan de développement d'un médicament biologique similaire devra être plus étayé que le développement d'un médicament générique (lequel est essentiellement fondé sur l'identité de la molécule chimique et les preuves de bioéquivalence), notamment pour tenir compte de la variabilité intrinsèque de ces molécules complexes. Ainsi, cette définition de médicament bio-similaire permet d'établir une distinction claire entre les copies des médicaments chimiques et celles des médicaments biologiques et d'en tirer des conséquences en termes de gestion de la traçabilité, de l'information des patients et prescripteurs ainsi que des pratiques de substitution ou d'interchangeabilité, ainsi que cela a été discuté. Un médicament bio-similaire est un médicament biologique qui est développé pour être similaire à un médicament biologique existant (le "médicament de référence"). Les bio-similaires sont à distinguer des génériques, qui ont des structures chimiques plus simples et sont considérés comme identiques à leur médicament de référence. Pour comprendre la dénomination spécifique de "bio-similaire", proposée pour les substances actives d'origine biologique, il est nécessaire de rappeler d'une part la définition d'un médicament biologique et d'autre part quelques caractéristiques physicochimiques, biologiques et structurelles de ces molécules qui les rendent plus difficilement "copiables". Le potentiel d'économies, pour le système de santé, constitué par les bio-similaires est reconnu L'adoption des médicaments bio-similaires "constitue un enjeu majeur d'économies, pour l'assurance maladie, au regard des économies potentielles qu'ils peuvent apporter, sur le marché des médicaments remboursables". Le constat que les bio-similaires représentent "un gisement d'économies à exploiter" et annonce que le système de santé peut, ainsi, économiser. Mais, il ne s'agit pas de réaliser des économies aveugles : celles-ci représentent, avant tout, une opportunité, pour les patients et pour le système de santé. En valeur, les médicaments issus de la biotechnologie représentent 300 millions d'euros sur le marché national. La part du bio-similaire est à peine de 1%. Le paradoxe est édifiant dès lors que les autorités du pays s'attellent à réduire la facture du médicament en promouvant, par divers mécanismes, une large prescription du générique. Les enjeux liés aux médicaments bio-similaires sont premièrement d'ordre économique. L'arrivée sur le marché de ces médicaments est considérée comme un nouveau levier pour le système de protection sociale afin de dégager des économies. En effet, les économies attendues liées à l'arrivée des bio-similaires de médicaments biologiques déjà commercialisés devraient, en second lieu, permettre une utilisation des ressources publiques d'avantage tournée vers les innovations thérapeutiques coûteuses. L'Algérie est dépourvu d'une telle réglementation rigoureuse ! Et donc et du fait de l'absence d'une réglementation spécifique, et par principe de précaution, ces nouveaux produits ont été écartés que chez les nouvelles patients qui les nécessitent. Les anciens patients devront, impérativement, recevoir le produit de référence selon les experts cliniciens. Un certain nombre de bio-similaires, notamment en rhumatologie, hématologie et oncologie sont, déjà commercialisés et ce sont bientôt les malades atteints de diabète qui pourront bénéficier de cette nouvelle technologie avec l'entrée sur le marché d'un bio-similaire de l'insuline.
Enjeux L'absence d'une législation spécifique fait que notre pays accuse un retard dans l'accès et donc dans la prescription des médicaments bio-similaires Comme les médicaments génériques, les médicaments bio-similaires représentent, déjà aujourd'hui et davantage encore à l'avenir, un potentiel d'économies non négligeable qui ont pour objectif de garantir un double accès durable pour les patients : un accès à des médicaments moins chers, mais également un accès aux médicaments innovants pour répondre aux besoins médicaux non satisfaits. Tout retard dans l'utilisation des bio-similaires prive le gouvernement d'un avantage économique important. Cependant les avantages financiers de l'utilisation des bio-similaires doivent être mis en balance avec les risques potentiels qui imposent une information complète et impartiale, y compris auprès des patients. Un chemin long et difficile Le développement des bio-similaires ne pourra passer que par l'adhésion des prescripteurs hospitaliers qui sont souvent les primo-prescripteurs. De même, les pharmaciens hospitaliers, chargés des appels d'offres d'achat des médicaments dans les hôpitaux, vont devoir jouer un rôle non négligeable dans la promotion du bio-similaire. Il faudra surtout que prescripteur, pharmacien et patient aient confiance dans le bio-similaire. Le pari est loin d'être gagné. L'exemple du générique est là pour montrer que le chemin sera long et difficile. Prescription et délivrance des médicaments bio-similaires Compte tenu des précautions d'utilisation nécessaires, les conditions dans lesquelles les médicaments biologiques similaires peuvent être prescrits et substitués font l'objet d'un encadrement particulier. Au niveau de la prescription, l'ANSM recommande de changer le moins possible les traitements avec des médicaments biologiques chez un même patient. Si le choix entre deux médicaments biologiques (médicament de référence ou médicament bio-similaire) reste libre en l'absence de traitement antérieur identifié, il n'est cependant pas souhaitable, pour des raisons de sécurité et de traçabilité, de modifier la prescription initiale en remplaçant une spécialité par une autre. Néanmoins, au vu de l'évolution des connaissances et de l'analyse continue des données d'efficacité et de sécurité des médicaments bio-similaires au sein de l'Union européenne, l'ANSM estime qu'une interchangeabilité peut être envisagée au cours du traitement à condition de respecter plusieurs conditions : un patient traité par un médicament biologique doit être informé d'une possible interchangeabilité entre deux médicaments biologiques (médicament de référence et/ou médicament bio-similaire) et donner son accord ; il doit recevoir une surveillance clinique appropriée lors du traitement ; Une traçabilité sur les produits concernés doit être assurée. Compte tenu de cette position sur le plan sanitaire, la loi prévoit qu'en initiation de traitement avec un médicament biologique, le prescripteur porte sur la prescription la mention expresse "en initiation de traitement". Le prescripteur peut exclure, pour des raisons particulières tenant au patient, la possibilité de substitution par la mention expresse "non substituable" portée sur la prescription sous forme exclusivement manuscrite. En initiation de traitement avec un médicament biologique, le prescripteur doit informer le patient de la spécificité des médicaments biologiques et, le cas échéant, de la possibilité de substitution. Le prescripteur doit mettre en œuvre la surveillance clinique nécessaire. Aucune disposition spécifique n'encadre désormais le renouvellement de la prescription de médicament biologique, ce qui laisse la latitude au prescripteur de prescrire en renouvellement un médicament biologique autre qui celui prescrit initialement. A noter que pour les médicaments biologiques, la prescription doit comporter obligatoirement à la fois la dénomination commune et le nom de marque. Pour ce qui concerne la délivrance, le droit de substitution du pharmacien est fortement encadré. La substitution n'est autorisée qu'en initiation de traitement ou afin de permettre la continuité d'un traitement déjà initié avec le même médicament biologique similaire. Le prescripteur ne doit pas avoir exclu la possibilité de cette substitution. Le médicament biologique similaire délivré doit appartenir au même groupe biologique similaire que le médicament prescrit. Lorsque le pharmacien délivre par substitution au médicament biologique prescrit un médicament biologique similaire du même groupe, il inscrit le nom du médicament qu'il a délivré sur l'ordonnance et informe le prescripteur de cette substitution. Le pharmacien assure la dispensation de ce même médicament biologique lors du renouvellement de la prescription ou d'une nouvelle ordonnance de poursuite de traitement. Sur le plan économique, si la spécialité est inscrite sur la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux, la substitution ne doit pas entraîner une dépense supplémentaire pour l'assurance maladie supérieure à la dépense qu'aurait entraînée la délivrance du médicament biologique similaire le plus cher du même groupe. De ce fait, la substitution par le pharmacien d'officine n'est pas possible. Comment prescrire un médicament bio-similaire ? Seul le médecin autorisé à prescrire le médicament biologique de référence peut prescrire le médicament bio-similaire correspondant, tout au long du parcours patient. Comme pour toute prescription, il convient de prescrire dans le cadre d'une décision partagée entre le médecin et le patient. Selon la réglementation, la prescription d'un médicament biologique s'effectue en dénomination commune et en nom de marque. Elle doit respecter les règles habituelles de bonne prescription que sont : l'information du patient, la surveillance clinique appropriée lors du traitement et a traçabilité du médicament prescrit, dans le dossier médical du patient. Le médecin en charge du suivi, peut proposer, tout au long du parcours du patient, de changer un médicament biologique par un autre figurant sur la liste des médicaments bio-similaires de l'ANSM, ce qui définit l'interchangeabilité. Conclusion Quelle conclusion apporter à cet état des lieux du médicament biologique aujourd'hui, étant donné qu'une grande partie de son sort dépend encore d'évolutions à venir ? Les interrogations demeurent autour du bio-similaire et nécessitent des éclaircissements de la part des autorités compétentes. Le développement de ce médicament aux importantes potentialités thérapeutiques n'est possible que si des normes solides et complètes sont mises en place. Le bio-similaire est amené à se développer inexorablement, car il cristallise l'espoir d'une possible réduction des dépenses de santé pour les pouvoirs publics mais aussi une possibilité d'accéder à un traitement ciblé à moindre coût. Toutefois, la nature de ce médicament le subordonne à de nombreux facteurs contraignants qui sont susceptibles de constituer des obstacles à son développement. Une prise de conscience internationale est nécessaire, en raison de la mondialisation des échanges, afin de permettre une consolidation de ce marché. Bien qu'une course des acteurs économiques s'amorce, rien ne permet d'avoir une réelle visibilité du futur marché des bio-similaires. Cela s'explique par une carence de la législation américaine – et ce malgré la place prédominante des Etats-Unis – mais aussi par un manque de diffusion de l'information sur ce produit. Le bio-similaire reste un produit connu par un cercle restreint d'intéressés, ce qui ne favorise pas son développement. Le brouillard entourant le bio-similaire s'illustre également dans la qualification de celui-ci : si la législation européenne a opté pour le terme de bio-similaire, il est fréquent de retrouver le terme bio-générique, ce qui constitue un abus de langage étant donné que le bio-similaire ne saurait être un générique d'un médicament de référence. Le sort du bio-similaire dépend encore largement d'évolutions à venir, notamment dans le domaine de la législation européenne et américaine. Ses grandes potentialités, que la recherche est encore en train de mettre au jour, sont proportionnelles à la complexité d'un médicament qui se distingue de son équivalent chimique, justifiant ainsi une prudence accrue lors de sa mise sur le marché. Aux grandes potentialités thérapeutiques, correspondent aussi des intérêts financiers : ceux des laboratoires, qui espèrent faire des profits, et ceux des pouvoirs publics, soucieux de réduction des dépenses publiques. Ces espoirs de profits financiers sont contrebalancés par des coûts de production forcément plus élevés que ceux du médicament issu de l'industrie chimique. Les différents acteurs du bio-similaire, pour arriver à une diffusion plus massive de leurs produits, devront donc relever un certain nombre de défis : œuvrer à l'élaboration d'une juridiction adaptée à ce type de médicament bien spécifique qui nécessite une prise de précaution renforcée par rapport à son équivalent chimique ; atteindre des coûts de production qui satisfassent aux exigences en termes de sécurité sanitaire mais permettent aussi de mettre sur le marché des produits qui assurent une certaine marge d'économie par rapport aux médicaments de référence ; et enfin mieux communiquer autour de ce produit pharmaceutique trop peu connu, afin de faire connaître ses grandes potentialités et de rassurer. Le bio-similaire a donc encore de nombreuses années devant lui.