La France s'invite régulièrement dans la campagne pour l'amnistie des terroristes algériens. Bouteflika se montre tour à tour intransigeant sur le repentir de l'ancienne puissance coloniale et sur la nécessité de corriger l'offense de la loi du 23 février, puis réconciliant avec son “ami” Chirac, et satisfait de l'état de la coopération entre les deux Etats. Bien malin qui donc pourrait nous énoncer l'état réel des relations qui fluctuent au fil des meetings. Il faut croire que Paris tient particulièrement à ce fameux projet, tant il en est fait usage comme d'une monnaie d'échange. Mais comme tout le monde ignore le contenu probable de l'historique mais virtuel pacte, nul ne saura non plus pourquoi il est ainsi brandi comme un moyen de pression sur le partenariat français, ni si le procédé aura quelque efficacité diplomatique. Sur cette question comme sur d'autres, nous sommes contraints à un “wait and see” sans illusions. D'autres promesses, qui vont des réformes annoncées… en 1999 au dernier “programme de soutien à la relance”, attendent toujours de se matérialiser. On peut d'ailleurs se demander pourquoi la question du contentieux algéro-français et celle des harkis font régulièrement irruption dans cette campagne. Si la situation est comparable, pourquoi y a-t-il alors amnistie unilatérale ici et demande de pardon là ? Et si elle ne l'est pas, pourquoi cette intrusion récurrente de thèmes historiquement et politiquement incomparables avec la question qu'on s'apprête à trancher de manière si injuste et si inconséquente ? Le problème est dans ce que ce monologue présidentiel où la finesse semble se nourrir de la contradiction tient, à lui seul, lieu de débat public. L'objection est étouffée et les voix officielles de soutien se contentent de contrefaire le même discours au lieu de le clarifier. Ainsi, Khalida Toumi, dans un effort pédagogique qui ne nous rappelle point son passé d'enseignante, a comparé, avant-hier, devant nos “hommes de culture” l'état de l'Algérie à celui de la France de la Libération et de l'après-Vichy ! La charte de l'amnistie, “projet civilisationnel”, dit-elle, “l'Algérie pourrait réussir l'exploit, à la différence qu'elle n'aura pas à se mentir comme l'a fait De Gaulle avec les Français (!)” Difficile d'y voir clair, sauf que si l'on devait forcer l'impossible comparaison, on serait plutôt en juin 1940, à l'époque de la demande d'armistice, qu'en 1945, à la libération. Et la démarche gaullienne ne serait alors sûrement pas du côté de l'arrangement avec les terroristes, et donc pas du côté de la charte. Surtout si l'on est convaincu que Maâtoub est encore un résistant. Mais cela, c'est une autre histoire, voire une autre vie. Il s'est trouvé aujourd'hui des “artistes” pour venir prôner, autour de la ministre, ancienne “menacée” devenue réconciliatrice, leur soutien à l'amnistie. On ne peut au demeurant pas commenter les positions d'artistes dont l'existence culturelle dépend du monopole des médias et de lieux de production artistique. D'autant plus qu'aujourd'hui, la création la mieux valorisée dans le pays reste l'art de la propagande. Dans cette “réunion culturelle” pour la charte, Zohra Drif a usé de sa légitimité combattante pour renvoyer le mouvement citoyen au statut de foule manipulée pour diviser les Algériens. Ah ! l'utilité politicienne de la mémoire anticoloniale. Elle peut même servir à légitimer l'oubli. M. H.