L'attestation de régulation exigée aux opérateurs a impacté négativement les programmes d'importation des médicaments. Jusqu'au 31 août dernier, seuls 600 millions d'euros ont été réalisés sur le programme accordé pour l'année 2020. La pénurie de médicaments risque de perdurer. Le dernier SOS lancé par les oncologues et d'autres spécialistes sur la pénurie de médicaments dans les hôpitaux risque de ne pas trouver d'écho avant longtemps, puisque les opérateurs et les producteurs de produits pharmaceutiques doivent désormais fournir une "attestation de régulation" désormais indispensable pour la domiciliation bancaire. Cette nouvelle exigence introduite au début du mois en cours par le ministère de l'Industrie pharmaceutique ne sera pas sans conséquence sur les programmes prévisionnels d'importation des médicaments, dûment signés par le ministère de la Santé. Jusqu'au 31 août dernier, seuls 600 millions d'euros ont été réalisés sur le programme accordé pour l'année 2020, qui est de l'ordre de 1,47 milliard d'euros, soit moins de 50%. Selon des sources bien informées, il reste à réaliser 800 millions d'euros durant ces derniers mois de l'année en cours pour satisfaire les besoins exprimés par les hôpitaux et les officines. Ce retard de réalisation de programme s'explique, selon nos sources, par les effets de la crise pandémique. Les mêmes sources soulignent que la concrétisation du programme établi selon des critères économiques par le département prescripteur de médicaments se poursuivait normalement jusqu'au jour où le département de Lotfi Benbahmed a mis son grain de sel, en conditionnant les opérations d'importation par "l'attestation de régulation". Le premier opérateur qui a fait les frais de ce nouveau tour de vis du ministre de l'Industrie pharmaceutique est la Pharmacie centrale des hôpitaux. Cet établissement public doté du statut d'Epic, créé pour voler au secours des malades souffrant dans les hôpitaux, ne pourrait poursuivre son programme d'approvisionnement des hôpitaux en raison du "nouvel écueil bureaucratique". Son programme d'importation destiné en exclusivité aux 647 hôpitaux du pays est bloqué depuis dix jours. Sa banque lui a exigé "le sésame" de Lotfi Benbahmed pour assurer la domiciliation bancaire et pouvoir importer. Selon nos sources, la PCH, qui couvre les besoins de pas moins de 25 classes thérapeutiques, a inscrit une opération de plus de 10 milliards de dinars, mais est bloquée au niveau de sa banque, faute "d'attestation de régulation". Il faut savoir que les programmes d'importation établis par la PCH représentent plus de 20% de l'enveloppe globale d'importation de médicaments et de dispositifs médicaux pour l'exercice de l'année 2020, qui est de l'ordre de 1,47 milliard d'euros, soit 400 millions d'euros de moins par rapport à la facture de 2019 qui était de 1,8 milliard d'euros. Nos sources soutiennent que "ce sésame" d'importation délivré par le ministère de l'Industrie pharmaceutique risque de pénaliser aussi l'Institut Pasteur d'Algérie, en matière d'acquisition des vaccins, notamment le vaccin contre la Covid-19. Néanmoins, nos sources rappellent que les programmes prévisionnels établis pour l'année 2020 ont été minutieusement étudiés selon les critères économiques et après vérification des situations des stocks et des produits pharmaceutiques fabriqués en Algérie. Autrement dit, une première régulation a été faite en amont par le département ministériel prescripteur des médicaments. Pourquoi alors cette deuxième régulation à trois mois de la clôture de l'année budgétaire en cours ? Des importateurs et des opérateurs-producteurs se disent pris de court par cette mesure, qui se veut être comme une deuxième régulation qui vient remettre en cause le travail fait en amont par les services du ministère de la Santé. "Cette mesure bureaucratique, qui n'a aucune raison d'être, va lourdement impacter la vie des malades. L'attestation de Benbahmed va entraîner des retards énormes et bureaucratiser un secteur aussi sensible. Les pièces requises dans le dossier prendront beaucoup de temps. On connaît bien l'administration algérienne", dénoncera un producteur qui importe des intrants nécessaires à la fabrication de médicaments. Un autre opérateur spécialisé dans l'importation des dispositifs médicaux interventionnels destinés à la cardiologie et à la néphrologie n'a pas caché sa colère contre cette "attestation de blocage". "Cette attestation dite de deuxième régulation confirme le recul de l'économie algérienne. Ce n'est pas avec de telles mesurettes qu'on pourra développer l'industrie pharmaceutique. Cette mesure ne vise rien d'autre qu'à économiser 300 à 400 millions de dollars d'ici à la fin de l'année, mais au détriment de la santé des Algériens, alors que le Président a toujours réitéré que la santé des citoyens est une ligne rouge à ne pas franchir", pestera un autre opérateur. Ce dernier citera, à titre d'illustration, les dispositifs médicaux interventionnels qui ont une durée de vie très limitée. "Nous importons des stents très utilisés en cardiologie interventionnelle de manière régulière parce que le délai de validité ne dépasse pas six mois. Il s'agit d'une sonde qu'on place à l'intérieur des artères quand on fait une angioplastie. Comment va-t-on réussir à approvisionner les hôpitaux avec un tel outil médical de première nécessité, puisqu'il faut importer les stents au moins deux fois par an ?" s'interrogera encore l'opérateur. Néanmoins, il importe de revenir sur la genèse de cette "attestation de régulation". Selon nos sources, le chef de cabinet du Premier ministre a écrit, le 14 septembre dernier, sur instruction d'Abdelaziz Djerad, au ministre de l'Industrie pharmaceutique : "Suite par envoi ci-dessus référencé, vous avez soumis à l'appréciation de M. le Premier ministre une proposition d'introduire une attestation de régulation pour être versée dans le dossier requis par les banques, dans la procédure de domiciliation de l'importation des produits pharmaceutiques, médicaux. Vous avez également souligné que l'introduction de cet outil permettra la régulation de l'importation des produits et un contrôle sur l'incidence financière qui sera engendrée par les programmes prévisionnels d'importation déjà accordés par les services du ministère de la Santé, pour l'exercice 2020. Dans ce cas, j'ai l'honneur de vous informer que M. le Premier ministre vous demande de bien vouloir examiner la faisabilité de cette proposition avec les secteurs concernés, à savoir les ministères chargés des Finances, de la Santé et du Commerce." Cet écrit sonne comme un rappel que le seul département habilité à définir et à identifier les besoins en médicaments est le ministère de la Santé.