Ce premier musée privé est dédié à la culture africaine, où une exposition de pas moins de 5 000 objets d'arts se tient jusqu'au 14 novembre prochain. C'est sous la devise "toutes les routes d'Algérie sont africaines" que le musée a ouvert ses portes ce samedi 17 octobre. Passionné des arts et cultures africains, les fondateurs du musée veulent faire connaître"le rayonnement culturel du patrimoine africain et de la fraternité". Selon ses membres fondateurs, le musée, qui dispose de la personnalité morale et de la capacité civile et exerce sur l'ensemble du territoire national et à l'étranger, se compose de trois entités : une salle d'exposition, un think tank et un centre de documentation/bibliothèque. Sur ce projet, le premier du genre en Afrique et en Algérie, Abdelkrim Benbahmed nous a indiqué, en nous faisant visiter le lieu, que le musée dispose de seize vitrines de différentes capacités qui sont organisées par culture ou ensemble culturel homogène par rapport à des critères. Les ensembles culturels sont approchés "dans une première approximation, par les ensembles linguistiques", a-t-il insisté. Concernant les objets exposés, notre guide a fait savoir que des ethnies utilisent dans leurs rituels des animaux ou représentations zoomorphes. C'est d'ailleurs pourquoi "des outils en forme de panthères, d'éléphants, d'araignées sont utilisés par ces peuples dans leur culture". Avec son épouse Amina (disparue le 17 octobre 2019, avec laquelle il partageait sa passion), ils ont travaillé ensemble et ont collecté tout au long de leur vie des objets de valeur africains, dans le but de faire connaître le continent dans ses interrelations avec l'Algérie, à travers, notamment, leur itinéraire. Passionné de l'histoire du berceau de l'humanité, le couple a collectionné un grand nombre d'objets d'arts premiers, outils du quotidien datant de plus de 1500 ans, des manuscrits, des pièces de monnaie de différentes époques, des armes anciennes, et d'autres pièces uniques. Traditionnellement rangés dans un environnement tenu discret, les objets sont éparpillés dans la maison comme dans cet espace au rez-de-chaussée. En effet, M. Benbahmed a transformé sa demeure, sur les hauteurs d'Alger, à Dar Aziza Amina, 48, Bois des Cars, à Dély Brahim, en musée où il expose 5 000 pièces collectionnées tout au long de son parcours. Tout a commencé en 1962, juste après l'indépendance, lorsque sa femme Amina et lui ont pris conscience de leur appartenance à l'Afrique. Le couple a par la suite pu assouvir sa soif de l'Afrique en sillonnant le continent. M. Benbahmed nous confie que son premier voyage l'a mené au Ghana, en août 1963. "J'étais étudiant, responsable à l'Union générale des étudiants musulmans algériens (UGMA), chargé des relations africaines, et c'est comme cela que j'ai connu l'Afrique. Ensuite, ce furent des visites au Nigeria, en Libye, en Egypte, en Ethiopie, au Kenya, au Tanganyika et au Zanzibar, avant l'âge de 21 ans." Il raconte tout dans le détail à Amina, nous dit-il, qui est devenue sa compagne, et qui a partagé par la suite sa passion des voyages. Au sujet de leur amour voué au continent noir, il révèle qu'ils étaient "sublimés par la richesse des cultures, des paysages et surtout par l'hospitalité légendaire des femmes et des hommes. J'en avais croisé à Legon (Accra), Ibadan (Nigeria) et à Nairobi (Kenya)". D'une grande sensibilité, M. Benbahmed met en lumière le caractère exceptionnel de sa collection qui illustre son sentiment d'appartenance à l'Algérie. Se voulant plus explicite, il nous montre à travers une carte du continent africain le mouvement d'exode rural et l'histoire de la sédentarisation des nomades. "Le Tassili n'Ajjer veut dire la montagne où il y a beaucoup d'eau, ajjar veut dire l'eau pérenne. Je traduirais ça par château d'eau, et pendant la période glaciaire, au Nord, il n'y avait pas de possibilité de s'installer, et en dessous, c'était le désert", a-t-il expliqué. Et de poursuivre : "La désertification a commencé au Nord et non pas au Sud comme nous le pensions. Les montagnes et la mer ont donc préservé leur aspect et la région de Laghouat a été désertifiée avant Tamanrasset, mais entre la désertification et l'anté-désertification, les populations descendaient vers le Niger et au fur et à mesure que la végétation poussait, elles sont descendues petit à petit et tous ces gens-là (du Sahel : ndlr) viennent du Sahara. C'est cela ma thèse". Pour Abdelkrim Benbahmed, qui porte l'Afrique dans son cœur, ce musée est une démarche sensible pour la première commémoration de la perte de son épouse. A noter que le musée "Itinéraires Algérie-Afrique" exposera du 17 octobre au 14 novembre des objets d'arts classés par grandes cultures africaines, dont certains datent de la période antique.