Dans les différents quartiers des hauteurs de la capitale, la présence policière est plutôt discrète aux abords des centres de vote. L'ambiance change au fur et mesure que l'on s'approche de l'itinéraire traditionnel des grandes manifestations du Hirak. Journée ordinaire à Alger, ou presque. Les magasins sont ouverts, les cafés, les restaurants et les services également. La rue grouille de citoyens. Les uns font leurs courses. D'autres palabrent par groupes, au seuil des commerces et sur les places publiques. Six jeunes adultes, assis sous un arbre, jouent aux dominos à l'entrée d'une cité à Aïn Naâdja, en fin de matinée. "Je n'ai jamais voté. Je ne sais même pas si je suis inscrit ou pas sur le fichier électoral", répond le plus âgé, frôlant la trentaine. Ses camarades ne lèvent pas la tête de la table pliante sur laquelle se construisait la trame du jeu. La discussion ne capte pas leur intérêt. Dans les différents quartiers des hauteurs de la capitale, la présence policière est plutôt discrète aux abords des centres de vote. L'ambiance change au fur et mesure que l'on s'approche de l'itinéraire traditionnel des grandes manifestations du Hirak. Du haut de la rue Didouche-Mourad jusqu'à la Grande-Poste, les fourgons cellulaires de la Sûreté nationale "bordent" les trottoirs. Des agents en civil et d'autres en uniforme sont postés à différents endroits névralgiques de ce parcours, guettant le moindre mouvement de rue suspect (potentielle action de rue contre le référendum). Des arrestations "préventives" sont opérées dans les rangs des activistes—Slimane Hamitouche, Zoheir Aberkane, Lakhdar Azizi, Sadek Louaïl, selon Me Abdelghani Badi—à Alger Centre. Sur le flanc arrière de la recette principale des PTT, à quelques encablures de la place des Martyrs, un dispositif imposant est mis en place. Il se prolonge jusqu'au cœur de Bab El-Oued. Pourtant, rien ne présage une désaffection des Algérois. Ils se cantonnent clairement dans une indifférence sidérale. La cour de récréation de l'école primaire Djerdjera à Bachedjarrah est déserte. "Le temps s'écoule lentement. C'est très calme, n'est-ce pas ?", plaisante Boussafsaf Nourredine. Dans le centre de vote qu'il administre, il n'y a pas grand-chose à faire. À 10h, 53 citoyens ont mis un bulletin dans l'urne sur un total de 2 657 électeurs inscrits. À 13h, le nombre atteignait... 154 votants. Notre interlocuteur ne s'attend pas à un taux de participation élevé dans cette circonscription électorale, cumulant 43 600 inscrits répartis dans 16 centres. "L'affluence est nettement plus faible que lors de l'élection présidentielle du 12 décembre 2019. Jusqu'à présent, ce sont les personnes âgées qui se sont présentées", souligne-t-il. À ce moment-là, un octogénaire demande où il doit voter. Un agent l'oriente vers le bureau n°28. "Je ne sais pas ce que contient la nouvelle Constitution. Mon heure est passée. Je me préoccupe de la pension que je perçois chaque fin du mois. Je vote par habitude et pour ceux qui ont encore de l'avenir devant eux". Constat identique à l'école des Frères Mokhtari, à Hussein-Dey. Sur 2 660 électeurs, 191 ont accompli leur devoir électoral en début d'après-midi. "D'habitude, une file se forme à l'entrée des bureaux de vote à 9h du matin. Ce n'était pas le cas aujourd'hui", témoigne Beldjoudi Nourredine, chef de ce centre de vote. De son point de vue, le référendum sur la réforme constitutionnelle est sérieusement compromis par de nombreux facteurs inhibants. Il cite l'épidémie de coronavirus, l'absence du président de la République, hospitalisé dans un établissement spécialisé en Allemagne, et la nature du scrutin. "Voter oui ou non pour un texte que la plupart des électeurs n'ont pas lu n'est pas attractif. La participation est toujours plus forte quand il s'agit de choisir un candidat identifié", explique-t-il. Le directeur du centre hommes Abderrahmane-Ahmine à Bélouizdad, Brahna Tayeb donne une appréciation diamétralement opposée de la situation. "À Belcourt, nous sommes des votants. J'ai enregistré une bonne participation", se félicite-t-il. Il livre le nombre de suffrages exprimés à 14h : 102. Sur combien d'électeurs inscrits ? "Je n'ai pas la liste globale. Vous pouvez l'avoir à l'APC", esquive-t-il. L'application du protocole sanitaire est simple en l'absence des foules. "Nous ne recevons pas plus de deux électeurs par demi-heure. Le problème de gestion des mesures barrières ne se pose pas", assurent les chargés de l'opération électorale au bureau n°12 du centre de l'école des Frères Mokhtari.