En colère après l'annonce, avant-hier, de leur mise en congé technique pour un mois, et surtout pour la seconde fois depuis le début de l'année, les travailleurs de l'Eniem ont investi, hier, la rue pour exiger l'annulation de cette décision, qui met dans le désarroi 1 700 familles, et aussi le départ du P-DG de l'entreprise. Rassemblés devant le site de fabrication de production, à Oued Aïssi, à l'heure habituelle de son ouverture, à 8h, les travailleurs, au nombre d'un millier environ, ont entamé une marche d'une dizaine de kilomètres vers le siège de la wilaya où ils ont organisé un rassemblement de protestation. "L'Eniem fait partie de l'histoire de la Kabylie", a d'emblée affirmé un représentant des travailleurs, qui s'est adressé à la foule en colère, regroupée devant l'entrée principale de la cité administrative qui a été quadrillée par un imposant dispositif des forces antiémeutes. "Nous ne sommes pas venus pour négocier avec le wali, mais plutôt pour exiger le départ du P-DG et l'annulation de cet arrêt technique", a poursuivi le même intervenant. Un autre travailleur prend la parole pour alerter, avec amertume, ses camarades sur le triste sort qui les attend. "Ce deuxième arrêt technique de l'Eniem signe le début d'un processus de licenciement des travailleurs ou, carrément, la fermeture de cette entreprise qui emploie plus d'un millier de pères de famille", lance-t-il, avant d'ajouter : "Nous avons reçu, avant-hier, nos titres de congé, mais nous avons décidé, à l'unanimité, de les renvoyer à notre administration en signe de contestation." "Nous sommes là pour revendiquer nos droits et une solution durable pour l'Eniem", tonne encore ce travailleur. Parallèlement à cette marche vers le siège de la wilaya, un autre groupe constitué essentiellement de cadres de l'Eniem organisait un autre sit-in devant la Direction générale de l'entreprise, située au boulevard Stiti, à la sortie ouest de la ville de Tizi Ouzou. "Nous sommes des cadres de l'Eniem, et à notre grande surprise, en arrivant ce matin devant l'entrée de la direction, nous avons trouvé la porte fermée suite à une instruction de l'administration", a affirmé un cadre de cette entreprise nationale rencontré sur place. "La décision de la direction de mettre en congé technique les travailleurs n'est pas détaillée et aucune liste du personnel mis en congé ou retenu pour travailler n'a été affichée", s'est exclamée une autre employée. "Nous sommes des cadres et nous estimons que nous ne sommes pas concernés par cette décision qui doit toucher les travailleurs d'exécution, pour manque d'approvisionnement, et non pas l'encadrement qui a des dossiers à terminer", a-t-elle ajouté. "Les travailleurs sont mécontents car c'est la deuxième fois qu'on nous met au chômage technique sans raison valable et en l'absence de toute communication avec les travailleurs. Pour nous, c'est une décision abusive que nous contestons", s'est-elle emportée. À vrai dire, ce nouvel arrêt technique de l'Eniem n'a pas fait réagir les seuls travailleurs de l'entreprise. Dans une déclaration rendue publique, hier, le RCD s'est demandé s'il n'y a pas des parties qui cherchent à mettre le feu aux poudres. "Le bureau régional du RCD Tizi Ouzou salue le courage de la direction de l'entreprise pour la clarté de leur communication et la réaction du collectif des travailleurs qui ont déclenché un mouvement de protestation contre cette mise au chômage technique programmée. Cet arrêt symbolise, à lui seul, l'inertie et les inconséquences d'un système de gouvernance reconduit par un coup de force et contre la volonté du peuple qui réclame son départ depuis Février 2019", lit-on dans la déclaration du bureau régional du RCD à Tizi Ouzou. Tout en réaffirmant son soutien aux travailleurs de cette entreprise publique et son attachement à la sauvegarde de cette dernière, le RCD a tenu à mettre en garde les autorités en charge du dossier contre "les conséquences désastreuses qui se traduiront par une précarité encore plus aiguë". Pour rappel, la direction de l'Eniem a annoncé un arrêt technique des activités, depuis hier, pour une période d'un mois, en raison des contraintes financières et d'une rupture de stocks de matière première. Le conseil d'administration de l'Eniem a motivé sa décision par "la persistance du blocage de la banque pour l'octroi des crédits nécessaires pour le financement des approvisionnements, la rupture des stocks des matières premières entraînant de fait l'arrêt de la production et l'abrogation de la production de l'électroménager à partir de collections CKD".