En l'espace de deux jours, les prix des fruits et légumes ont connu une envolée vertigineuse. Premier jour de Ramadhan. Il est midi et la circulation dans la capitale est fluide. Fait surprenant, mais où sont donc passés les Algérois ? Une virée du côté des marchés… Bingo ! C'est à croire qu'ils se sont tous donné rendez-vous en ces lieux où “personne n'en sort indemne”, nous lance la première personne accostée au marché communal de Chéraga. Les étals sont bien achalandés, aussi bien en qualité qu'en quantité : fruits et légumes et autres produits sans parler des diverses variétés d'olives. Difficile d'y résister même si les prix donnent le tournis. “Ça fait à peine deux jours que j'ai acheté de la courgette à 35 DA en ce même endroit. Aujourd'hui, je la trouve à 80 DA. Ce n'est pas normal qu'on puisse agir de la sorte en ce mois de piété”, s'est plainte une dame qui se promenait le couffin vide. Elle n'est pas la seule à ne pas pouvoir expliquer cette hausse vertigineuse à chaque Ramadhan. “C'est toujours la même rengaine, et personne ne réagit. Mais où est donc l'Etat dans tout ça”, nous a déclaré ce couple qui se contentait de contempler sans pouvoir acheter grand-chose… le strict nécessaire. De la viande donc pour la chorba, du poulet et des fruits secs pour le reste des plats. Garnir une table de Ramadhan est loin d'être évident de nos jours lorsqu'on remarque que le bifteck est à 850 DA, les côtes à 560 DA, le gigot à 680 DA, l'épaule à 680 DA et le foie à 1 400 DA. La pomme de terre, très utilisée dans la cuisine algérienne, a atteint 35 DA. La courgette qui est nécessaire pour la chorba ou alors pour une bonne dolma est, quant à elle, vendue à 58 DA, alors que les inévitables diouls pour les irremplaçables boureks sont cédés entre 35 et 50 DA. Le couffin n'est toujours pas rempli, il faudra l'agrémenter avec quelques épices, un bouquet garni, du citron à 200 DA le kilo, mais aussi quelques fruits secs pour le fameux “lham lahlou”, des abricots séchés, des amandes, des pruneaux, des poires et des raisins secs en plus de la viande. Le plat revient plutôt cher pour Amina, fonctionnaire dans une entreprise publique, qui, elle, se plaint de ne pouvoir joindre les deux bouts. “Nous ne savons plus comment nous définir. Pauvres ou riches ? Nous nous retrouvons dans aucun des deux camps puisque nous sommes trop riches pour bénéficier de l'aide de l'Etat et trop pauvres pour manger à notre faim ou tout ce que l'on désire”, dit-elle complètement désespérée. “Remarquez par vous-même la flambée des prix qui, déjà en temps normal, sont trop élevés par rapport à notre bourse modeste. Et cela se passe sous le nez des contrôleurs qui ferment les yeux. Tout le monde est complice, et c'est toujours le citoyen simple qui paye”, s'écrie excédé un père de famille qui nous a raconté son désarroi. “Le prêt pour Ramadhan est devenu une tradition tant le salaire est loin d'y suffire. 20 à 25 000 DA par mois pour une famille de 6 à 7 personnes, alors qu'un kilo de poires ou de nectarines peut atteindre 120 ou 150 DA et la pomme à 200 DA. Ça sert à quoi de vivre si on ne peut même pas se permettre une gâterie de temps à autre ?” Au marché Ali-Mellah, dont une partie est en travaux de rénovation, le même scénario se répète. “C'est partout pareil”, nous dit-on même dans les marchés dits populaires. “Le poulet varie entre 160 et 220 DA et la dinde est à 250 DA, la viande à plus de 600 DA, alors que la viande congelée est proposée à 350 DA. Des prix qui ne peuvent que faire saigner les bourses modestes. Fort heureusement, le mois de piété garde malgré tout son côté sacré. Des âmes charitables qui ne dévient pas de la véritable morale du Ramadhan. Khalti Meriem, en est l'exemple vivant. Elle vient de Bab-Ezzouar jusqu'ici pour faire son marché pour une popote de trois couverts supplémentaires par rapport au nombre de sa petite famille. C'est pour les nécessiteux, et cela dure depuis des années…” Nabila SaIdoun