L'affaire Walid Nekkiche ne pouvait rester impunie. Les sévices qu'il dit avoir subis lors de sa garde à vue étaient d'une exterme gravité. Moins d'une semaine après son procès, le parquet général diligente une instruction préliminaire sur les faits avancés par le concerné afin, dit-il, "d'établir la vérité sur ce qui serait passé". La vague d'indignation et de dénonciation provoquée, au niveau national et même au-delà des frontières, par les révélations glaçantes faites, le 1er février dernier, par le jeune étudiant Walid Nekkiche, qui comparaissait devant le tribunal criminel de la cour d'Alger pour de lourds chefs d'inculpation commence visiblement à payer. En effet, une semaine après ces révélations faites en audience au tribunal de Dar El-Beïda qui a abrité le procès, voilà que le parquet général près la cour d'Alger a ordonné, hier, au procureur de la République près le tribunal de Bir Mourad-Raïs, d'instruire une enquête préliminaire sur cette affaire. "Le parquet général près la cour d'Alger a ordonné hier au procureur de la République près le tribunal de Bir Mourad-Raïs d'instruire une enquête préliminaire sur les faits avancés par le citoyen Walid Nekkiche et chargé la police judiciaire compétente de cette mission" a rapporté, hier, l'APS qui a repris le communiqué du parquet. "Conformément aux dispositions de l'article 11 du code de procédure pénal, le parquet général près la cour d'Alger, après avoir pris connaissance d'un exposé des faits présentés par monsieur le procureur de la République adjoint, représentant du parquet général à l'audience du tribunal criminel dans le procès du nommé Nekkiche Walid, tenue au siège du tribunal de Dar El-Beïda (Alger) en date du 2 février 2021, et après avoir compulsé l'attestation dressée par le greffier de l'audience concernant le déroulement du procès. Attendu qu'il ressort des deux documents suscités que l'accusé Nekkiche a déclaré lors de son procès, en réponse à une question qui lui a été adressée par sa défense, avoir été victime durant sa garde à vue de violences et d'agressions sexuelles de la part des éléments de la police judiciaire en charge de l'enquête préliminaire", est-il précisé dans le communiqué en question. Dans son communiqué, le parquet général ne se cache pas que l'ouverture de cette enquête préliminaire est décidée en réaction à l'onde de choc provoquée par les déclarations de Walid Nekkiche. "Au vu des réactions et commentaires relayés par les différents titres de presse et provoquées par ces déclarations, ainsi que la remise en doute et les interrogations suscitées auprès des parties qui s'intéressent à l'action judiciaire, notamment concernant le respect de la liberté et de la dignité des citoyens suspects placés en garde à vue, et dans le but d'établir la vérité sur ce qui se serait passé dans l'affaire du citoyen Walid Nekkiche, le parquet général près la cour d'Alger a ordonné en date du 07-02-2021, sur la base des informations en sa possession et des pièces en rapport avec l'affaire du concerné, à monsieur le procureur de la République près le tribunal de Bir Mourad-Raïs de diligenter une instruction préliminaire sur les faits avancés par le concerné et chargé la police judiciaire compétente de cette mission", est-il, en effet, précisé dans le communiqué du parquet général. Contacté à ce sujet, Me Hakim Saheb, l'un des avocats du Collectif de défense de Walid Nekkiche, a souligné que "pour que l'ouverture d'une information judiciaire soit considérée ouverte, le parquet doit appeler la victime pour l'auditionner et lui demander si elle maintient ses déclarations et se constitue partie civile". "Un procès-verbal doit, ainsi, être établi pour servir de base juridique à cette information judiciaire", a expliqué Me Saheb qui ajoute : "Certes les avocats n'ont pas été informés, tant ils ne sont pas encore constitués dans cette affaire, mais nous considérons que tant que la victime n'est pas appelée, il n'y a toujours pas d'ouverture d'une information judiciaire. Ils peuvent, toutefois, annoncer l'ouverture d'une information judiciaire mais tant que la victime n'est pas contactée cela reste un effet d'annonce." Cela, estime notre interlocuteur, d'autant qu'"il y a une plainte qui est déposée auprès du procureur général depuis le mois de juin 2020 par Me Hadouche Nacéra et nous avons un accusé de réception de cette plainte". "Même lors du procès de la semaine derrière, Me Hadouche Nacéra a demandé lors de l'audience l'ouverture d'une information judiciaire", a-t-il rappelé estimant, ainsi, que "le parquet n'a qu'à répondre à la plainte déposée par les avocats de Nekkiche". Pour rappel, Walid Nekkiche, étudiant à Alger, a été arrêté le 26 novembre 2019 lors d'une marche des étudiants à Alger pour n'être présenté devant la justice que le 2 décembre, date à partir de laquelle il a été placé en détention. Jugé, le 1er février dernier, soit 14 mois après, devant un tribunal criminel, il a révélé que pendant les six jours qui ont suivi son arrestation il a été torturé et subi des sévices sexuels. Des révélations qui ont choqué l'opinion nationale et internationale.