Ce procès a dévoilé, encore fois, l'ampleur du mal dont souffre encore le système judiciaire algérien. Il s'agit de l'attitude des magistrats qui passent, curieusement, sous silence des dépassements et des violations graves des droits de l'homme et des lois du pays. Soulagement et beaucoup de zones d'ombre ! Le procès du jeune étudiant Walid Nekiche, qui s'est déroulé dimanche dernier à la chambre criminelle près la cour d'Alger, laquelle a siégé au tribunal de Dar El Beïda, à l'est de la capitale, restera sans doute dans les annales de la justice. Et cela en raison de l'affaire traitée, le réquisitoire ahurissant du procureur, les révélations faites par l'accusé principal et ses avocats ainsi que le verdict prononcé. En effet, l'audience marathonienne, qui a duré plusieurs heures, a été marquée par la décision du juge, prononcée tard dans la nuit : Walid Nekiche et son ami Kamel Saadi ont été tous les deux innocentés de toutes les accusations à caractère criminel. A l'issue du procès, le jeune étudiant de 25 ans a été condamné pour le délit de «détention de documents pouvant porter atteinte aux intérêts du pays» à six mois de prison ferme. Ayant déjà purgé plus de 14 mois de détention provisoire, le jeune a quitté la prison hier matin. Un soulagement pour lui, sa famille et les 25 avocats qui ont bataillé, plusieurs heures durant, pour démonter les graves charges contenues dans ce dossier «vide», selon eux. «Je n'ai jamais vu un dossier criminel où il n'y a pas de faits», dénonce l'avocate Nabila Smaïl. Et d'ajouter : «Il y a un arsenal d'articles répressifs qui vont jusqu'à la peine de mort, et il y a un dossier qui est vide. Il n'y a pas de faits. Il y a un arrêt de la chambre d'accusation qui est basé sur des PV de police qui sont faits sur la base d'aveux arrachés après torture. La torture est prouvée, nous l'avons dénoncée.» Torture et agression sexuelle Ce procès a dévoilé, encore fois, l'ampleur du mal dont souffre encore le système judiciaire algérien. Il s'agit de l'attitude des magistrats qui passent, curieusement, sous silence, des dépassements et des violations graves des droits de l'homme et des lois du pays. Le procureur de la République, qui a requis la perpétuité contre les accusés, a été vivement dénoncé, effectivement, par les avocats pour son silence sur le contenu des révélations faites par l'accusé en pleine audience, affirmant avoir été «torturé et agressé sexuellement», lors de sa garde à vue, qui a duré une semaine. «Cela renseigne sur la régression institutionnelle. Il s'agit d'une déliquescence morale et éthique, dans la mesure où les magistrats n'exercent pas leurs missions et n'assument pas complètement leur mandat», déplore, pour sa part, Me Hakim Saheb, membre du collectif des avocats de la défense. Selon lui, la défense «était déjà au courant des faits révélés par Walid Nekiche». «Mais par respect à sa dignité et pour éviter d'accentuer la douleur de sa famille, nous avons préféré ne rien dire», explique-t-il, précisant que le procureur «était dans l'obligation juridique de prendre en compte les déclarations de Walid Nekiche». En tout cas, l'attitude de la justice face à ce fait est intrigante. Selon la défense, l'avocate «Nacera Haddouche a déposé plainte pour torture. Il y a un article du code pénal qui punit tout fonctionnaire qui obtient des informations après des pressions psychologues et physiques, et après torture», rappellent encore les avocats. Campagne abjecte Outre ces graves dépassements, la victime a fait aussi l'objet d'une campagne médiatique abjecte. Les instigateurs de cette affaire montée, visiblement, de toutes pièces, n'ont pas hésité à actionner leurs relais médiatiques pour tenter de convaincre l'opinion «qu'il y avait un complot» et une prétendue «infiltration du hirak». Cette campagne, qui a commencé le jour même de l'arrestation de Walid Nekiche, le 26 novembre 2019, lors d'une marche des étudiants à Alger, s'est poursuivie jusqu'au jour de son procès, où des médias ont relayé des scénarios dignes des romans policiers. En tout cas, Walid Nekiche a retrouvé la liberté, l'Etat de droit, lui, est envoyé sine die... Advertisements