Liberté : L'Ordre régional des avocats de Béjaïa (Orab) a décidé de boycotter l'activité judiciaire du 21 au 25 février et d'organiser le lundi 22 février, un sit-in dans l'enceinte de la cour de justice. Quelles sont les raisons ayant motivé le recours à ce mouvement de protestation ? Me Salem Khatri : La décision de recourir à un tel mouvement de protestation a été prise à l'issue de la réunion extraordinaire des membres du conseil de l'Orab, tenue jeudi 18 février dernier, à Béjaïa. Par ce biais, nous voulons dénoncer la mise sous mandat de dépôt dont a fait l'objet notre confrère de Blida. Cette procédure est pour le moins abusive. Dès lors que les garanties offertes par la qualité et le statut d'avocat ne sont pas respectées. En fait, c'est une énième atteinte à l'honneur et à la dignité de la profession d'avocat. Elle est venue se greffer à d'autres problèmes que vivent les robes noires à l'échelle nationale. Aujourd'hui, on constate que l'avocat subit beaucoup de pressions, de brimades et d'outrages dans l'exercice de ses fonctions. En somme, nous travaillons dans une atmosphère très tendue. Le choix de la date du 22 février pour la tenue d'un sit-in à l'intérieur d'une institution judiciaire a-t-il un sens politique ? Quel message compte transmettre votre organisation professionnelle à travers cette action ? Certes, notre sit-in coïncide avec cette date historique qui symbolise la révolution pacifique du peuple algérien qui revendique un changement radical de système et l'instauration d'un véritable Etat de droit.Pour nous, la date du 22 février est lourde de sens. Bien que notre action n'ait aucune connotation politique, nous voulons réitérer notre engagement sans faille aux côtés du mouvement populaire en marche. Autrement dit, nous réaffirmons notre attachement aux principes démocratiques et universels, notamment l'édification d'un Etat de droit, civil et démocratique, où le principe de séparation des pouvoirs soit réellement concrétisé.
Dans le communiqué ayant sanctionné les travaux de la dernière session extraordinaire de l'Orab, tenue jeudi 18 février 2021, à Béjaïa, vous avez évoqué, outre l'affaire de votre confrère de Blida, le cas d'un autre avocat poursuivi par le tribunal d'Akbou, sans que le bâtonnier de Béjaïa soit informé. Qu'en est-il réellement de cette affaire ? Effectivement, l'un de nos confrères de Béjaïa, Me Sofiane Ouali en l'occurrence, a reçu récemment une convocation à comparaître devant le tribunal d'Akbou, alors que le bâtonnier de Béjaïa que je suis, n'a même pas été informé par le parquet, comme le stipule l'article 125 de la loi n°13-07 du 29 octobre 2013 portant organisation de la profession d'avocat. Notre collègue est poursuivi dans une affaire d'exhumation des restes d'un Chahid de la Révolution (1954-1962), originaire de son village natal, Ouizrane, dans la commune d'Aït R'zine (Ighil Ali). Cette affaire n'avait pas lieu d'être, si l'administration publique avait fait son travail comme il se doit et dans la clarté. Nous exprimons notre solidarité agissante avec Me Sofiane Ouali. En réaction à la déclaration de soutien à votre confrère placé en détention préventive à Blida, rendue publique par l'Union nationale des barreaux, le Syndicat national des magistrats (SNM) a dénoncé ce qu'il qualifie de "corporatisme", estimant qu'un avocat n'est pas au-dessus des lois. Que pensez-vous d'une telle réaction ? Je tiens à dénoncer cette politique de deux poids, deux mesures, que prône le Syndicat national des magistrats. Je vous rappelle que le même président de ce syndicat avait réagi, à travers un communiqué datant du 20 mars 2020, à la mise sous mandat de dépôt d'un magistrat, en dénonçant ce qu'il qualifiait de "procédure exceptionnelle". Et quand l'ordre des avocats dénonce, aujourd'hui, la même procédure dont fait l'objet notre confrère de Blida, le même président du SNM crie au "corporatisme". Le devoir de solidarité s'impose au sein de toutes les corporations.