Le professeur Bekkat Berkani appelle les autorités à prendre des mesures conservatoires et à suspendre l'administration du vaccin AstraZeneca, en attendant les conclusions des études qui sont menées en Europe sur les complications apparues chez plusieurs personnes vaccinées. Grosse interrogation en Algérie sur l'utilisation du vaccin AstraZeneca qui a provoqué une véritable frayeur en Europe et dans plusieurs pays à travers le monde, après le signalement de complications apparues, parfois graves, chez des personnes qui ont reçu l'injection du sérum produit par le groupe pharmaceutique anglo-suédois AstraZeneca. Si pour l'instant, en Algérie, aucun cas n'a été observé, des questions se posent, cependant, sur l'utilité de continuer à utiliser ce sérum, importé, rappelle-t-on, à hauteur de 50 000 doses. Du côté officiel, rien n'a encore été décidé, alors qu'en Europe, pas moins de 15 pays ont déjà suspendu l'utilisation du vaccin mis en cause. La France, l'Allemagne, l'Italie, le Danemark, la Norvège, l'Islande, la Bulgarie, l'Irlande et les Pays-Bas ont suspendu "par précaution" l'utilisation d'AstraZeneka après le signalement "d'effets secondaires", dont la formation de caillots sanguins chez certaines personnes sans, toutefois, établir, jusqu'ici, un lien direct et avéré avec le vaccin AstraZeneca. Dans pareil contexte de grande suspicion, le professeur Bekkat Berkani, président de l'Ordre national des médecins, recommande la vigilance et appelle les autorités à prendre des mesures "conservatoires" et à suspendre l'utilisation du vaccin d'AstraZeneca. "Je pense que dans pareille situation, la sagesse recommande à ce que ce vaccin soit suspendu, le temps de voir comment les choses vont évoluer en Europe notamment, où des cas de complications ont été signalés", a-t-il affirmé au téléphone. Si la prudence est de mise, le professeur Bekkat se veut, toutefois, rassurant, en estimant qu'il n'y a jusqu'ici aucune personne vacinée avec AstraZeneca présentant des complications signalées en Algérie, selon le Centre de pharmacovigilance, et qu'il n'y a pas lieu de céder à la panique. "D'abord, il faut rappeler que la campagne de vaccination en Algérie est très timide, voire dérisoire, comparée aux pays qui vaccinent en masse. 50 000 doses de ce vaccin ne représentent rien face, par exemple, au Royaume-Uni, qui a atteint 16 millions de personnes vaccinées avec ce sérum", explique-t-il, en préconisant des mesures conservatoires comme la suspension, pendant 48 heures, de la vaccination, "le temps d'avoir les conclusions et les études lancées en Europe par l'Agence européenne du médicament qui est en train d'établir s'il y a un lien direct entre l'utilisation du vaccin AstraZeneca et les accidents de coagulation signalés". Si plusieurs pays ont décidé de suspendre l'utilisation du vaccin mis en cause, l'Organisation mondiale de la santé recommande, pour sa part, la poursuite de la vaccination avec l'AstraZeneca, tout en appelant à ne pas céder à la panique. "Nous ne voulons pas que les gens paniquent et, pour le moment, nous recommandons que les pays continuent de vacciner avec AstraZeneca", a déclaré la cheffe scientifique de l'OMS, Soumya Swaminathan, au cours d'une conférence de presse, ce lundi, à Genève. "Jusqu'à présent, nous n'avons pas trouvé de rapport entre ces événements et le vaccin", a-t-elle ajouté. "D'après ce que nous avons vu jusqu'à présent dans les données préliminaires, il n'y a pas d'augmentation du nombre des cas d'événements thromboemboliques", a, pour sa part, dit la docteure Mariangela Simao, sous-directrice générale de l'OMS chargée de l'accès aux médicaments et aux produits de santé. Le groupe pharmaceutique anglo-suédois a assuré, hier, qu'il n'y a "aucune preuve de risque aggravé" de caillot sanguin entraîné par son vaccin. Même constat fait par l'Agence européenne des médicaments (EMA), qui poursuit son enquête. Pour l'EMA, il n'y a aucun lien avéré entre le vaccin et les thromboses. "Les avantages du vaccin l'emportent toujours sur les risques", a fait savoir la directrice exécutive de l'EMA, Emer Cooke, en affirmant, par ailleurs, que l'agence prend "la situation très au sérieux et évalue tous les effets secondaires rares". "Quand on vaccine des millions de personnes, il est inévitable d'avoir des incidents graves ou des maladies qui apparaissent après vaccination", a rappelé Emer Cooke face aux journalistes. "Une situation comme celle-ci n'est pas inattendue lorsqu'on vaccine des millions de personnes", explique-t-elle encore. À ce stade, rien ne permet de dire que le vaccin d'AstraZeneca est responsable des cas de thrombose. Une "réunion extraordinaire" sur le sujet est programmée demain.