Estimé pour son sérieux et son professionnalisme, Rabah a appris à faire son travail dans les règles qui sont celles du métier. Sinon comment expliquer le fait que les autorités de la wilaya de Tamanrasset l'ont gratifié, à plusieurs reprises, de prix. Notre journaliste, correspondant à Tamanrasset, Rabah Karèche, est en prison. Il a été mis sous mandat de dépôt par le juge d'instruction près le tribunal de Tamanrasset avant-hier après-midi. Rabah Karèche avait été entendu dimanche par la police qui a décidé de le garder dans ses locaux pour le présenter devant le procureur de la République lundi matin. Officiellement, il est reproché à notre journaliste "l'administration d'un compte électronique consacré à la diffusion d'informations susceptibles de provoquer la ségrégation et la haine dans la société", "la diffusion volontaire de fausses informations susceptibles d'attenter à l'ordre public" et "l'usage de divers moyens pour porter atteinte à la sûreté et l'unité nationales". Ce sont là les griefs retenus contre le journaliste. Une manière on ne peut plus pernicieuse pour les autorités judiciaires d'accabler d'accusations le journaliste, tout en contournant l'objet même de l'accusation. Rabah Karèche est ciblé pour ses écrits sur Liberté. Ce sont ces mêmes écrits qu'il partage assez régulièrement sur sa page facebook. "Il va de soi que ce ne sont là que des accusations fallacieuses qui cachent mal une volonté de faire taire le journaliste et l'empêcher d'accomplir en toute objectivité son travail, comme l'attestent ses nombreuses convocations, ces derniers mois, par les services de sécurité", a écrit Liberté dans son communiqué. Ceux qui ont pensé ces accusations pour extraire l'affaire de son volet lié intimement à la liberté de la presse et d'expression n'ont pas été assez ingénieux. Rabah est arrêté – on ne cessera jamais de le dire – pour ses écrits. Des écrits qui n'ont jamais été démentis par une quelconque autorité. Rabah est un professionnel. Son travail est un exemple de sérieux, d'éthique et de professionnalisme. Homme habile et expérimenté, il sait chercher l'information et la trouver. Estimé pour son sérieux et son professionnalisme, les témoignages des consœurs et confrères de Tamanrasset sont la preuve que Rabah est tout simplement un journaliste qui a appris à faire son travail dans les règles qui sont celles du métier. Sinon comment expliquer le fait que les autorités de la wilaya de Tamanrasset l'ont gratifié, à plusieurs reprises, de prix. Une reconnaissance pour son œuvre. De la prison après des mois de pression L'incarcération de Rabah Karèche avant-hier est, en fait, le fruit d'une "procédure" enclenchée depuis plusieurs semaines. L'on sait à Liberté que ses comptes rendus sur les manifestations publiques dans la capitale de l'Ahaggar ne plaisaient guère. Fidèle à sa ligne de conduite, mais surtout soucieux du rôle que doit jouer un journaliste libre en cette période particulière que traverse le pays, Rabah n'a jamais fait dans l'apologie d'une quelconque idéologie. Soucieux de rapporter l'information telle quelle, il a montré combien l'information est sacrée. Toutefois, et dans un climat où l'absolutisme se répand pour faire taire les voix qui refusent de démentir la vérité, Rabah est devenu la cible. Convoqué à plusieurs reprises pour "divulguer" ses sources d'information, Rabah, en professionnel, a toujours refusé de jeter en pâture ses sources. L'objectif : couper le journaliste de son milieu – ses sources – pour en faire un simple témoin. Rabah n'a pas succombé. Il est resté stoïque face aux intimidations et aux multiples interrogatoires qui duraient parfois des journées entières. Convaincu par ce qu'il fait, Rabah a repris aussitôt sa plume pour accompagner ses concitoyens dans leur quotidien, leurs luttes et leurs espoirs. Cela n'a pas plu. Il fallait en finir avec ce "téméraire". Son dernier article traitant d'une grogne citoyenne à Tamanrasset qui conteste le nouveau découpage territorial décidé par les autorités, suite à la création de dix nouvelles wilayas, semble précipiter l'incarcération du journaliste. Dans son article, Rabah n'a fait que rapporter une information publique. Il a fait également parler une personnalité connue dans la région. En somme, Rabah n'a fait que son travail de journaliste. Dès lors qu'il a, semble-t-il, touché là où ça fait mal, puisqu'il s'est mis du côté de ses concitoyens, les autorités n'ont pas jugé utile de démentir les informations rapportées, comme le veut la loi, mais elles ont préféré actionner, illico presto, l'appareil judiciaire, quitte à faire perdre encore une fois au pays des places dans le classement du respect de la liberté de la presse par les Etats. Cela n'est visiblement pas le souci des autorités. L'information sur l'arrestation de Rabah Karèche a vite fait le tour des rédactions tant nationales qu'internationales. Un journal mexicain a relayé l'information la nuit même de l'incarcération du journaliste. Colère et solidarité L'information de l'incarcération de Rabah Karèche s'est répandue comme une traînée de poudre à la fois sur les réseaux sociaux et dans les rédactions. Des milliers de réactions ont été enregistrées le soir même de sa détention. En réaction au communiqué de Liberté qui a dénoncé "avec la plus grande énergie" cette détention, des consœurs, des confrères, des militants, des avocats, des lecteurs fidèles au journal ont à l'unanimité dénoncé "une hantise" pour la justice algérienne. "C'est une grave atteinte à la liberté d'expression", ont écrit des internautes. D'autres ont appelé à un large mouvement de soutien avec le détenu. "J'espère qu'ils ne diront pas que Rabah Karèche est aussi un khabardji", a écrit une jeune militante. De son côté, le Syndicat national des journalistes a vivement dénoncé l'emprisonnement du journaliste. Dans son communiqué, le SNJ a souligné qu'il "tient, de prime abord, à exprimer son entière solidarité avec Rabah Karèche et nos confrères de Liberté, et exigé sa libération immédiate, conformément aux dispositions et principes des lois régissant la presse, précédemment évoqués justement". Le SNJ a ajouté que "l'emprisonnement pour délit de presse n'étant plus, et ne devant plus exister en Algérie, un pays dont la corporation journalistique a payé le prix fort, plus qu'aucune autre corporation dans aucun autre pays au monde, pour que ces détestables procédés disparaissent à tout jamais. Une corporation qui a toujours fait face aux pressions d'un pouvoir qui, le moins que l'on puisse dire, n'a jamais été un modèle en matière de respect de la liberté de la presse et d'expression, et aux forces rétrogrades et obscurantistes qui ont ôté la vie à des dizaines de journalistes et assimilés durant la décennie du terrorisme". Les réactions se multiplient et abondent dans le même sens du soutien et de la solidarité avec le journaliste détenu. Cette colère légitime qui s'exprime face à cette honteuse détention et cette insupportable et scandaleuse atteinte à la liberté d'expression résume on ne peut plus clairement la nécessité de défendre des espaces de liberté. Si aujourd'hui Rabah Karèche passera sa troisième nuit derrière les barreaux, la mobilisation citoyenne née pour arracher sa libération au plus vite est un espoir que nos espaces de liberté sont intouchables et inviolables. Ils le sont d'autant plus qu'on ne cessera jamais de répéter que la place d'un journaliste n'est surtout pas en prison. Rabah sera parmi nous. Il reprendra sa plume avec d'autant plus de conviction, mais aussi de liberté.