Le projet de Constitution irakienne, soumis aujourd'hui à référendum, est le fruit d'un arrangement entre chiites et Kurdes. Les sunnites doivent se contenter d'amendements promis par Bush, après les législatives de décembre ! La Constitution de l'Irak tient compte de la principale demande kurde, le fédéralisme, et donne une place importante à l'Islam dans la législation, ce qui satisfait partiellement les chiites. Pour rallier la communauté sunnite, à qui est imputé le terrorisme, Washington leur promet des amendements après les législatives de décembre prochain. La donne politique a été bouleversée après la chute du régime de Saddam Hussein, en mars 2003, suivie par le déclin de la communauté des Arabes sunnites, un quart de la population environ, au profit des chiites, majoritaires, et des Kurdes, jaloux de leur autonomie de fait. Mais, comme dans chaque compromis, le texte ne manque pas de contradictions. Il interdit, par exemple, de promulguer des lois contraires à l'Islam, tout en prévoyant le respect de la liberté de pensée et d'expression. Dans le nouvel Etat fédéral, c'est le Parlement national qui doit statuer sur des questions aussi importantes que les relations entre le gouvernement fédéral et les pouvoirs des provinces et régions, par une simple majorité. Ce qui risque de transformer le nouvel édifice en “tyrannie parlementaire” au détriment des sunnites. Le texte comporte aussi une contradiction de taille consistant à prendre en compte, à la fois, le droit positif et le droit religieux. Là aussi, c'est tout bénéfice pour les chiites, majoritaires, qui ne cachent pas leur ambition d'établir un régime identique à celui de l'Iran. Le référendum constitutionnel est considéré par l'Iran comme une étape supplémentaire pour renforcer la position de ses alliés chiites dans les nouvelles institutions irakiennes et, peut-être, un moyen d'accélérer le départ des troupes américaines. Pour l'ancien vice-président iranien et spécialiste des questions arabes, Ali Abtahi, les chiites irakiens sont des “alliés idéologiques” de l'Iran, sans que Téhéran soit obligé d'intervenir ou de faire quelque effort que ce soit. C'est pourquoi, la République islamique d'Iran, dont la population est également majoritairement chiite et qui a des liens solides avec les partis chiites irakiens, a adopté un profil bas, étant sûre d'un renforcement de ses alliés, qui ont déjà remporté les élections générales de janvier et contrôlent le Parlement provisoire ainsi que le gouvernement intérimaire. C'est sur le partage des richesses pétrolières que le compromis est le plus frustrant pour les sunnites car, non seulement il accorde aux provinces une portion de ce pactole, mais il prévoit qu'elles aient leur mot à dire sur l'attribution du revenu des gisements restant à découvrir. Cette disposition est d'autant plus grave pour les sunnites que leur zone désertique ne recèle pas de gisements pétrolifères, alors qu'ils sont abondants dans le Sud, à forte majorité chiite, et au Nord, à concentration kurde. D. Bouatta