Les tensions entre chiites et sunnites sont vives. La menace de scission n'est plus une vue de l'esprit, les Kurdes ayant tracé la voie. L'Irak est sur un volcan. Alors que le terrorisme est loin de baisser les bras, voici que pointe la menace d'une guerre de religion entre chiites et sunnites. Après la mort de près d'un millier de chiites, noyés dans le Tigre, à la suite d'une folle rumeur sur la présence de kamikazes dans l'impressionnant cortège qui se dirigeait vers un lieu saint du chiisme à Bagdad, deux mosquées sunnites devaient essuyer des tirs dans le sud de l'Irak, fief chiite, lors de la prière de l'aube. La déclaration du président irakien, le Kurde Talabani, a mis de l'huile sur le feu. Pour lui, les noyades de Bagdad sont le fait de terroristes sunnites qui ont mis le pays à feu et à sang. L'épreuve de force a commencé. Quelques milliers de chiites ont défilé avant la prière du vendredi à Bassorah, dans le sud irakien, pour soutenir le projet de Constitution, à l'appel du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), majoritaire dans le Parlement provisoire. La région de Bassorah, à 550 km au sud de Bagdad, est à majorité chiite mais elle compte une communauté sunnite et une minorité chrétienne. “La Constitution, notre arme contre le terrorisme”, s'époumonait la foule encadrée par les brigades Badr du CRII, formé en exil en Iran pendant l'époque du président déchu Saddam. Cette marche est l'une des premières manifestations d'importance pour soutenir la Constitution post-Saddam contestée par des sunnites, qui estiment qu'elle menace l'unité de l'Irak en reconnaissant le principe du fédéralisme et en ne faisant pas trop cas de son arabité. Auparavant, plusieurs manifestations de fidèles de l'ancien président, d'islamistes et d'hommes de tribus de la région à dominante sunnite, située au nord de Bagdad, ont eu lieu contre la Constitution, avant et après son annonce, le 28 août. Un référendum est prévu pour le 15 octobre, point de départ du processus devant faire naître le nouvel Irak. Les Kurdes, pour l'instant, sont dans l'expectative après avoir pesé de tout leur poids en faveur d'une Constitution qui préserve leurs acquis engrangés depuis la première guerre contre l'Irak déclenchée par le père Bush. Les Kurdes sont également la cible de l'islamisme radical mais arrivent apparemment à mieux s'en prémunir grâce à leurs milices qui ne sont pas prêtes à se laisser désarmer. Selon des observateurs, le risque d'une scission n'est pas à écarter. Si cela venait à se réaliser, c'est toute la région qui prendra feu. D. B.