Par : CHERIF ALI CADRE SUPERIEUR À LA RETRAITE "Le chef de l'Etat va-t-il opter pour un gouvernement exclusivement politique, une équipe de spécialistes indépendants, ou une formule mixte, c'est-à-dire un cabinet techno-politique appelé à contenter à la fois, si cela est possible, les milieux politiques, les investisseurs et entrepreneurs honnêtes et aussi et surtout les contestataires du Hirak Canal Historique. ?" La première difficulté pour le président de la République sera de former un gouvernement cohérent, alors que le pays est confronté à une crise aux dimensions multiples. Au-delà des nouvelles personnalités qui doivent composer ce gouvernement, l'Algérie, selon les experts, a déjà besoin aussi d'une nouvelle structure gouvernementale. À savoir se doter de 10 ministères uniquement et de 15 secrétaires d'Etat et ce afin de réduire les dépenses onéreuses qu'impose l'actuelle lourde machine bureaucratique. Il est par exemple suggéré de créer des super-ministres regroupant plusieurs portefeuilles comme le ministère de l'Economie qui regroupera un secrétariat à l'Industrie et l'Investissement et un autre dédié au Commerce au lieu de laisser ses secteurs dans deux ministères différents. Et pourquoi pas aussi un ministère de la Décentralisation et de l'Intérieur pour dynamiser nos territoires et réduire "les zones d'ombre" notamment au sud du pays et des hauts plateaux. Au nom de l'équilibre régional. Rappelons à cet effet, qu'un plan stratégique pour le développement de 13 587 zones d'ombre a été élaboré par les experts du ministère de l'Intérieur et une enveloppe budgétaire de 188,42 milliards de dinars a été débloquée pour la circonstance. Cela étant dit, sur quel gouvernement va s'appuyer Abdelmadjid Tebboune pour commencer à mettre en œuvre ses 54 engagements électoraux ? Un gouvernement politique à 100% est-il envisageable pour 2021? Même s'il s'évertue à marteler qu'il a été élu en étant candidat indépendant, écrivait un chroniqueur, Abdelmadjid Tebboune sera obligé de s'entourer de figures et de partis politiques pour mettre en œuvre son programme. Aussi se bousculent-ils déjà devant sa porte pour lui apporter leur soutien et afficher leur disposition à prendre part au dialogue auquel il a appelé. Sauf que ce beau monde, déjà trop marqué, rappelle le règne et la méthode Bouteflika. À leur tête le FLN, malgré son association avec le président déchu, il arrive en tête devant un groupe disparate d'indépendants, le parti El-Moustakbel d'Abdelaziz Bélaïd, les islamistes du Mouvement de la société pour la paix (MSP) et un vieil allié proche de l'ancien pouvoir, le RND suivi du parti El-Bina d'Abdelkader Bengrina. Un dilemme pour le Président Va-t-il opter pour un gouvernement exclusivement politique, une équipe de spécialistes indépendants, ou une formule mixte, c'est-à-dire un cabinet techno-politique appelé à contenter à la fois, si cela est possible, les milieux politiques, les investisseurs et entrepreneurs honnêtes et aussi et surtout les contestataires du Hirak Canal Historique ? C'est aussi une autre possibilité qui échoit au président de la République Ou alors : 1. s'en remettre aux partis politiques qui lui ont signifié, d'ores et déjà, leur adhésion à son programme ? 2. faire confiance aux indépendants issus de la société civile ? 3. ou puiser une fois encore dans le corps des walis et les affubler du titre de "technocrates" ? Alors qu'ils ne sont que des grands commis de l'Etat qui ont, pour la plupart, "touché à tout", sans être pour autant des experts dans un domaine précis. Rappelons justement que dès l'annonce de la formation ministérielle d'Abdelmadjid Tebboune, Premier ministre d'alors, les observateurs se sont précipités à parler d'un "gouvernement de technocrates". Dans un gouvernement de technocrates, ce sont ces derniers qui décident de tout et restent impuissants devant les problèmes de société. L'idée d'une technocratie demeure pourtant hypothétique, même si des nations ont, par le passé, été considérées comme soumises à une forme de gouvernement d'experts. Pour fermer la parenthèse, "le phénomène semble aussi facile à expliquer que la théorie de la relativité d'Einstein", expliquait un politologue. Bref, autant de questions qui préoccupent les observateurs de la vie politique, tout comme la désignation du Premier ministre qui reste du ressort exclusif du président de la République, ce qui élimine tout suspense quant à celui qui conduira l'Exécutif, contrairement aux ministres qui composeront son staff. Pas de suspense concernant la fonction de chef de gouvernement dès lors qu'aucun parti n'a remporté la majorité à l'APN. Justement, qui pourrait être l'homme à qui le président Abdelmadjid Tebboune confierait les rênes de son Exécutif et dont le nom sera dévoilé samedi prochain ? Il devrait cumuler l'ensemble des critères requis comme : 1. une forte personnalité et un esprit indépendant (l'un n'allant pas sans l'autre) ; 2. une intégrité morale au-dessus de tout soupçon ; 3. une connaissance intime des questions économiques, sociales et financières ; 4. une grande capacité à mobiliser les ressources humaines auxquelles il ou elle devra s'adosser pour engager des réformes de structure indispensables, sans cesse différées depuis 40 ans. L'actuel tenant du poste, Abdelaziz Djerad, pourrait être reconduit pour s'atteler à préparer les prochaines élections locales d'ici à l'automne prochain. Mais pas que. Il a aussi rendu public sur sa page Facebook "le plan de relance économique" pour les années à venir ; autrement dit, il a agi en qualité de Premier ministre restant, prêt à jeter les bases d'une économie ouverte, moderne et diversifiée. Mais sinon, l'autre personnalité dont le nom réapparaît dans les discussions et qui, selon les observateurs de la vie politique algérienne, réunit toutes les qualités pour permettre à notre pays de traverser, avec le moins d'encombres, les épreuves qui l'attendent et au président Abdelmadjid Tebboune de concrétiser ses 54 engagements électoraux est indéniablement Ahmed Benbitour. Adoubé, faut-il le rappeler, par le Hirak Canal Historique dès les premiers vendredis. Ahmed Benbitour est resté huit mois à peine à la Primature, avant de démissionner, lorsqu'il lui apparut clairement que sa conception de l'Etat et de l'intérêt général était aux antipodes de celle d'un président de la République résolu à détruire ce pays, objectif qu'il a hélas largement atteint. Abdelmadjid Tebboune a fait long feu lui aussi pour presque les mêmes raisons ce qui a fait dire à nombre d'Algériens qu'il y a, forcément, des atomes crochus entre ces deux hommes politiques. Beaucoup l'espèrent, croyant dur comme fer que ce binôme mènerait à coup sûr le pays à bon port dès lors qu'ils auraient aussi en commun la même vision d'une économie plutôt libérale et aussi la volonté ferme de lutter contre la corruption et de rapatrier, coûte que coûte, l'argent détourné par les oligarques véreux et les délinquants "en col blanc" qui étaient au pouvoir. Ainsi, Abdelmadjid Tebboune s'attellerait à redonner le respect à la fonction de président de la République qu'il n'a plus aujourd'hui. Quant à Ahmed Benbitour, il se fera un devoir de remettre du mouvement dans le statu quo qui prévaut dans le pays depuis 1962.