Le Premier ministre démissionnaire Saad Hariri a assuré mardi qu'il ne dirigerait pas le prochain gouvernement au Liban, où les tiraillements de la classe politique entravent la formation d'une nouvelle équipe ministérielle, sur fond de crise économique et de contestation populaire inédite. Le mouvement de contestation, qui dénonce depuis le 17 octobre une classe dirigeante jugée incompétente et corrompue, a obtenu sa première victoire avec la démission du gouvernement Hariri le 29 octobre et réclame désormais une équipe de technocrates et d'indépendants. Quatre semaines après cette démission, le processus constitutionnel devant aboutir à la nomination d'un nouveau Premier ministre puis à la formation d'un gouvernement n'a toujours pas été enclenché par le président Michel Aoun. L'impasse est totale et le pays est au bord de l'effondrement économique. Ce ne sera «pas moi, mais quelqu'un d'autre» qui dirigera «un gouvernement qui réponde aux ambitions des jeunes», a dit M. Hariri, considéré comme le représentant du camp politique sunnite, dans un pays multiconfessionnel régi par un système censé garantir un équilibre entre les différentes communautés. M. Hariri a exprimé l'espoir de voir, comme le stipule la Constitution, le président «lancer immédiatement les consultations parlementaires pour nommer un Premier ministre et former un nouveau gouvernement». Sans les nommer, il a critiqué ceux qui tentent de lui imputer, à tort dit-il, la responsabilité du retard dans la formation du gouvernement. Le Courant patriotique libre, parti du président, avait accusé M. Hariri d'entraver la nomination d'autres candidats. La contestation réclame un renouvellement de la classe politique —inchangée depuis des décennies et dominée par les mêmes clans familiaux—, et un gouvernement de technocrates indépendants politiquement. Si M. Aoun s'est dit ouvert à une équipe incluant des représentants de la contestation, il avait proposé un gouvernement «techno-politique» en insistant sur la nécessité d'avoir des représentants des partis. Le puissant Hezbollah chiite a, lui, balayé l'idée d'un gouvernement exclusivement formé de technocrates. «Le Hezbollah apportera son veto à tout gouvernement n'incluant pas des membres de son parti», selon M. Khashan, un observateur libanais. Le prochain gouvernement devra être hybride, avec principalement des technocrates mais aussi des politiciens représentant les formations politiques majeures. En attendant, la tension est montée dans la rue ces deux dernières nuits, avec des attaques de partisans des deux partis chiites Amal et Hezbollah contre des rassemblements de la contestation à Beyrouth, à Tyr (sud) et mardi soir à Baalbeck (est). Les autorités ont «échoué à protéger convenablement les contestataires de violentes attaques», ont affirmé dans un communiqué des experts des droits humains affiliés aux Nations unies. L'impasse politique aggrave encore davantage la crise économique. Le Liban connaît des restrictions sur l'obtention de dollars au taux officiel, ce qui complique le travail des importateurs et menace de faire monter les prix. La Banque centrale est selon M. Jabak disposée à fournir seulement la moitié des besoins en dollars des importateurs au taux officiel. Le reste devra être obtenu sur le marché de changes, ce qui se traduirait par une augmentation de la facture pour les hôpitaux, et donc les patients, a-t-il prévenu. Environ un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale.