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Saddam : “Je ne reconnais pas ce tribunal”
Son procès s'est ouvert hier sous haute sécurité à Bagdad
Publié dans Liberté le 20 - 10 - 2005

D'emblée, l'ancien dictateur s'est mis sur ses grands chevaux en déniant au tribunal chargé de le juger le droit de le faire. Se considérant encore président de l'Irak, il n'a pas daigné décliner son identité en réponse aux questions d'usage du magistrat.
Vêtu d'un costume de couleur sombre et d'une chemise blanche, le président irakien déchu semblait dans une bonne forme physique lorsqu'il a fait son apparition dans la salle du tribunal aménagé spécialement pour l'occasion dans le périmètre vert, ultra-sécurisé de la capitale irakienne. La barbe poivre et sel fournie, Saddam Hussein donnait m'impression de vouloir tenir tête au président du tribunal. Il s'agit d'un Kurde, Rizkar Mohammed Amine. Agé de 48 ans et originaire de la ville de Soulaimnaiyah, dans le nord de l'Irak, le magistrat était assisté par quatre assesseurs. Toutes ses tentatives d'entamer le procès conformément à la procédure judiciaire ont échoué face à l'entêtement de l'ex-maître de Bagdad de décliner son identité. “Je me réserve le droit constitutionnel de faire mes droits de chef d'Etat et je refuse de répondre”, répétait-il à chaque fois. Faisant preuve d'une grande patience, le juge essayait de le convaincre qu'il aura tout le temps de faire sa plaidoirie après les formalités d'usage. “Je veux pour le moment que tu déclines ton identité, ton nom, ton prénom et ensuite on va t'entendre. Tu attendras ton tour, on te donnera la parole”, expliquait-il au prévenu. “Nous n'avons pas le temps d'écouter tes rapports. Alors assieds toi pour le moment et donne-nous ton identité”, ajoutait le magistrat dans l'espoir de ramener Saddam Hussein à la raison. Rien n'y fit ! “Je refuse de répondre”, rétorque l'accusé. Plus entreprenant, il dira : “Je ne reconnais pas votre autorité parce que tout ce qui est fait dans ce tribunal est infondé.” Il s'est permis même d'interroger son vis-à-vis : “Je veux d'abord savoir de quel tribunal il s'agit.” Lorsque le juge répondra avec le sourire : “C'est une cour criminelle irakienne”, Saddam rétorquera : “Il n'y a rien à faire avec votre tribunal.” Il avait commencé par raconter ce qu'il avait enduré depuis 2h30 du matin, heure à laquelle il avait été transféré de sa cellule vers le tribunal, avant d'être interrompu par le magistrat. “J'ai été obligé de m'habiller, puis de me déshabiller et ensuite de me rhabiller. Si vous êtes irakien vous devriez le savoir, je ne me fatigue jamais”, racontait-il. “Ils m'ont dit de ne prendre ni crayon ni papier, car même un crayon suscite la peur maintenant dans cette enceinte”, poursuivait Saddam. “Je ne nourris aucune haine à votre égard. Mais respectant le peuple irakien qui m'a choisi, je vous annonce que je ne répondrai pas à votre cour, avec tout le respect que je lui dois. Je réserve mes droits constitutionnels en tant que président de l'Irak et je n'irai pas plus loin”, tranche-t-il. Idem pour l'ancien vice-président irakien Taha Yassine Ramadane, en longue tunique blanche, qui a également refusé de décliner son identité, affirmant devant le tribunal que “mon identité a été volée”, sans plus de précision, avant de se rasseoir à la ferme demande du président. Par la suite, le président irakien déchu Saddam Hussein et ses sept coaccusés ont plaidé non coupables devant le tribunal qui les juge à Bagdad pour le massacre de 143 chiites en 1982. “Je répète ce que j'ai dit, je ne suis pas coupable. Je suis innocent”, a dit Saddam Hussein. Tour à tour, les sept coaccusés se sont levés à la demande du président du tribunal en affirmant qu'ils “étaient innocents”, après la lecture de l'acte d'accusation. Selon le magistrat, les huit ex-dirigeants irakiens sont accusés “de meurtre, d'expulsion forcée, d'emprisonnement, de torture et de non-respect des règles internationales”. Le magistrat les a également prévenus qu'ils étaient passibles de la peine de mort si leur culpabilité est prouvée. “Les accusés ont des responsabilités personnelles dans ce cas”, a-t-il dit en référence au massacre de 143 chiites en 1982. Seuls deux accusés, les frères Abdallah Kadhem Roueid et Mezhar Abdallah Roueid ont accepté pour leur part de répondre aux questions du président du tribunal. “Notre famille vit depuis plus de 700 ans à Doujaïl”, a dit l'aîné Abdallah Khadhem Roueid après avoir donné son nom, prénom, profession et date de naissance. L'audience, retransmise en différé par les télévisions, a été levée pour une dizaine de minutes sur décision du président du tribunal, Rizkar Mohammed Amine, qui a fait état de problèmes techniques dû à la mauvaise sonorisation.
K. ABDELKAMEL


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