Hier, s'est ouvert à La Haye (Pays-Bas) le procès de l'ancien président yougoslave, Slobodan Milosevic, accusé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Très attendue, la comparution de Slobodan Milosevic devant le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie, ouvre le plus important procès jamais jugé en Europe depuis Nuremberg et la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au-delà des charges qui pèsent sur l'ancien président de la RFY, et sans doute aussi, de la personne du justiciable, c'est surtout l'exemplarité d'un tel procès qui sera prise en compte. Ainsi, le ministre britannique des Affaires étrangères, Jack Straw, affirme que «la comparution de (Slobodan) Milosevic devant un tribunal est un avertissement à tous les dictateurs». Certes! Toutefois, eu égard à ce qui se passe ailleurs, notamment dans les territoires palestiniens occupés, l'on peut se demander sur quels critères, ceux qui se sont donné le droit de porter un jugement de valeurs sur les faits et les choses, décrètent-ils coupable de crimes de guerre un Milosevic, mais ignorent les crimes tout aussi méprisables et horribles de Sharon contre le peuple palestinien. Sharon et Milosevic ont commis les mêmes violences contre des peuples coupables de résister pour leur survie. Comment la communauté internationale qui juge aujourd'hui le bourreau des Albanais du Kosovo, peut-elle se désintéresser du sort du bourreau des Palestiniens - Ariel Sharon qui les poursuit de sa haine depuis un demi-siècle sans se déjuger? De ce point de vue, l'opportunité du procès de Milosevic sera en effet exemplaire à la condition que la communauté internationale prenne effectivement en charge l'ensemble des dépassements et des crimes qui dénaturent les relations entre les hommes et les nations. Sans encore y inclure le clivage Nord-Sud, selon lequel les dictateurs et au- tres tortionnaires seraient le fait des pays pauvres en développement, alors que les démocrates et les bien-pensants se recrutent dans les démocraties occidentales. Cette image, comme semblent le suggérer les commentaires de responsables politiques occidentaux, est par trop manichéenne pour être vraisemblable. D'autant que l'Occident, qui n'a jamais donné le bon exemple, s'est toujours arrangé pour trouver des excuses à ses pires exactions. Cela dit, il convient de relever que l'ancien «homme fort» de Belgrade, qui est loin d'être un enfant de choeur, aura contribué, selon certaines indications, directement en tant que président de la RFY (République fédérale de Yougoslavie) soit indirectement comme président de la Serbie aux exactions contre les Kosovars, les Bosniaques et les Croates. Dans son acte d'accusation, le procureur du Tribunal pénal international, Carla Del Ponte, avait certifié: «Excellent tacticien, piètre stratège, Milosevic n'a fait que poursuivre ses ambitions au prix d'indicibles souffrances de toutes celles et de tous ceux qui s'opposaient à lui.» Brossant un noir portrait de l'ancien président yougoslave, Mme Del Ponte accuse: «Ce ne sont ni les convictions personnelles, encore moins le patriotisme, ni le racisme, ni la xénophobie qui ont animé l'accusé, mais la recherche du pouvoir, et, plus encore, du pouvoir personnel.» Stoïque, assis sur le banc des accusés, vêtu d'un costume sombre et d'une chemise bleu foncé, Milosevic est resté impassible, visage fermé, tout au long de la lecture de l'acte d'accusation par le procureur. Le procès, signalent les observateurs, s'est ouvert en l'absence de Mira Markovic, l'épouse de Slobodan Milosevic, son «âme damnée» affirment ses (nombreux) adversaires. Jacques Vergès, l'avocat français de Milosevic qui répond, depuis hier, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre pour son rôle dans les trois conflits qui ont disloqué l'ex-Yougoslavie, dénonce ce qu'il considère comme un «faux procès» soutenant: «C'est un faux procès et Slobodan Milosevic doit continuer à dire que ce Tribunal est illégal.» Milosevic est inculpé par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPI) pour son rôle dans les conflits en Croatie (1992-1995) en Bosnie-Herzégovine (1992-1995) et au Kosovo (1998-1999), rappelle-t-on.