La libération de quelques détenus du Hirak, récemment à la veille de la fête de l'Indépendance et de la Jeunesse, au nombre de 18 précisément, a provoqué beaucoup de confusion chez l'opinion publique et les acteurs politiques et de la société civile, au moment où de nombreux militants de cette révolution populaire continuent d'être arrêtés et condamnés à de lourdes peines d'emprisonnement à travers plusieurs villes du pays. Contrairement à ce qui est rapporté ici et là, les détenus libérés le 4 juillet derniers sont toujours sous le coup de poursuites judiciaires, a expliqué Me Heboul Abdellah à Liberté, qualifiant cette décision d'"étrange, car la grâce est accordée à des personnes définitivement jugées". "Les militants libérés n'ont pas été graciés, mais ils ont été remis en liberté provisoire", a-t-il affirmé, expliquant que "la grâce présidentielle est du ressort du président de la République, comme l'indique l'article 91 de la Constitution". Selon cet article, "outre les pouvoirs que lui confèrent expressément d'autres dispositions de la Constitution, le président de la République (...) dispose du droit de grâce, du droit de remise ou de commutation de peine". Or, c'est le ministère de la Justice, garde des Sceaux et de la Réforme pénitentiaire qui a annoncé ce qu'il a qualifié de "clémence" envers les détenus d'opinion, dont il ne précise d'ailleurs pas le nombre de ceux qui seront libérés. "À l'occasion du 59e anniversaire de la Fête de l'indépendance et de la jeunesse, le ministère de la Justice informe l'opinion publique que le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune a décrété des mesures d'élargissement au profit des jeunes poursuivis pénalement et se trouvant en détention pour avoir commis des faits liés à l'attroupement et autres actes qui y sont liés", avait affirmé le ministère de la Justice dans son communiqué, précisant que "les juridictions compétentes ont procédé, à partir de la date d'aujourd'hui, à l'élargissement de ces individus dont le nombre s'élève à l'heure de la rédaction de ce communiqué, à 18 détenus et l'opération se poursuit pour les autres". Depuis, aucune nouvelle annonce n'a été faite sur la remise en liberté d'autres détenus d'opinion dont le nombre avait dépassé les 300. "La confusion réside justement dans le fait que le ministère de la Justice a impliqué le président de la République dans son communiqué", a noté Me Heboul, s'interrogeant sur les critères ayant permis à certains détenus d'être remis en liberté et à d'autres d'être laissés en détention. Même son de cloche chez l'avocate Alili Yamina, membre du Collectif de défense des détenus politiques et d'opinion, qui affirme que les détenus remis en liberté sont toujours poursuivis. "Pour l'Etat, ce sont des détenus graciés à moitié... Pour nous, ce sont des libérés suite à nos revendications. Mais malheureusement ils sont toujours poursuivis", a-t-elle résumé. Plus de 300 militants, dont des responsables politiques de partis agréés, sont poursuivis en justice pour des faits qualifiés d'"attroupement non armé, de publications pouvant porter atteinte à l'unité nationale". Certains d'entre eux ont été condamnés à des peines de prison allant de 1 à 18 mois de prison ferme, assortie d'amende allant jusqu'à 100 000 DA. De nombreux militants sont aussi placés sous contrôle judiciaire avec des mesures restrictives les empêchant de participer à tous types de rassemblements publics.