L'abominable assassinat du jeune volontaire Djamel Bensmaïl par une horde de criminels a rajoutéde la douleur au drame que vit la Kabylie depuis une semaine. Le choc de cet acte barbare a failli provoquer l'irréparable n'était la sagesse du père de la victime. Abominable, abject, monstrueux, horrible, innommable..., les qualificatifs ne suffisent pas pour décrire ce qui s'est produit, mercredi dernier, à Larbâa Nath Irathène. Le meurtre dont a été victime Djamel Bensmaïl, ce jeune artiste et volontaire, venu de Miliana pour prêter main-forte à la population locale, qui vivait son troisième jour d'enfer suite aux incendies qui ont tout ravagé sur leur passage, a choqué tout le pays et même au-delà. Mais les plus traumatisés, et les premiers à s'en démarquer, sont d'abord les habitants de Larbâa Nath Irathène où les traditions séculaires, les coutumes et l'hospitalité de la région n'autorisent pas un tel acte, mais surtout qu'il y a eu un traquenard monté de toute pièce. Les scènes que montraient les nombreuses vidéos postées sur les réseaux sociaux sont, en effet, des plus insoutenables. Lynché, tué et brûlé, les images prouvaient l'horreur dans tous ses états. Cet acte dont a été victime Djamel relève, pour le moins que l'on puisse dire, d'une sauvagerie qui ne peut et qui ne doit pas rester impunie. C'est, certes, ce que l'on revendique aux quatre coins du pays, mais pour la population de Larbâa Nath Irathène, ce n'est pas seulement une revendication mais bien plus : une exigence. Sur les réseaux sociaux, dans les rues et les cafés de la région, des milliers d'habitants de la localité ne jurent que par le jugement des auteurs de cet horrible crime qui vient rajouter une couche à leur deuil et qui nuit à leur image, leur réputation et leur dignité. Cette exigence est, également, réaffirmée dans une déclaration "condoléance-condamnation" lue à l'issue d'une réunion qui a regroupé, jeudi, les élus locaux avec les comités de village, la société civile, les sages et même avec des personnes d'autres localités profondément touchées par cette tragique affaire. "Nous citoyens, comités de village et société civile, réunis ce 12 août au siège de la commune de Larbâa Nath Irathène, et après des concertations approfondies suite au crime ignoble et abject dont a été victime notre fils Djamel Bensmaïl, natif de Miliana, nous venons, par la présente déclaration, condamner cet acte inadmissible qui ne représente aucunement nos valeurs et coutumes séculaires et ancestrales", est-il, d'emblée, mentionné dans cette déclaration lue par le maire, Mohand Lounis, au nom de la région Nath Irathène. "Par ailleurs, nous venons avec un cœur attristé exprimer notre profonde compassion et présenter nos sincères condoléances à la famille du défunt ainsi qu'à toute la région de Miliana", a enchaîné le maire non sans saluer la sagesse et le courage manifesté par les parents, la famille et les proches de la victime suite à cette terrible tragédie. Dans la même déclaration, la localité de Larbâa Nath Irathène se dit même solennellement engagée à accompagner sa famille durant cette période de deuil. "Enfin nous veillerons et nous exigerons toute la vérité et que justice soit faite sur cet événement tragique", ont affirmé les représentants de la population de Larbâa Nath Irathène. Tout en promettant que des hommages seront rendus à la mémoire du défunt Djamel et que, une fois les esprits apaisés, une délégation sera dépêchée au chevet de sa famille. Le maire de cette localité, Mohand Lounis, a également estimé qu'il est question "de leur présenter des excuses" parce que, a-t-il souligné, "le drame s'est déroulé sur le territoire de la commune de Larbâa Nath Irathène qui n'a pas cette culture barbare". "En la personne de Djamel Bensmaïl, Miliana a perdu un fils et Larbâa Nath Irathène a perdu un bénévole venu secourir ses frères. Aujourd'hui, à Miliana comme à Larbâa Nath Irathène, femmes, enfants et adultes, nous partageons tous le même deuil et le même sentiment de consternation", a déclaré Mohand Lounis coupant ainsi l'herbe sous le pied de tous ceux qui, dès la diffusion des premières vidéos, se sont précipités pour stigmatiser toute la population de cette région encore en larmes après avoir été endeuillée par les incendies qui ont causé des morts atroces parmi les siens. Mais, avant cette démarcation-dénonciation de l'arch Nath Irathène, il y a eu auparavant la réaction aussi digne que salvatrice du père de Djamel Bensmaïl qui a su mettre en avant toute la sagesse et lucidité nécessaires pour apaiser les esprits et, ainsi, désamorcer la vive tension alimentée à travers un déchaînement de haine, de racisme et de contrevérités sans précédent contre la région. Affligé, mais stoïque, digne et courageux, le père de la victime, Noureddine Bensmail, n'a pas hésité à souligner ses origines kabyles et les liens de fraternité qui le lient à cette région ainsi que toute l'affection qu'il lui porte pour expliquer qu'il faut raison garder. Que ce soit devant les caméras, au CHU de Tizi Ouzou où à Larbâa Nath Irathène où il s'est rendu jeudi, le père de Djamel n'a pas cessé d'incarner la sagesse qui a servi de clé à l'apaisement. ses mots ont résonné comme un appel au calme et l'apaisement. Il a su trouver les mots pour apaiser les coeurs brulés. Côté justice, le parquet du tribunal de Larbâa Nath Irathène a annoncé, jeudi, avoir ordonné l'ouverture d'une enquête pour élucider les circonstances de cette affaire et pour identifier les auteurs et les présenter devant la justice. De son côté, le maire de la même ville a fait savoir que, justement, la société civile locale est disposée à aider les services concernés et se met à disposition du parquet pour tout complément d'information pouvant contribuer à faire toute la lumière sur ce crime abject. Concernant les faits de l'affaire, le parquet de Larbâa Nath Irathène a, conformément à l'article 11 du code de procédure pénale, précisé, dans un communiqué, que tout avait commencé lorsqu'un groupe de citoyens de la région a apostrophé trois personnes — à bord d'un véhicule — suspectées d'être impliquées dans des incendies déclarés dans la région. "Ces jeunes ont été passés à tabac, la police est intervenue pour les sauver et les conduire au commissariat. Mais le même groupe s'est acharné sur le commissariat en usant de la violence jusqu'à en faire sortir un des trois qui a été traîné vers la place publique où il a été lynché à mort avant d'être brûlé", lit-on dans le communiqué du parquet qui ajoute que "les policiers qui sont intervenus pour protéger la victime ont été blessés". Au-delà de ces premiers éléments fournis par le parquet, l'affaire demeure entourée de plusieurs zones d'ombre mais laisse transparaître plusieurs éléments troublants et par conséquent laisse place à de nombreuses interrogations parmi la population : pourquoi parmi les milliers de bienfaiteurs, bénévoles et volontaires venus en aide à la région, de jour comme de nuit, seul Djamel a fait l'objet d'une médiatisation préalable ? Pourquoi les policiers qui retenaient Djamel n'ont pas tiré des coups de sommation d'usage pour disperser la foule ? Qui sont ces monstres clairement visibles sur plusieurs vidéos en train de s'acharner sur Djamel, mais que personne ne semble connaître dans la région selon de nombreux habitants ? Qui sont également ces individus qui justifient, sur une vidéo, cet horrible crime ? C'est autant de questions qui continuent de tarauder l'esprit des habitants de la région.