Deux jours après son décès, Abdelaziz Bouteflika a été inhumé hier au carré des martyrs du cimetière d'El-Alia, à Alger, en présence des officiels, à leur tête Abdelmadjid Tebboune. L'homme qui rêvait de funérailles nationales n'a eu droit qu'à un sobre hommage officiel. Au cimetière d'El-Alia, où reposent les anciens chefs de l'Etat et dirigeants importants de la guerre de Libération nationale, les autorités ont tout déployé : surveillance policière renforcée, embellissement des lieux et surtout verrouillage de l'information. Les médias, hormis ceux du gouvernement, nombreux à vouloir immortaliser l'événement, ont été tenus à l'écart de la cérémonie officielle. Sous un soleil de plomb, les reporters, mêlés aux quelques citoyens venus jeter un dernier regard sur le cortège funèbre, étaient aux aguets. Quelques citoyens venus des quartiers environnants, scrutaient l'arrivée de la dépouille. "Même l'ancien président égyptien, Hosni Moubarak, pourtant jugé publiquement, a eu droit à des funérailles nationales. On aurait pu faire la même chose pour Bouteflika", se désole un sexagénaire rencontré sur les lieux. C'est en fin de matinée que le cortège funèbre a quitté la résidence d'Etat de Zéralda, où était reclus Abdelaziz Bouteflika depuis de longues années. Des images diffusées sur les réseaux sociaux montrent le cercueil tracté par un char d'apparat de l'armée quittant l'enceinte sous les youyous et les applaudissements des présents. Le véhicule, orné de fleurs et des couleurs nationales, est devancé par un camion transportant des soldats. La procession s'est ébranlée en direction d'El-Alia vers midi. Elle a arpenté la Rocade Sud d'Alger. Aucune présence populaire sur le chemin. Aucun hommage. Pas de halte au Palais du peuple comme ce fut le cas pour les anciens chefs de l'Etat. La dépouille d'Abdelaziz Bouteflika est passée devant la Grande Mosquée d'Alger, construite sous sa présidence et qu'il aurait probablement rêvé d'inaugurer. 13 heures sonnantes. Le cortège funèbre arrive enfin au cimetière d'El-Alia. Le soleil est au zénith. "Allah Irahmek sidi raïs (que Dieu t'accorde Sa Miséricorde, M. le président)", crie un homme, empêché par les policiers de dépasser le trottoir. Les crépitements des flashes des photographes immortalisent l'instant. Une vingtaine d'imams de la zaouïa El-Belkaïdia, une des sources d'inspiration du défunt et dont le siège est à Tixeraïne, entonnent des chants soufis. Nous n'avons pas été autorisés à pénétrer dans le cimetière. Des images diffusées par les médias officiels ont cependant montré le chef de l'Etat, Abdelmadjid Tebboune, entouré de Nacer Bouteflika, le frère du défunt, et de hauts responsables de l'Etat se recueillant sur la dépouille de l'ancien président de la République. "L'Algérie fait ses adieux à un moudjahid que l'histoire retiendra pour son apport, aux côtés de ceux dont les noms ont été gravés en lettres d'or durant la lutte armée", a ainsi indiqué Laïd Rebiga, ministre des Moudjahidine, dans son oraison funèbre et dont les propos ont été rapportés par l'APS. "Un officier de l'Armée de libération nationale (ALN) s'en va, le commandant Abdelaziz Bouteflika qui, au lendemain de l'indépendance nationale, était mobilisé parmi les hommes de l'Algérie durant cette période difficile dans laquelle les Algériennes et les Algériens se sont mobilisés pour construire le pays après la glorieuse guerre de Libération", a-t-il poursuivi. À peine les obsèques officielles achevées, quelques citoyens, visiblement des partisans du FLN, ont pu se recueillir sur la tombe d'Abdelaziz Bouteflika. Ils ont déposé des fleurs sur sa tombe. Bouteflika venait de rejoindre quatre de ses prédécesseurs, mais tous accompagnés à leur dernière demeure par une ferveur populaire. Sauf lui.