“Je vous aime. Vous êtes tout pour moi. J'aurais voulu être plus présente parmi vous, mais, que voulez-vous, c'est la vie qui m'a contrainte à l'exil. J'ai beaucoup donné à l'art et peu reçu”, lance-t-elle à l'adresse du public. C'est un retour pour le moins fracassant qu'a effectué la chanteuse rebelle kabyle, Malika Domrane, cette semaine au grand bonheur de ses fans. Celle qui a bravé tous les tabous et les réflexes rétrogrades des années 1970 en osant monter sur scène et chanter tout haut ce que la femme algérienne en général et la femme kabyle en particulier enduraient, a démontré du haut de sa cinquantaine que sa carrière d'artiste est loin d'être finie malgré son absence en raison d'un exil forcé. C'est l'auditorium de la Radio nationale qui l'a accueillie dans la soirée de lundi dernier pour un gala organisé par l'émission mensuelle “Tivougharin'guidh” (chants de fête), diffusée en direct sur les ondes de la chaîne II et animée par le talentueux et sympathique Arezki Azouz. Etalant son répertoire à mesure que s'égrènent les trois heures de l'émission, Malika Domrane est restée une femme qui assume ses idées et ses principes, quitte à ce que cela lui coûte cher comme ce fut le cas lors du printemps berbère d'avril 1980 lorsqu'elle fut arrêtée par les services de sécurité. Elle en garde d'ailleurs toujours les séquelles de cette répression qui s'était abattue sur les étudiants. Toujours très à l'aise face au micro, que ce soit sur scène ou sur le petit plateau aménagé spécialement pour l'émission, la chanteuse a été beaucoup applaudie par le public qui redécouvre à l'occasion une femme qui, malgré les vicissitudes de la vie, n'a rien perdu de son humour naturel et spontané. Arezki Azouz n'a d'ailleurs eu aucune difficulté à faire parler la femme terrible de la chanson kabyle. De Assarou à Tachemaât en passant par Boubrit, Azedjig bwechrouf, Akhelkhaliw, Lehmalaw, Zwadjiw et tant de titres et d'“achewiq" qui ont fait sa renommée, Malika a su, durant toute la soirée, être à l'écoute des auditeurs et des spectateurs présents en force dans la salle et qui entonnait les refrains avec une émouvante nostalgie. “Je vous aime. Vous êtes tout pour moi. J'aurais voulu être plus présente parmi vous mais, que voulez-vous, c'est la vie qui m'a contrainte à l'exil. J'ai beaucoup donné à l'art et peu reçu”, lance-t-elle à l'adresse du public. Répondant aux questions posées sur le micro baladeur de la radio et se rapportant à sa carrière et à l'éventualité de son retour sur la scène artistique, la chanteuse a répondu avec sa modestie habituelle qui a fait sa grandeur : “je respecte l'art et je suis très exigeante. Il faut être à la hauteur des attentes du public. Je ne vous cache pas que j'ai beaucoup de chansons, mais le problème pour nous les artistes c'est le travail peu professionnel des maisons d'édition. Les difficultés sont encore multipliées pour la femme.” En parlant de la situation actuelle de la chanson kabyle, la chanteuse a surtout tenu à dénoncer les plagiats qui sont devenus, d'après elle, monnaie courante. La chanteuse ne pouvait laisser passer une telle occasion qui lui était offerte sans rendre hommage à deux géants de la poésie kabyle qui lui ont tant donné, en l'occurrence Cherif Kheddam et Mohamed Belhanafi. Ce fut d'ailleurs un moment d'intense émotion, lorsque sont diffusées les propos sonores des deux artistes qui louaient les qualités professionnelles et personnelles de la chanteuse. Malika ne pouvait retenir ses larmes tant la surprise fut totale. L'émotion, il y en aura encore durant ce spectacle quand les anciennes de la chorale du lycée Fadhma n'soumer de Tizi Ouzou, qui comptait dans ses rangs celle qui deviendra plus tard une véritable star, faisaient leur entrée sur escène à la grande surprise de la chanteuse. Encore une fois, Malika Domrane plongée dans ses souvenirs d'adolescente, ne pouvait contenir ses larmes tant l'émotion la submergeait. Ce fut de chaudes retrouvailles pour une artiste avec ses anciennes copines et pour une star avec ses fans. Hamid Saïdani