La feuille de route budgétaire de 2022 est censée financer la réponse à l'impact de la crise sanitaire qui fait tousser des pans entiers de l'économie, mais elle ne sera pas sans conséquence sur l'équilibre des finances publiques. Dans l'avant-projet de loi de finances 2022, le gouvernement table sur une forte hausse des dépenses publiques pour soutenir la croissance en sortie d'une crise sanitaire qui aura été désastreuse pour l'économie. Dans ses arbitrages budgétaires pour 2022, le gouvernement a ainsi tenté de dessiner les priorités de l'après-Covid, en faisant la part belle à l'investissement budgétaire et au soutien au pouvoir d'achat. L'idée consiste à financer la croissance par la dépense et que la croissance viendra ensuite combler une partie du déficit public. Sauf que les prévisions de croissance pour 2022 — le Fonds monétaire international (FMI) tablant sur un rebond de 1,9% — risquent d'être insuffisantes pour compenser la hausse des dépenses inscrites dans la note budgétaire du gouvernement. Ce dernier reste optimiste et table sur une croissance supérieure à 3%. Il s'agit en somme d'une feuille de route budgétaire censée financer la réponse à la crise sanitaire qui fait tousser des pans entiers de l'économie, en plus de ses conséquences sociales, aussi bien sur le pouvoir d'achat que sur le marché de l'emploi. La hausse des dépenses ne devrait ainsi, en aucun cas, améliorer la situation des finances publiques, puisque le déficit augmentera nettement à plus de 4 000 milliards de dinars en 2022. Se pose alors la récurrente question de son financement, étant donné les faibles marges de manœuvre dont dispose le gouvernement. D'autant plus que la hausse des recettes de la fiscalité pétrolière libellée en dinars risque d'être neutralisée par la baisse du produit de certains impôts directs et indirects, dont l'IRG, l'IBS et les taxes appliquées aux importations. En 2020, le déficit, bien que de moindre ampleur, a été financé par un prélèvement sur le compte courant du Trésor, représentant les restes des tirages de la planche à billets, en plus des prélèvements sur les comptes de certaines entreprises publiques, dont Sonatrach. 2021 n'a pas connu d'importants changements dans la politique budgétaire et monétaire, puisque la Banque d'Algérie s'est remise à créer de la monnaie pour faire face aux besoins de financement budgétaire. Les situations mensuelles de la Banque centrale ont montré une mobilisation de 1 155 milliards de dinars entre janvier et avril 2021 sous forme de découverts au profit du Trésor. Le recours à la planche à billets pour le financement du déficit budgétaire de 2022 s'annonce d'autant plus périlleux qu'il serait porteur de risques inflationnistes et de déséquilibres budgétaires et extérieurs. L'Exécutif peut compter sur la hausse des prix du pétrole, non pas pour équilibrer le budget car dépendant d'un baril supérieur à 150 dollars, mais pour réduire le déficit qui viendra fragiliser davantage les finances publiques. Sauf que cette envolée des prix du pétrole et du gaz sur les marchés mondiaux risque d'être conjoncturelle car alimentée par une tension sur l'offre sur fond de reprise plus rapide que prévue de la demande mondiale. Selon Badreddine Nouioua, ex-gouverneur de la Banque centrale, "le financement du déficit peut se faire de plusieurs façons, pour peu que les bonnes décisions soient prises", soulignant que la fuite des capitaux et le phénomène de thésaurisation ont pris des proportions inquiétantes. Badreddine Nouioua suggère d'accélérer les privatisations des entreprises pour pouvoir capter les capitaux dormants, limiter le train de vie de l'Etat et contrôler les dépenses et l'usage que l'on fait des allocations budgétaires. "La Banque centrale peut aussi financer les besoins du Trésor à la condition que cet argent soit utilisé à bon escient", estime l'ex-gouverneur de la Banque d'Algérie. Pour ainsi dire, le retour à la politique d'expansion budgétaire en 2022 a quelques arguments économiques à faire valoir, dont la nécessité d'apporter une réponse musclée aux effets de la crise sanitaire, mais le gouvernement risque de faire passer au second plan les promesses d'ajustements budgétaires de fond et les réformes structurelles tant attendues, sur fond d'un sempiternel pari sur la hausse des cours pétroliers mondiaux.