Le gouvernement mettait en avant cet instrument pour justifier la complexité de l'équation budgétaire à laquelle il était confronté. Le débat sur le plan d'action du gouvernement a été clos à l'Assemblée nationale, mais les interrogations persistent, toutefois, sur les moyens de son financement, ainsi que sur les possibilités qui s'offrent à l'Exécutif, dont la marge de manœuvre se révèle trop réduite. De ce plan d'action, truffé de généralités et assez pauvre en ambitions chiffrées, on retient essentiellement cet engagement en faveur d'une mobilisation optimale de la fiscalité ordinaire, à l'heure où la fiscalité pétrolière se rétrécit comme une peau de chagrin. Autrement, il y a peu de bouleversements notables par rapport aux choix des précédents gouvernements, tant il est vrai que les disponibilités financières sont limitées, et le marché pétrolier fait courir le risque d'un nouveau retournement de situation. Entre l'amenuisement des ressources en dinars, la fonte accélérée des réserves de changes et la difficulté de mener certaines réformes qui fâchent, le gouvernement semble avoir concocté un plan d'action sous pression, où les réponses au creusement des déficits budgétaire et extérieur, au tarissement des ressources en interne, au déclin de l'investissement et au repli de la croissance sont quasi inexistantes. Les dossiers économiques et budgétaires sont lourds d'enjeux. Le Premier ministre, dans ses réponses aux députés, avait laissé entendre que son staff n'excluait aucunement le recours à l'endettement extérieur pour financer le plan d'action du gouvernement. Le Premier ministre mettait en avant cet instrument pour justifier la complexité de l'équation budgétaire à laquelle était confronté son gouvernement. Sauf que, plus concrètement, le plan d'action du gouvernement ne fait aucunement mention des besoins en financements, aussi bien en dinars qu'en devises. En théorie, les besoins en dinars se rapportent aux dépenses de fonctionnement et à la couverture du déficit budgétaire, alors que les besoins en devises sont liés essentiellement aux déficits de la balance des paiements. En l'état actuel de la trésorerie publique, le gouvernement n'a d'autre choix que de ressortir la planche à billets pour pouvoir soutenir les besoins en dinars, étant donné que l'endettement extérieur, une option clairement assumée, ne peut couvrir l'ensemble des besoins. Les besoins en hausse Pour Omar Berkouk, analyste financier, le pays est incapable de solliciter, présentement, le marché international, étant donné qu'il est "en mauvaise posture", mais aussi parce qu'il ne dispose pas de "rating". Le seul choix qui s'offre donc au gouvernement est celui de solliciter les institutions multilatérales. Or, les financements de ces institutions sont limités et destinés à des projets économiques viables. Ainsi, ces financements sont loin d'être une solution aux problèmes de trésorerie, encore moins à la hausse des déficits, alors qu'à l'horizon 2022, les besoins en financement seraient "d'environ 20 milliards de dollars par an". "Aucune institution multilatérale ne prêtera à l'Algérie 20 milliards de dollars/an", estime Omar Berkouk, contacté par Liberté. L'impasse serait ainsi inévitable en 2022. Du reste, le plan présenté par le gouvernement "n'est qu'une déclaration d'intention", selon Omar Berkouk, voire un texte "bien garni en généralités, loin de répondre aux enjeux auxquels était confronté le pays", estime Badredine Nouioua, ex-gouverneur de la Banque d'Algérie. Il fait constater que le plan d'action de l'Exécutif ne fait aucune mention des projets prévus, des coûts, des moyens de financements disponibles et/ou à solliciter… d'où la nécessité d'estimer les besoins en financements extérieurs. "On baigne dans tout ce qui est vague ; on ne sait pas de quoi il s'agit, des objectifs auxquels on aspire et des moyens à solliciter pour les réaliser. Tout ce que l'on sait c'est qu'il y a des déficits et que ce plan n'était pas aussi grand que ça", souligne l'ex-gouvernement de la Banque d'Algérie. Quant à la question de l'endettement extérieur, il fait constater que les institutions multilatérales auxquelles le Premier ministre faisait référence "ne financent pas les importations et, lorsqu'il s'agit de projets économiques, l'exigence de leur viabilité et d'une bonne maturité sont indiscutables". Pour Zine Barka, professeur d'économie, spécialiste des finances publiques, l'endettement extérieur "devait être la dernière solution", mais "force est de constater que le gouvernement a choisi la facilité plutôt que de mettre en place les réformes budgétaires et économiques qui seraient une pilule difficile à avaler". Ce n'est pas un plan Marshall Et au plan microéconomique, la feuille de route du gouvernement "est loin d'être un plan Marshall. Il y a une absence totale d'ambitions chiffrées et d'anticipations, d'où l'impossibilité d'évaluer les besoins en devises" que le gouvernement compte combler au moyen d'un recours à l'endettement extérieur. Mohamed Achir, enseignant chercheur à l'Université de Tizi Ouzou, estime, lui aussi, que lorsqu'il s'agit d'un financement extérieur, "il faudrait bien négocier et bien évaluer le retour sur investissement pour réaliser des plus-values à court terme". Pour le financement des investissements publics productifs, "il faudrait privilégier des financements extérieurs à long terme dans un cadre des coopérations bilatérales et régionales. Il faudrait également encourager les investissements directs étrangers (IDE) et le partenariat public-privé (PPP) avec des entreprises étrangères performantes", suggère-t-il, soulignant, dans la foulée, que "l'Algérie a participé dans les capitaux de plusieurs banques de développement multilatéral ou régional comme la Banque africaine du développement. La Chine et la banque des Brics peuvent constituer des opportunités pour mobiliser des prêts à long terme destinés à financer des activités génératrices de revenus". Cependant, Mohamed Achir conditionne le recours aux financements extérieurs par une évaluation exhaustive des besoins afin de s'assurer de la rentabilité des projets. C'est pourquoi, soutient-il, il est primordial de solliciter l'expertise des cabinets de consulting international spécialisés dans la finance et l'évaluation des risques, et le choix des investissements et des alliances stratégiques. Badredine Nouioua estime, lui aussi, que des possibilités de fonds en interne existent encore, dont l'émission des bons du Trésor, le lancement d'obligations, la réduction des paiements en cash pour aider la bancarisation de l'argent de l'informel, la privatisation limitée (25-30%) de certaines banques, etc. En définitive, même si le choix de recourir à l'endettement extérieur, pris en charge dans la loi de finances 2020 par le gouvernement des affaires courantes, est clairement assumé par l'actuel Exécutif, son calendrier reste flou, tout comme le plan d'action qui vient d'être validé par le Parlement.