Brahim Brahimi, Ouhadj Mahieddine, des ministres allemands, des députés et une soixantaine de confrères ont cerné la problématique. Compte rendu. Peut-on se passer de la liberté de la presse et du rôle des médias si l'on veut assurer une bonne gouvernance ? Non, ont répondu, unanimes, les participants à l'atelier organisé dimanche dernier en soirée ramadhanesque à l'hôtel Sheraton par le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la fondation allemande Konrad Adenauer. Un aréopage de personnalités, dont des experts en communication, des chercheurs universitaires, une soixantaine de journalistes venus des quatre coins du pays ont débattu passionnément ce thème. Un thème qui a attiré des personnalités politiques allemandes de haut rang, dont des membres du gouvernement, des représentants de la direction nationale de la CDU et, bien sûr, Son Excellence Monsieur l'ambassadeur. D'entrée, ce dernier placera le débat sur “orbite” en lançant cette boutade qui a fait sourire plus d'un : “Un journal ce n'est pas uniquement les pages sportives ! ” Le diplomate soutient que “les médias et les politiciens se nourrissent mutuellement”. Qu'en est-il du constat en Algérie ? Le professeur Brahim Brahimi dépeint une situation “terrible” de la presse depuis 1990, caractérisée par un risque de disparition des petits journaux et l'asphyxie des autres. Pour le conférencier, le tableau de bord des médias en Algérie est certainement “inquiétant” en ce sens que le pouvoir a précarisé la profession via différentes pressions. En face, les partis politiques sont laminés et la société civile embrigadée. Brahimi estime que le pouvoir a “cassé les ressorts de la société” d'où, d'après lui, “notre méconnaissance de l'opinion publique algérienne”. Le professeur en veut d'autant plus que la “fraude a été érigée en pratique politique à tous les niveaux”. Il y a, certes, des acquis dans le domaine de la liberté de la presse, mais il y a aussi des régressions, note Brahimi pour qui les amendements introduits au code pénal en juin 2001 “ont achevé de tuer les libertés”. L'orateur noircit davantage le tableau en mettant en relief la démission des élites et l'incapacité des partis politiques à présenter des alternatives au pouvoir. De fait, donc, la bonne gouvernance, notion en vogue dans les pays développés, prend un sérieux coup en Algérie dans la mesure où le pouvoir tient seul le gouvernail. Or, la bonne gouvernance suppose d'abord la transparence dans la gestion des domaines publics. Dans une déclaration ayant sanctionné son atelier, le SNJ note que la “bonne gouvernance signifie un développement global, c'est-à-dire économique, culturel mais aussi celui des institutions politiques”. Tel ne semble pas être le cas en Algérie puisque “le pouvoir est quasiment seul sur la scène, il n'y a pas de partis politiques en face”, tonne Ahmed Ancer du quotidien El Watan. Il jette la pierre également sur cette presse coupable à ses yeux de traîner “beaucoup de casseroles” en référence à l'épisode de l'élection présidentielle d'avril 2004. Sur un autre plan, les participants ont souligné lors du débat qu'il ne saurait y avoir de bonne gouvernance sans des changements démocratiques qui ouvrent la voie et libèrent les énergies à la participation des citoyens à l'effort de développement. De la même manière, les technologies de l'information et de la communication (TIC) doivent être mises au service de la bonne gouvernance, comme le préconise M. Ouhadj, conseiller au ministère de la Poste et des Nouvelles technologies de l'informaion et de la communication. Sauf que la bonne gouvernance change carrément de sens selon que l'on se place du point de vue du pouvoir ou de la société civile. En l'occurrence, les participants ont uni leurs voix pour proclamer que sans la liberté d'expression et de la presse, il serait illusoire de prétendre asseoir une bonne gouvernance. Et les journalistes algériens sont bien placés pour le vérifier. HASSAN MOALI