La célèbre militante de Mostaganem, Dalila Touat, encourt une peine de prison pour avoir osé porter plainte contre l'établissement pénitentiaire d'Aïn Tedles où, a-t-elle affirmé, elle a subi de mauvais traitements. "Pour avoir porté plainte contre la direction de la prison, Dalila Touat est poursuivie pour outrage à institution publique et diffamation alors qu'aucune enquête sur le bien-fondé de ses accusations n'a été diligentée par les services compétents", résume Me Abdelmadjid Hachour, l'un des avocats qui ont eu à défendre Dalila Touat lors du procès au tribunal correctionnel d'Aïn Tedles, jeudi dernier. Procès au cours duquel, le procureur de la République a requis une année de prison ferme avec mandat de dépôt à l'audience, assortie d'une amende de 100 000 DA. "Le message est clair : on n'a pas le droit de porter plainte contre une injustice", déplore encore l'avocat du collectif de la défense qui a naturellement plaidé la relaxe. La plainte de Dalila Touat remonte à fin mars 2021. La jeune femme, qui vient d'introduire un pourvoi en cassation contre les verdicts prononcés par la cour d'appel de Mostaganem dans le cadre de deux affaires (voir Liberté du 18 mars 2021), est décidée à saisir la justice pour dénoncer "les mauvais traitements endurés" durant son séjour carcéral entre janvier et février 2021. Dans la plainte qu'elle dépose, elle dit vouloir mettre chacun devant ses responsabilités dans les vexations et humiliation qui l'ont conduite à observer des grèves de la faim. Un mois plus tôt déjà, un collectif d'avocats qui lui rendait visite à la prison d'Aïn Tedles — où elle purge une peine de 18 mois ferme pour "outrage à corps constitués", "diffamation" et "publications portant atteinte à l'ordre public" — n'a pas caché son inquiétude. "Elle est dans un état de stress psychique inquiétant... Elle se plaint de subir des vexations et des intimidations diverses de la part des gardiens de prison...", s'alarme le collectif, "exigeant une enquête sur les mauvais traitements" présumés. Mais aucune procédure d'investigation ne semble avoir été engagée au grand dam de la prisonnière qui continue à espérer une intervention du procureur général de la cour de Mostaganem auquel elle a transmis une lettre de réclamations. Son salut viendra de l'élargissement heureux de détenus du Hirak, que le président Abdelmadjid Tebboune décidera le 19 février à la veille de la commémoration du 2e anniversaire de la Révolution. Même si elle risque d'être reconduite en prison à l'issue du procès en appel qui doit se tenir en mars, Dalila Touat ne veut pas se taire : elle a bien subi des injustices à la prison d'Aïn Tedles et elle veut réparation. "À deux reprises (trois semaines puis six jours, ndlr), j'ai dû recourir à une grève de la faim pour protester contre ces humiliations. À aucun moment, l'administration pénitentiaire n'a jugé utile de dépêcher un médecin pour s'enquérir de ma santé (...) J'ai été menacée, intimidée, insultée..." (Liberté du 22 février 2021). Aujourd'hui, alors que l'opinion publique s'attendait légitimement à une enquête sur les allégations de mauvais traitements formulées par la militante des droits de l'Homme, le parquet d'Aïn Tedles décide de la poursuivre pour outrage à institution publique et diffamation. Après avoir été condamnée pour ses opinions, Dalila Touat risque une peine de prison ferme pour avoir réclamé justice à travers une plainte qui, rappelle Me Hachour, est "un droit constitutionnel garanti à tous les citoyens algériens". L'activiste sera fixée sur son sort le 18 novembre prochain.