Si l'augmentation des prix des produits alimentaires érode la bourse du consommateur déjà mise à mal par le taux élevé de l'inflation, elle a aussi poussé de nombreux petits commerçants à baisser rideau. L'année 2022 a débuté sous de très mauvais auspices pour les ménages en Algérie. À Annaba, les consommateurs sont surpris par l'annonce d'une augmentation aussi soudaine qu'exagérée du prix de la baguette de pain, qui est passée du simple au double. Une augmentation somme toute attendue dans le contexte de hausse généralisée des prix déjà vécue l'an passé, mais qui n'en est pas moins significative et désespérante pour le citoyen lambda. Les pères de famille, y compris les plus optimistes, sont nombreux à reconnaître, aujourd'hui, que la crise économique est bien là et que le pire est à craindre désormais si rien n'est fait par les pouvoirs publics pour l'endiguer. Livrés pieds et poings liés aux spéculateurs, ils n'ont d'autre choix que de payer le sac de semoule de 25 kilos à 1 700 DA, le bidon d'huile de cinq litres à plus de 700 DA, le pain normal à 15 DA et le lait en sachet à 30 DA. "Nous sommes à la merci des détaillants, qui eux-mêmes dénoncent le diktat des grossistes pour certaines marchandises, mais s'agissant des produits de première nécessité, qui sont subventionnés par l'Etat, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond", s'insurge un retraité. "L'envolée des prix a touché tous les produits alimentaires sans distinction. Le 'c'est à prendre ou à laisser' qu'on s'est habitués à entendre de la bouche des commerçants n'augure rien de bon, le citoyen ne pourra pas rester longtemps insensible à l'érosion de son pouvoir d'achat. Et ce ne sont pas les perpétuelles promesses de lendemains meilleurs qui empêcheront la population de manifester son ras-le-bol", alerte ce cadre d'une administration publique, en souhaitant que les engagements pris par le gouvernement de procéder à une augmentation des salaires et à une relance effective de l'économie nationale se concrétisent au plus tôt. À Tizi Ouzou, même topo. Selon Rabah, propriétaire d'une supérette, tous les produits alimentaires sont touchés par cette hausse des prix. "Les produits sont disponibles mais plus chers. Sur certains produits, nous n'avons aucune marge bénéficiaire", a-t-il expliqué, citant pour exemple l'huile et le sucre. "Ces deux produits sont disponibles normalement mais ils sont plafonnés. Pour l'huile, on l'achète à 580 DA les 5 litres et on doit la vendre à 600 DA, soit une marge bénéficiaire de 20 DA avec facturation, donc soumis aux impôts. C'est pourquoi nous avons décidé de ne pas la vendre", a-t-il expliqué. "C'est le cas aussi pour le sucre, acheté à 86 DA et vendu à 90 DA. C'est pour vous dire que nous n'avons plus de marge car nous avons encore nos charges à payer", a-t-il regretté. Pour un autre commerçant, Mustapha, gérant d'une grande surface au lieudit Chabane, à la sortie est de la ville, "seul le sel de table n'a pas enregistré d'augmentation", a-t-il ironisé, précisant, par ailleurs, que certains produits commencent même à disparaître des étalages. "C'est notamment le cas du lait en poudre pour enfants, le lait en boite et les produits laitiers", a-t-il alerté, expliquant qu'en ce qui concerne ces produits, les commerçants ne reçoivent que le tiers de leurs commandes. Contacté à ce sujet, le président de l'association des grossistes de la wilaya de Tizi Ouzou, Samir Djebbar a tiré, lui aussi, la sonnette d'alarme : "De nombreux commerçants ont décidé de mettre la clé sous le paillasson. Ils ne peuvent plus suivre cette augmentation vertigineuse des prix." Et d'ajouter que les citoyens n'achètent que ce qui est vital pour eux : "Le pouvoir d'achat a dégringolé. Le chocolat et les boissons sont devenus un luxe de nos jours." "Même le commerçant n'arrive plus à joindre les deux bouts. Il est lui aussi pénalisé car il a des charges à payer", a-t-il ajouté. Pour notre interlocuteur, cette situation a été engendrée principalement par la hausse du prix de l'emballage et de la matière première sur le marché mondial. Pour ce qui est de la disponibilité des produits, Samir Djebbar a été rassurant : "Les produits sont disponibles mais plus chers." Et d'ajouter qu'en plus de ces produits, les prix des fruits, des légumes et des viandes enregistrent également une hausse vertigineuse, présage d'une période encore plus difficile pour les ménages ! Disponibilité des produits, dites-vous, ce n'est pas le cas à Chlef, où l'huile de table est introuvable dans de nombreux commerces depuis presque deux mois, a-t-on appris. Pour la plupart des consommateurs, la situation ne s'est guère améliorée malgré les assurances des autorités. "Certains de nos voisins sont allés la chercher dans la wilaya d'Aïn Defla alors que d'autres la trouvent facilement à Oued R'hiou, tout près de Relizane", affirme Mourad, à la sortie d'un magasin, effrayé par l'augmentation vertigineuse des prix de certains produits. De leur côté, certains commerçants ont fait savoir que ce n'est aucunement leur faute si l'huile reste indisponible, car distribuée en petite quantité. Aussitôt arrivé, le petit stock est directement vendu avant même d'être mis sur les étals. "Je ne peux même pas laisser de côté quelques bouteilles pour ma famille ou pour mes proches puisque tout se passe sous les yeux de mes clients. Des fois nous restons des journées entières devant les unités de distribution pour être approvisionnés en huile de table car nous savons que nos clients nous attendent avec impatience. Malheureusement, plusieurs fois nous revenons bredouilles. Nous souhaitons qu'elles augmentent le quota accordé aux commerçants car nous sommes également tous responsables vis-à-vis de nos clients, qui viennent régulièrement demander ce produit. Cela nous fait de la peine de leur répondre par la négative", dit Âmi Mansour, un commerçant du centre-ville de Chlef.