Dans cet entretien, Mme Tazaïrt insiste sur le caractère scientifique de ses trois ouvrages. Elle nous fait part également de sa riche expérience à la Maison des diabétiques de Ruisseau et de ses projets. Liberté : Qu'est-ce qui vous a motivé à vos investir dans le livre scientifique ? Mme Tazaïrt : L'idée m'est venue suite à une remarque qui m'avait été faite par un diabétique venu de l'intérieur du pays. Ce patient se plaignait que seuls les diabétiques du centre du pays bénéficient d'un cycle d'éducation diabétique. J'étais tout de suite accrochée et interpellée. Ce diabétique était, effectivement, assoiffé de découvrir le monde du diabète et manquait énormément d'informations. Du coup, je me suis mise à réfléchir et à me poser bon nombres de questions sur la nécessité d'écrire et de m'investir à fond dans ce créneau, notamment en matière de vulgarisation du langage scientifique au profit des diabétiques et pourquoi pas de leurs parents et proches. Vous venez d'éditer trois ouvrages dont l'un d'eux est consacré aux recettes spéciales diabétiques. Quelle en est l'idée générale ? J'ai d'abord pensé à une série de livres dont le thème principal est “Le diabétique s'interroge”. Dans cette série, j'essaye de situer à chaque fois le lecteur dans un créneau assez précis pour ne pas l'embrouiller, encore moins le saturer. À titre d'exemple, j'ai édité Qu'est-ce que le diabète ? et Que puis-je manger. Parallèlement, j'ai édité le livre sur les recettes intitulé Spéciales recettes. Chez nous, les fêtes sont nombreuses et le diabétique se sent quelque part marginalisé, voire frustré en ces circonstances plutôt heureuses ! Actuellement, je suis sur un projet de livres comme Est-ce que je peux avoir des enfants ?” et “Est-ce que je peux faire du sport ?” La vulgarisation est essentielle et le livre scientifique doit s'imposer sur le marché algérien de telle manière à offrir à tous ces gens qui prennent leur mal en patience de s'informer au jour le jour et de gérer leur diabète. Votre expérience pratique est pour beaucoup. Comment se présentent les choses au niveau de la Maison des diabétiques de Ruisseau ? Je travaille en étroite collaboration avec le corps médical et paramédical de la Maison des diabétiques de Ruisseau. Toute l'évidence est là. Les efforts que consent quotidiennement ce corps médical sont immenses. Les résultats obtenus aujourd'hui l'attestent. Les diabétiques ayant suivi le cycle de l'éducation (informés sur leur maladie), voient leur hyperglycémie diminuée d'une façon très conséquente, arrivée même à la normalité glycémique. Et c'est justement le rôle de l'éducation, celui d'aider le patient à se prendre en charge étant donné qu'il est, et le sera pour le reste de sa vie, le principal responsable du suivi pratique de son diabète. Le but commun entre le thérapeute et le patient est de parvenir à l'équilibre de la glycémie à court terme mais aussi et surtout à long terme. Telle est la réussite du traitement du diabète partout dans le monde, pour éviter de retarder le plus possible les complications de cette maladie. Je vous cite un cas très récent : un patient orienté par un médecin à l'éducation se présente avec une glycémie de 3,09 g/l. Après un cycle de 20 jours, il revient à un taux de 1,01 g/l et vit avec cette normalité grâce au suivi. J'insiste que je ne change en aucun cas sa médication. Elle demeure la prérogative de son médecin traitant et seulement de son médecin. Depuis quand pratiquez-vous ce genre de thérapies d'information et d'éducation ? Je donne, depuis 1997, des cours aux diabétiques parce que le cycle éducatif est un ensemble de cours théoriques et pratiques. Au jour d'aujourd'hui, les personnes diabétiques qui ont bénéficié de ces sessions sont parvenues à équilibrer leur glycémie. À quelques exceptions évidemment. Mais en général, les méthodes, jusque-là appliquées dans ce centre, ont donné d'excellents résultats. Avez-vous été réellement soutenue pour réaliser ces ouvrages sachant que c'est là votre première expérience ? Je ne remercierai jamais assez ceux qui m'ont aidée de près ou de loin à concrétiser mes projets ! À commencer par mes patients à qui je dois beaucoup et les diabétologues de la Maison de diabétiques de Ruisseau, notamment le docteur Chérif et M. Khelifa (directeur du secteur sanitaire de Sidi M'hamed). Sans oublier mes proches et mes parents qui m'ont également aidée à aller de l'avant et à persévérer. Cependant, je dirai que le soutien vient d'une réalité quotidienne et d'un vécu expérimental. Tous ceux qui m'ont aidée ont le même objectif : donner un plus aux diabétiques et les aider à surmonter leur mal en se comportant en responsables. Revenons à vos livres que vous venez d'éditer. N'avez-vous pas pris un certain risque sachant que le livre scientifique n'est pas assez prisé sur le marché ? L'éditeur est un promoteur d'auteurs. Il faut prendre le risque d'écrire et d'éditer un nouvel ouvrage avec un auteur nouveau. S'il s'agit d'un livre scientifique, pourquoi pas ? Surtout que l'on traite d'un thème intéressant comme le diabète. Je n'ai pas de statistiques exactes, mais sachez que dans chaque famille, il y a au moins une personne touchée par cette maladie (proche ou éloignée). Bien plus, le lecteur algérien est comme tous les lecteurs du monde. Il est intéressé dès qu'on lui offre un livre à la portée de sa bourse. Actuellement, mes livres sont disponibles à la maison d'édition El Maarifa, Alif-Lam-Mim (Blida) et Dar El Amana (Alger). Vous avez consacré un livre aux recettes spéciales diabétiques. Sur quelle base avez-vous sectionné ces recettes et est-ce qu'il n'y a pas de risques pour leur consommation ? Evidemment, comme j'avais précisé dans la préface du livre, ce n'est pas parce que c'est destiné aux diabétiques qu'il faut en abuser et consommer à volonté. Le risque est dans l'excès ! En plus, l'étude de ces recettes est basée sur des notions purement scientifiques dont les références sont citées dans la bibliographie. Je voudrais, en revanche, attirer l'attention des lecteurs que le diabétique de l'an 2005 n'est pas celui des années 1990. Aujourd'hui, il existe des moyens très simples pour effectuer une glycémie au bout du doigt. Cinq secondes suffiraient pour qu'un lecteur de glycémie affiche le taux de sucre dans le sang. À cet effet, si le diabétique craint de consommer des gâteaux, il lui suffit de faire une glycémie avant et 1h 30 minutes à 2 heures après la consommation de ce gâteau. Il va comparaître ensuite la valeur de la glycémie trouvée avec celle obtenue à la suite de la consommation du morceau de pain ou l'équivalent. C'est-à-dire ce qu'il a l'habitude de prendre, préconisé par son médecin traitant ou par son diététicien au petit-déjeuner ou au goûter. Du coup, le diabétique s'apercevra que ce gâteau ne provoque pas d'hyperglycémie. Tout de même, il faudra faire attention car sa consommation reste limitée, même si la glycémie est équilibrée. Il faudra retenir que le gâteau est comme tout autre produit ou aliment à base de farine ou de semoule. Votre dernier mot… Je souhaite que mes livres auront l'écho escompté. Car il est utile de le rappeler, écrire, c'est bien, servir, c'est mieux. Le livre scientifique doit avoir sa place sur le marché comme dans les écoles. Notre lecteur a besoin d'information vulgarisée et de conseils pratiques pour le bien-être quotidien. J'espère également réaliser d'autres exploits à l'avenir. Tant que le cœur y est ! Bio express Née en 1969 à Alger, Mme Baya (Kenza) Tazaïrt est ingénieur d'Etat en génie biologique. Diplômée de l'Usthb d'Alger avec mention “très bien”, elle est responsable d'éducation diabétique de fonction, secouriste et sportive de haut niveau (2e degré en plongée sous-marine). Elle est également membre de l'Onda et poétesse avec, à son fictif, plusieurs ouvrages dont des œuvres scientifiques. F. B.