La guéguerre gazière que se livrent la Russie et ses clients européens s'est intensifiée ces derniers jours, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) accusant ouvertement la Russie d'être à l'origine de la crise du gaz en Europe. Le directeur exécutif de l'AIE, Fatih Birol, a indiqué, jeudi, détenir "de forts éléments" accréditant l'idée d'un resserrement du marché dû au comportement du fournisseur de gaz contrôlé par l'Etat de Russie. "À l'AIE, nous nous concentrons sur ce que les données nous disent. Ce faisant, nous constatons qu'une série de problèmes a affecté le secteur du gaz naturel – dont le rebond économique mondial exceptionnellement rapide de l'année dernière, les pannes et l'entretien des infrastructures gazières-clés et un approvisionnement insuffisant en provenance de Russie – entraînant des turbulences plus larges sur le marché de l'énergie en Europe", estime le patron de l'AIE dans une analyse postée sur LinkedIn. Il est plus direct dans ses accusations décochées à l'adresse du fournisseur russe, affirmant, sans détour, que "contrairement à d'autres fournisseurs par gazoducs – comme l'Algérie, l'Azerbaïdjan et la Norvège – la Russie a réduit ses exportations vers l'Europe de 25% au quatrième trimestre 2021 par rapport à la même période en 2020 et de 22% par rapport à ses niveaux de 2019. Et ce, malgré les prix exceptionnellement élevés du gaz naturel que nous avons connus ces derniers mois". Fatih Birol pointe du doigt la responsabilité de Gazprom dans la crise gazière que connaît le Vieux Continent. Selon lui, la Russie est en capacité d'augmenter ses livraisons de gaz vers l'Europe d'au moins un tiers, soit plus de 3 milliards de mètres cubes par mois. Cela équivaut à près de 10% de la consommation mensuelle moyenne de gaz de l'Union européenne – et serait l'équivalent d'un méthanier livrant chaque jour une cargaison complète de gaz naturel à l'Europe. L'Algérie tire son épingle du jeu Cependant, le soulagement tant espéré ne vient pas de la Russie, qui semble vouloir forcer la main aux Européens pour accepter le Nord Stream 2, mais plutôt des Etats-Unis qui ont envoyé une flottille d'une vingtaine de navires transportant du GNL à destination de l'Europe. Selon des données fournies par Bloomberg, les importations de GNL dans le nord-ouest de l'Europe ont atteint leur plus haut niveau depuis décembre 2019. L'approvisionnement du Vieux Continent en GNL américain constitue, de l'avis des analystes, un soulagement temporaire qui, certes, a entraîné, la semaine dernière, une baisse de 6% des prix à 82,50 euros le mégawattheure sur les contrats à terme du gaz, mais les cours connaîtraient une forte volatilité en prévision du pic hivernal de la demande. L'Algérie a su tirer son épingle de ce jeu de géostratégie de haute voltige qui fait vibrer l'échiquier gazier européen en augmentant de 25,4% sa production de GNL au cours des huit premiers mois de 2021 et de 12,1% en glissement annuel, dans le contexte d'un rebond de la demande européenne et d'une augmentation significative de la part de marché de l'Algérie sur le Vieux Continent. Selon les données de la Commission européenne datées d'octobre 2021, les exportations algériennes de gaz vers l'Europe par gazoduc ont plus que triplé au premier semestre de l'année dernière en glissement annuel. Les ventes de gaz algérien à l'Europe ont progressé de +131% sur le 1er trimestre 2021, comparé au 1er trimestre 2020 et +223% au 2e trimestre 2021 comparé à la même période de 2020, atteignant 11% des importations de gaz de l'UE (+7% par rapport au 2e trimestre 2020). La part de marché de l'Algérie a grimpé à 13%, en incluant le GNL.