La mort ou la capture de Ben Laden ne changera pas grand-chose à Al Qaïda. Non seulement, estiment les spécialistes du terrorisme, la nébuleuse a su s'adapter à la répression mondiale qui s'est abattue sur elle après le 11 septembre 2001, mais elle est aussi assurée de perdurer. L'organisation de Ben Laden s'est, en quelque sorte, mondialisée en essaimant un peu partout des groupuscules autonomes, qui utilisent son label comme une franchise. L'organisation, estime Michael Scheuer, ancien chef de l'unité Ben Laden au sein du Centre antiterroriste de la centrale américaine CIA, a acquis de l'efficacité et du professionnalisme qui font la preuve de sa viabilité à long terme. Selon lui, Al Qaïda est aujourd'hui présente dans plus de 75 pays, avec d'importants contingents en Afghanistan et en Irak. Elle dispose d'instructeurs, de logisticiens, de combattants aguerris au sein de la plupart des insurrections islamistes dans le monde. Poursuivie et traquée, elle a su changer de nature et se transformer en source d'inspiration pour l'islamisme radical, appuie Bruce Hoffman, directeur de l'unité de recherche sur le terrorisme du groupe de réflexion américain Rand Corporation, se fondant sur les attentats de Madrid et de Londres où a été révélée l'implication des diasporas. À ses yeux, inciter les communautés des diasporas à rejoindre le mouvement est un choix stratégique effectué par Al Qaïda depuis plusieurs années. Le fait que les attentats et les tentatives d'attentats commis à Londres en juillet dernier ont été le fait de jeunes gens en apparence intégrés à la société britannique, sans rapports avec la structure classique de commandement de l'organisation terroriste, illustre le succès remporté par Al Qaïda dans ses campagnes de propagande et d'inspiration. Ben Laden a construit un système de communication et de propagande de classe mondiale qui tourne à plein régime. Rien qu'en incitant des jeunes à rallier son djihad contre les Etats-Unis et leurs alliés. Tous les spécialistes en sont convaincus, la marque Al Qaïda est devenue une force d'inspiration et de motivation, au moins, autant qu'une force opérationnelle pour tous les djihadistes contre les Etats-unis et leurs alliés. Le criminologue français, Xavier Raufer, co-auteur du récent L'énigme Al Qaïda, estime que les djihadistes se sont parfaitement adaptés dans le monde actuel où, face à la lutte antiterroriste, il faut être atomisé et le plus désorganisé possible. C'est la “leaderless resistance” (résistance sans chef), c'est à dire un mode opérationnel où les cellules agissent par elles-mêmes. À cela, il faut ajouter la fuite en avant de régimes arabo-musulmans qui persistent à utiliser la religion comme fonds de commerce. Une surenchère où les djihadistes ont toujours une longueur d'avance. D. Bouatta