Ne faisant nullement référence aux attentats du 11 Septembre 2001, sujet revenant auparavant systématiquement dans ses discours et dont le huitième anniversaire a été célébré récemment, le chef de la nébuleuse Al-Qaïda donne l'impression de changer de fusil d'épaule. Simples impressions d'analystes ou changement de cap chez Ben Laden ? Un site Internet utilisé habituellement par Al-Qaïda a diffusé un document vidéo attribué à Oussama Ben Laden dans lequel le chef islamiste met en garde le peuple américain contre tout lien avec Israël. Ce message, intitulé “Une déclaration au peuple américain”, d'environ dix minutes a été perçu par les analystes comme une modification dans les positions du patron d'Al-Qaïda. Ils estiment qu'il apparaît “comme un homme affaibli, traqué et cherchant une porte de sortie”. Sur un ton toujours menaçant, Ben Laden appelle le peuple américain à faire pression sur la Maison-Blanche pour qu'elle mette fin aux guerres en Irak et en Afghanistan en échange d'un arrêt de ses attaques. Pour Diaa Rachwane, l'un des meilleurs analystes arabes en matière de terrorisme : “Le nouveau message de Ben Laden traduit un véritable changement (...), il ne comporte pas de menaces et cherche à justifier les attaques du 11 Septembre”. Selon la même source, ces attentats ont été menées en réaction au soutien des Etats-Unis à Israël “et d'autres injustices”. Elle relève également que “pas une seule fois dans ce message, et contrairement à son habitude, Ben Laden n'a mentionné les "martyrs" qui ont mené les attaques du 11 Septembre et ne les a salués”. Rachwane, qui est directeur adjoint du centre Al-Ahram pour les études stratégiques et politiques, souligne que ce message intervient trois semaines après celui du numéro deux d'Al-Qaïda, Ayman Al-Zawahiri, portant sur la situation dans la vallée de Swat, au Pakistan, et qui abondait de citations religieuses appelant à l'unité des rangs des moujahidine. Il souligne que “pour la première fois également, Ben Laden parle positivement de trois présidents américains. Obama, dont il mentionne le discours adressé au monde arabe depuis Le Caire le 3 juin, Jimmy Carter, dont il relève l'attitude à l'égard des Palestiniens, et John Kennedy (assassiné en 1963) en affirmant qu'Obama connaîtra le même sort s'il suit une politique différente de celle des néoconservateurs”. L'analyste aboutit à la conclusion que “tout cela démontre clairement qu'Al-Qaïda est affectée par les développements sur le terrain”, en allusion aux coups portés à Al-Qaïda dans les zones tribales pakistanaises. De son côté, l'analyste saoudien Anouar Eshki, chef du Centre des études stratégiques et légales basé à Djeddah (ouest), est plus catégorique en assurant que “c'est la première fois que Ben Laden apparaît aussi faible”, précisant au passage avoir connu le chef d'Al-Qaïda du temps où il résidait en Arabie Saoudite. Il estime que le message de Ben Laden “montre qu'il se trouve dans une position difficile, surtout que, selon les informations en notre possession, son réseau commence à être démantelé dans les zones tribales pakistanaises en raison des coups durs qui lui ont été portés, alors que beaucoup de ses fidèles ont quitté le Pakistan pour le Yémen ou la Somalie”. Catégorique, il affirmera que le chef d'Al-Qaïda “cherche une porte de sortie pour arrêter ses attaques”. Par ailleurs, il se demandera si par la tentative du chef terroriste de justifier les attaques du 11 Septembre, “Ben Laden tente de redorer son blason en affirmant que les attaques du 11 Septembre ont été menées en raison de la politique américaine en Palestine. Mais quel lien y a-t-il entre la Palestine et les attaques d'Al-Qaïda en Arabie Saoudite et en Occident ?” Pour le centre américain de recherche sur le terrorisme Intel Center, Ben Laden qualifie le président américain Barack Obama “d'opprimé” n'ayant pas le pouvoir de changer le cours des guerres et le présente comme un otage “des groupes de pression et notamment du lobby juif”. Pour rappel, le dernier enregistrement audio de Ben Laden avait été diffusé le 3 juin dernier. Il y rejetait l'ouverture du président Obama envers le monde musulman. Depuis les attentats du 11 Septembre, attribués à Al-Qaïda, une soixantaine de messages ont été diffusés par Ben Laden et son adjoint, l'Egyptien Ayman Al-Zawahiri. La traque de Ben Laden, lancée après les attentats, avec l'invasion de l'Afghanistan, pourrait prendre encore de longues années, voire ne jamais aboutir, avait estimé en mars le secrétaire à la Défense américain, Robert Gates.