Blottie contre le massif du Djurdjura, la commune d'Aït Bouadou, dans la région des Ouadhias, fait partie de ces localités de Haute-Kabylie qui souffrent en silence. Ses villages manquent de tout. Problème d'alimentation en eau potable, manque d'infrastructures sportives et culturelles, absence de centre de santé et de réseau d'assainissement... Autant dire que cette localité fait partie de ce qu'on appelle communément aujourd'hui une zone d'ombre. Le peu de structures réalisées, la région le doit aux initiatives des villageois qui ont appris à ne compter que sur eux-mêmes, en l'absence de l'Etat. Malgré les atouts et potentialités touristiques et agricoles dont il regorge, ce village de l'extrême sud de Tizi Ouzou, ne vit que des subventions de l'Etat qui ne lui parviennent qu'au compte-goutte. Isolée et éloignée, Aït Bouadou est une zone d'ombre qui manque de tout. À l'instar de nombreuses localités de la wilaya, le problème le plus crucial que vit cette commune perchée à 1000 mètres d'altitude est le manque d'eau. "Par ici, l'eau est rare en été. On en reçoit que rarement. Dans certains villages, l'eau n'a pas coulé depuis le mois de mai dernier et dans d'autres elle arrive au compte-goutte. Il faut mettre fin à cette tradition de panne sèche estivale", nous explique Ali, un habitant du village d'Aït Irane. Dans cette localité, a-t-on appris, l'eau est gérée par la commune et par conséquent les citoyens continuent à en recevoir aux frais de la municipalité mais sa rareté se pose avec acuité. Selon des habitants, en plus de la quote-part du barrage Koudiet-Acerdoune, plusieurs captages de source de montagne ont été réalisés, notamment à partir de la source Taboudh, mais cela demeure insuffisant. D'autres projets sont envisagés pour renforcer l'emmagasinement et par la même améliorer la distribution de l'eau, mais l'attente semble longue pour les habitants. Pour le nouveau maire de cette commune, Slimane Bouaziz, le problème d'eau se pose, non pas en termes de ressources, mais de coût. "Le budget de la gestion de l'eau est le deuxième après celui des salaires des fonctionnaires. Nous devons impérativement trouver une solution à cette situation. La participation du citoyen est d'une nécessité absolue non seulement pour la bonne santé financière de notre commune, mais aussi pour améliorer la distribution de cette denrée rare qui d'ailleurs manque beaucoup en été", nous a-t-il expliqué. En matière d'assainissement également, même si tous les villages sont raccordés aux réseaus d'évacuation, les eaux usées continuent de polluer les champs, les oliveraies et les oueds. Une situation qui met en péril la faune et la flore. Sur tout le territoire de cette commune, on n'enregistre aucun bassin, ni puits de décantation et encore moins une station d'épuration. "Nos oueds et nos points d'eau sis en aval des villages sont tous pollués par les eaux usées. Le singe magot, plusieurs espèces d'oiseaux et plusieurs autres espèces d'animaux sont menacés d'extinction. Certains champs et oliveraies recevant les eaux usées sont pollués et ne sont plus cultivables. Par contre, nous constatons la prolifération des sangliers qui malheureusement ne font que détruire nos cultures. Il est temps de trouver une solution pérenne à cette fâcheuse situation", a expliqué Tahar, un habitant d'Ibadissen. Un état des lieux que confirme le maire : "Hormis les habitations éparses et les nouvelles constructions, le reste des villages est raccordé à l'assainissement mas hélas les usées se déversent dans la nature et les oueds mettant à mal l'environnement. Une APC qui ne fonctionne qu'avec les subventions de l'état ne peut pas réaliser des puits de décantation ou même des mini stations d'épuration. La direction de l'environnement et celle de l'hydraulique sont invitées à regarder de notre côté..." L'autre problème auquel Aït Bouadou est confrontée concerne les infrastructures culturelles et sportives. Bien que disposant d'un stade communal et de deux aires de jeux, la commune ne dispose d'aucune salle omnisports, ce qui empêche la pratique de tout sport de combat et d'équipe tels que le basket, le volley, le handball ou autre. "Nous aimerions bien avoir une grande salle de sports, ici à Aït Bouadou, pour nous éviter des déplacements fréquents vers Ouadhias, Tizi n'Tleta, Mechtras et Boghni pour pratiquer notre sport favori", a souhaité Madjid, un jeune amateur de karaté du village d'Aït Amar. Le choix de terrain pour la réalisation d'une salle omnisports a été, à vrai dire, déjà effectué et proposé à la direction de la jeunesse et des sports mais aucune suite n'a été donnée au projet. En matière de culture, l'activité se limite à celle qu'initie le mouvement associatif dans de rares villages tel que Tamkadbout qui dispose d'une grande salle de spectacle et de théâtre réalisé par l'unique volonté des villageois et qui tient annuellement des journées théâtrales qui drainent de nombreuses troupes. "Nous disposons d'une bibliothèque communale achevée, mais non inaugurée et non opérationnelle. Nous avons aussi une salle de lecture qui est aussi dans la même situation. Nous appelons la direction de la culture à procéder à leur inauguration et à affecter du personnel pour leur fonctionnement", a insisté Cherif Ben Tahar, vice-président de l'APC. La santé, le parent pauvre de la commune À Aït Bouadou, le secteur de la santé est un tout bonnement oublié. La municipalité ne dispose d'aucune polyclinique, ni même d'un véritable dispensaire. Les quelques unités de soins existantes dans quelques villages ne prodiguent que des soins de base à savoir les changements de pansements et les injections. Le médecin ne se présente qu'une seule fois dans la semaine. "Nos malades sont toujours contraints de se rendre à Boghni, Ouadhias ou Tizi Ouzou pour de simples consultations ou des radios. Nos parturientes continuent de faire des déplacements au risque de leur vie et de celle de leurs bébés. Les autorités locales et la direction de la santé et de la population sont interpellées en vue de nous inscrire une polyclinique", a déploré un habitant du chef-lieu. Ce que confirme le président de l'APC qui estime que le secteur de la santé à Aït Bouadou n'est pas du tout satisfaisant : "Nos malades et nos parturientes galèrent d'une polyclinique à une autre en quête de soins. Même l'UDS inscrite au collège Frères-Hamad, en 2018, n'a toujours pas vu le jour. La DSP est interpellée pour améliorer l'état du secteur dans notre commune. Une population de plus de 15 000 habitants a droit à une meilleure couverture sanitaire." Même en termes d'électrification rurale, l'état des lieux n'est pas reluisant dans cette contrée. Bien que plusieurs programmes d'extension aient été réalisés, les chutes de tension demeurent récurrentes et des habitations, dans plusieurs villages, sont non branchés au réseau. "Sonelgaz doit améliorer la qualité de ses services car à présent les lenteurs sont légion, ce qui retarde plusieurs de nos projets", a regretté le président de l'APC d'Aït Bouadou. Les rares satisfactions enregistrées par les habitants en termes de commodités sont le raccordement au réseau de distribution de gaz naturel et la mise en service de 512 lignes de fibre optique. Mais selon le maire, l'absence de foncier, les lenteurs administratives dans plusieurs directions de wilaya, le manque de moyens financiers et le manque de prérogatives tirent le développement toujours vers le bas.