Par : SAID MOUAS Auteur- Journaliste. Ancien I.E.E.F./EPS Une analyse au demeurant extrêmement utile si l'on venait à vouloir connaître la valeur de l'héritage laissé par les JM d'Oran. Il est patent que des secteurs comme le tourisme, les transports, le bâtiment, l'urbanisme, les travaux publics ou l'environnement bénéficieront de retombées positives. Moins de cinq mois à peine nous séparent du coup d'envoi de la 19e édition des Jeux méditerranéens qu'abritera Oran du 25 juin au 5 juillet 2022 (JMO-2022). Les préparatifs de cet important événement sportif ont connu, comme tout le monde le sait, une certaine cacophonie en raison des retards enregistrés dans l'avancement d'une série d'infrastructures. Aujourd'hui, la situation semble plus rassurante. Le satisfecit est venu des représentants mêmes du Comité international d'organisation des Jeux méditerranéens (CIJM) en déplacement à Oran les 10, 11 et 12 décembre dernier. Tout récemment, le président Tebboune a reçu le commissaire des JMO-2022, convoqué pour discuter des dernières appréciations des membres du CIJM venus s'enquérir des ultimes préparatifs, à quelques encablures des jeux. On apprend également la désignation de Salim Dada (ex-secrétaire d'état à la production culturelle) pour prendre en charge les cérémonies d'ouverture et de clôture des jeux, un autre défi que le talentueux chef d'orchestre promet d'incruster dans la mémoire collective. Une perspective rehaussée par le niveau d'excellence des infrastructures réalisées selon les standards internationaux. "Les installations sportives seront un héritage important pour les habitants d'Oran", a déclaré Bernard Amsalem, deuxième vice-président du CIJM et responsable du Comité méditerranéen de coordination de ces jeux. Il faut savoir que c'est le 27 août 2015 à Pescara (Italie), ville organisatrice de la 17e édition des JM, que le choix s'est porté sur Oran, qui était en concurrence avec Sfax (Tunisie). À partir de cette date, les autorités locales de la wilaya ont dû réajuster leur plan de développement territorial. Une première enveloppe budgétaire de 5 milliards de dinars a été accordée pour le lancement d'une série d'ouvrages et la réhabilitation de plus de 200 bâtisses. Puis une deuxième, plus consistante, débloquée dans le cadre des préparatifs des Jeux, de l'ordre de 52 millions de dollars. Le stade olympique intégré au programme quinquennal a requis, en 2014, un crédit de paiement se chiffrant à près de 3 milliards de dinars sans compter le coût de construction des installations sportives et des aménagements de plusieurs anciennes structures qui nécessitaient une remise à niveau, à l'instar du palais des sports Hamou-Boutlélis, du complexe de tennis Haï-Essalem, de la piscine olympique de M'dina Jdida ou del'institut national des cadres d'Aïn El-Turck (ex-Creps). Tandis que la livraison des infrastructures phare – le stade olympique, la salle omnisports, le stade d'athlétisme, le centre nautique (renfermant trois bassins dont deux olympiques) et le village méditerranéen érigé sur un terrain de 40 hectares et pouvant accueillir jusqu'à 4 322 athlètes dans ses 2 281 chambres – a dû subir les aléas de la Covid et autres contraintes financières. La mauvaise passe traversée par les organisateurs, en butte aux sommations du CIJM — longtemps dirigé par notre compatriote Amar Addadi avant l'élection en octobre dernier de l'Italien Davide Tizzano – trouve ses origines dans la gestion chaotique de la phase préparatoire des Jeux. Il faut croire qu'aucun des ministres en charge du dossier — depuis El-Hadi Ould Ali jusqu'à Sid-Ali Khaldi en passant par Hattab et Bernaoui — n'a pris la juste mesure des conditions d'organisation que requiert une telle manifestation. Avec le recul, on peut considérer que la prise en charge des JMO-2022, dès leur officialisation, a pâti d'un manque évident de stratégie. Un directeur général des jeux puis un autre et enfin un commissaire pour rattraper les retards, aidé en cela par une escouade de directeurs de site alors qu'un conseil d'administration englobant les acteurs-clés intervenant dans la préparation des jeux aurait probablement mieux appréhendé les contraintes de tous ordres liées à la réalisation des travaux. Les Jeux ne sont pas une fin en soi, mais un projet visant à promouvoir un espace territorial grâce aux retombées bénéfiques qu'ils peuvent entraîner. Mettre le potentiel légué par les Jeux au service des populations Au-delà de la compétition sportive, la finalité qui se décline en toile de fond renvoie à une vision plus pragmatique de l'influence des Jeux, qu'ils soient régionaux ou mondiaux, sur les territoires où ils se déroulent. Dans cet ordre d'idées un groupe de réflexion s'est constitué autour de l'ex-international de handball et un des premiers professeurs d'EPS sortant de l'INS de Paris, ancien directeur du Creps d'Aïn El-Turck, Kader Boukhobza, lequel a soumis, au nom de ce panel de cadres sportifs de la région d'Oran, un projet d'accompagnement des JMO-2022 axé sur la nécessité de se projeter sur la période post-jeux, autrement dit "comment cet important événement peut entraîner dans son sillage des incidences positives durables en matière d'exploitation des infrastructures et de fréquentation sportive, de mobilité urbaine grâce à l'amélioration des moyens de transport, d'embellissement de l'environnement, etc." Quel sera, en somme, l'héritage de cette 19e édition des Jeux méditerranéens ? Oran sera-t-elle meilleure après la tenue des jeux ? C'est ce que nous allons tenter de comprendre. D'abord, en cernant le passé sportif de la région oranaise qui, l'histoire l'a retenu, peut s'enorgueillir d'un palmarès des plus éloquents. Le groupe de réflexion a proposé la tenue d'assises régionales du sport afin d'établir un diagnostic qui servira d'outil de comparaison, dans quelques années, pour situer l'impact des Jeux sur le niveau de pratique. Il a également appelé à la mise en place d'un véritable centre de médecine sportive qui couvrira l'Ouest algérien au lieu d'une dépendance universitaire qui servira, le temps des Jeux, de point de contrôle antidopage. Toujours à l'article des préconisations, les animateurs du groupe maintiennent l'idée, déjà soumise au staff de l'ex-ministre des Sports Sid-Ali Khaldi, d'un séminaire méditerranéen sur les métiers du sport. Une fiche technique étayée par la problématique relative à cet important volet a été élaborée par les techniciens, tous d'anciens cadres des sports, dans le but d'actualiser les formations en cours, afin de les adapter et de les ajuster aux besoins du marché de l'emploi sportif. Une autre suggestion, non moins importante, a trait à la décentralisation du Comité national olympique algérien qui se montre réticent à l'idée, pourtant bien répandue, de créer, comme le prévoient ses premiers statuts, des Comités olympiques régionaux. Il n'est pas normal qu'Oran, et d'ailleurs comme beaucoup d'autres régions au standing sportif reconnu, n'ait pas voix au chapitre. On ne comprend pas pourquoi le COA répond présent aux forums internationaux et ne se manifeste qu'épisodiquement sur la scène sportive nationale, notamment lors des élections de fin de cycle olympique. Une grande politique sportive ne peut s'accommoder de desseins inavoués et de calculs étroits ; elle doit rassembler, s'ouvrir au débat démocratique et s'ingénier à ancrer par tous les moyens l'acte sportif dans le quotidien du citoyen. "Nous sommes tous faits pour un sport, il suffit de trouver celui dans lequel tu vas t'épanouir, te faire plaisir et progresser pour être parmi les meilleurs, sinon le meilleur", affirmait un jour un grand champion. L'après-JMO, un autre défi Sur le plan matériel et infrastructurel, les retombées attendues dépendront de la synergie qui sera mise en branle, après les Jeux, par les différents partenaires sportifs, en coordination avec le MJS et la DJS d'Oran, afin d'optimiser l'utilisation des installations sportives et de veiller à leur bonne maintenance. Autant d'opportunités qu'il convient de saisir pour accroître le développement des pratiques physiques et sportives de la région et faciliter l'éclosion d'une élite qui pourra se frotter au gotha mondial grâce à des infrastructures répondant aux normes internationales. Le concept d'héritage est désormais perçu comme une notion primordiale dans tout processus d'organisation d'un événement sportif majeur en raison des investissements importants qui lui sont consacrés. En ce qui concerne Oran, a-t-on pensé à l'après-Jeux ? Quelles sont les études d'impact menées en amont et en aval pour situer les potentielles retombées ? À ce titre, la région espagnole de Tarragone, où s'est déroulée la dernière édition des JM, a anticipé ce type de questionnements en définissant une stratégie à même d'orienter l'impact des Jeux sur l'évolution socioéconomique de ses territoires, sachant que 16 villes de Catalogne ont abrité des épreuves dans le cadre des Jeux méditerranéens. S'agissant des JMO-2022, on ne sait pas si une étude prospective a été lancée pour identifier les besoins en ressources humaines sur le marché de l'emploi, le profil des acteurs publics ou privés devant intervenir, le volume des investissements projetés, les actions à entreprendre pour rentabiliser le potentiel hérité et le préserver de l'usure du temps. Une analyse au demeurant extrêmement utile si l'on venait à vouloir connaître la valeur de l'héritage laissé par les JM d'Oran. Il est patent que des secteurs comme le tourisme, les transports, le bâtiment, l'urbanisme, les travaux publics ou l'environnement bénéficieront de retombées positives. 42 hôtels de haut standing seront mis à la disposition des délégations hôtes. Oran compte près de 230 établissements hôteliers en mesure de répondre à la demande et ces Jeux seront assurément une aubaine pour les professionnels du secteur. Pour ce qui est de l'interface touristique, celle-là même qui façonne l'image de la ville de Sidi El-Houari, réputée pour ses nombreux repères historiques, la très attendue cérémonie d'ouverture des Jeux mettra certainement en lumière les sites mythiques, tels le fort Santa-Cruz portant la sculpture de la Vierge qu'abrite l'église Notre-Dame du salut, le palais du Bey, le minaret de la Perle, la porte d'Espagne, les jardins de l'Etang, le Musée d'art moderne (Mamo), le Musée de la mer..., qui font partie des escales emblématiques de la Radieuse. Une extension du tramway destinée à relier par trois nouvelles rames l'aéroport d'Es-Sénia est en cours de réalisation. Ce dernier a nécessité un budget de 135 millions d'euros pour sa modernisation et verra sa capacité d'accueil passer de 800 000 à 2,5 millions de passagers/an. Plusieurs axes et rocades proches de la couronne Est de la ville, ainsi que trois pôles d'agglomération, en l'occurrence Ahmed-Zabana, Oued Tlélat et Aïn Beïda, sont touchés par un vaste programme d'aménagement visant à rendre plus fluide la circulation routière. Le parc des transports publics sera renforcé, notamment celui de l'Eptu, (l'Entreprise publique de transport urbain), qui enregistre un important lot de véhicules en panne, soit près de 100 sur les 116 recensés. Quant au téléphérique des Planteurs reliant le mont Murdjadjo à la basse ville, sa rénovation a été estimée à 120 milliards de centimes. Confié à une société suisse après un arrêt qui aura duré une décennie à la suite de sa destruction, il sera doté d'équipements ultramodernes. Côté environnement, la commune d'Oran entend mettre les bouchées doubles afin d'éliminer les points noirs et offrir à la vue des visiteurs une cité avenante et propre. Oran est appelée à vivre des moments intenses jamais vécus auparavant. Un rassemblement sportif et culturel autour de Mare Nostrum qui focalisera l'attention de millions de personnes. Mais aussi qui, une fois les lampions éteints et les clameurs dissipées, fera place à un autre défi : celui de l'héritage des Jeux. Si la conjoncture financière et sanitaire n'a pas permis à d'autres villes – hormis peut-être le chef-lieu de la daïra de Sig, inscrite pour abriter des rencontres de football – d'accueillir les Jeux, il n'en restera pas moins que le prochain été sportif s'annonce dorénavant sous de bons auspices. L'historique victoire de l'équipe nationale de football en finale de la Coupe arabe enclenchera-t-elle un nouvel élan conquérant au sein de la sphère sportive nationale ? La 19e édition des Jeux méditerranéens, où sont attendus 4 500 athlètes issus de 26 pays – une participation inédite – nous le confirmera.