Alors que la guerre promet vraisemblablement de durer plus que prévu en raison de la résistance ukrainienne qui repousse actuellement l'armée russe dans la capitale, Kiev, un autre conflit, d'une autre nature, se joue en coulisses entre la Russie et l'Ukraine : la cyberguerre. Ces attaques électroniques contre des systèmes informatiques, organisations gouvernementales, institutions, utilisés ensuite comme un moyen de propagande et de désinformation, ou carrément pour paralyser les activités vitales d'un pays, sont, depuis quelques années déjà, au cœur des stratégies de guerre. Et la Russie a très vite compris l'enjeu de la maîtrise de cette technologie dont la capacité de nuisance est parmi les plus redoutables. Avant même l'invasion de l'Ukraine, Moscou a multiplié les cyberattaques contre notamment les administrations et services ukrainiens, comme en témoigne l'attaque par déni de service (DDoS) dont ont été victimes le ministère de la Défense et deux banques en Ukraine, le 15 février. Suite à quoi, DmytroKuleba, ministre ukrainien des Affaires étrangères, a écrit aux dirigeants de l'UE, le 18 février, pour demander une intervention de cybersécurité afin d'assurer l'indépendance du pays. Une réponse à la mesure de la menace russe ? Pas si sûr. Car dans ce domaine de guerre non conventionnelle, les Russes ont déjà fait parler d'eux, plus d'une fois. Même en temps de paix sur le terrain, Moscou a déjà frappé fort en menant sur le front informatique quelques opérations spectaculaires aux conséquences sérieuses, comme l'illustre sa cyber-ingérence dans les élections américaines de 2016 ayant plébiscité l'ancien président Donald Trump, ou encore les campagnes de cyber-ingérence menées contre les processus démocratiques britanniques et l'immixtion dans l'issue historique et cruciale du vote sur le Brexit. Tewfik Hamel, chercheur en histoire militaire, explique pour Liberté que "le cyberespace est désormais un domaine aussi pertinent pour les opérations militaires que celles survenant dans des domaines naturels, à savoir terre, mer, air et espace. Avec l'informatisation du champ de bataille, des attaques de cyberguerre réussies pourraient paralyser le système de défense de l'adversaire et aveugler l'ennemi". Pour le chercheur, les forces armées modernes "ne peuvent tout simplement pas mener à haut tempo des opérations efficaces sans un réseau de communication et d'information fiable et élastique et un accès assuré au cyberespace". Quel est réellement le potentiel de la Russie dans ce domaine ? En investissant largement dans ce nouveau créneau du cyberespace, Moscou a considérablement augmenté sa capacité de frappe. En plus de compter sur son armée de terre et son aviation, le haut commandement militaire russe a intégré totalement la cyberguerre dans sa stratégie d'attaque contre l'ennemi. "Moscou a, depuis quelques années déjà, investi dans ce créneau et le cyberespace compte comme un moyen très efficace dans sa stratégie de guerre", comme le démontre encore Tewfik Hamel. "Les opérations militaires conjointes et l'informatisation sont devenues un axe central pour la Russie. Ce qui renforce le rôle de la cyberguerre. C'est un domaine global au sein de l'environnement de l'information qui englobe les réseaux interdépendants des infrastructures des technologies d'information, y compris l'internet et des réseaux de télécommunications. Et la Russie a compris l'enjeu de la maîtrise de cette technologie. Elle a considérablement amélioré ses capacités de cyberguerre", analyse-t-il. Pis encore, la menace russe de la cyberguerre peut aller au-delà de l'Ukraine. Moscou peut frapper n'importe quel pays à travers le monde. Ce n'est sans doute pas un hasard si les plus hautes autorités américaines ont pressé, ces derniers jours, les grandes institutions bancaires et installations techniques du pays de se préparer au pire et de renforcer leur surveillance sur d'éventuelles intrusions. Pour beaucoup, si la Russie décidait de semer le chaos au-delà des frontières de l'Ukraine, elle s'exposerait, certes, à de rudes contre-attaques, mais elle pourrait donc, sans nul doute, provoquer de profonds désastres.