La guerre commerciale que livrent les Etats-Unis à la Chine depuis l'arrivée de Donald Trump à la tête de l'exécutif comporte un enjeu de taille que Michael T. Klare, professeur émérite d'études sur la paix et la sécurité mondiale au Hampshire College, se propose de révéler dans une récente contribution.(*) « Comme le suggèrent les exigences commerciales des Etats-Unis, l'intention de Washington n'est pas seulement d'entraver l'économie de la Chine aujourd'hui et demain, mais pour les décennies à venir. Cela a donné lieu à une campagne intense et de grande envergure visant à la priver de l'accès aux technologies de pointe et à paralyser ses principales entreprises technologiques.» Ce faisant, ils espèrent empêcher les Chinois de maîtriser les technologies de pointe qui domineront l'économie mondiale du XXIe siècle, notamment l'intelligence artificielle (IA), les télécommunications de cinquième génération (5G), les véhicules électriques et la nanotechnologie. La Chine entend bien rentabiliser les investissements colossaux dans l'enseignement des sciences et de la technologie, la recherche dans des domaines novateurs, internet et d'autres innovations informatiques. Ce à quoi s'ajoute l'obligation faite pour les entreprises étrangères de s'associer à un partenaire local afin que s'opèrent les transferts de technologie escomptés. L'administration américaine accuse les entreprises chinoises «d'avoir volé la technologie américaine par le biais du vol cybernétique», ce qui laisse l'auteur de l'étude bien perplexe : «Compte tenu de l'investissement massif de Pékin dans l'enseignement des sciences, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques dans les cycles supérieurs et postuniversitaires, on peut supposer que la plupart des progrès réalisés par ce pays sont le résultat d'efforts nationaux. » Si pareille éventualité n'est toutefois pas à exclure, il n'en demeure pas moins que l'administration Trump s'attaque également à « des activités parfaitement légitimes ». La meilleure illustration de la mauvaise foi de Washington est la campagne médiatique qu'elle vient de lancer contre Huawei, l'une des entreprises de télécommunications les plus importantes de Chine, pour l'empêcher de devenir le leader mondial dans le déploiement des communications sans fil 5G — systèmes sans fil qui transmettront « des quantités colossales de données électroniques à des débits beaucoup plus rapides que ce que l'on peut imaginer, ce qui facilitera l'introduction de voitures auto-dirigées, une automatisation généralisée et une application universelle de l'IA». Huawei Technologies Co. Ltd. est une entreprise fondée en 1987. Son siège social se trouve à Shenzhenen Chine. «Le métier historique de Huawei, nous apprend Wikipedia, est la fourniture de réseaux de télécommunication aux opérateurs : l'entreprise fournit des matériels, des logiciels et des prestations de services pour les réseaux de télécommunications des opérateurs et les réseaux informatiques des entreprises. Aujourd'hui, Huawei est un fournisseur de solutions numériques en terminaux, réseaux et cloud, pour les opérateurs, entreprises et consommateurs. Ses produits et solutions sont déployés dans plus de 170 pays. En 2018, Huawei est le deuxième constructeur mondial de smartphones derrière Samsung mais devant Apple. » «Deuxième après Apple en tant que fournisseur mondial de smartphones et producteur majeur d'équipements de télécommunications, Huawei a cherché à prendre la tête de la course à l'adaptation 5G dans le monde entier. » L'opération est qualifiée de « guerre froide technologique », dont « la vraie raison – à peine déguisée – est simplement d'empêcher la Chine d'atteindre la parité technologique avec les Etats-Unis ». S'agissant de la cyberguerre entre les Etats-Unis et la Chine, les responsables américains accusent la Chine de s'engager dans « un cyber-assaut à grande échelle sur le pays, impliquant à la fois le cyber-espionnage pur et simple pour obtenir des secrets militaires et d'entreprise et une ingérence politique généralisée ». Si l'on croit Wikipédia, «en 1999, les colonels chinois Qiao Liang et Wang Xiangsui imaginaient dans «La Guerre hors limites » que l'informatique pourrait devenir l'une des armes du xxie siècle», ce pourquoi «la Chine a créé un corps d'armée de 9 600 hommes affecté au cyberespace». «Ce que les Russes font est peu de choses par rapport à ce que fait la Chine », a déclaré le vice-président Mike Pence en octobre dernier lors d'un discours prononcé à l'Institut Hudson. Les Américains se gardent toutefois de révéler leur plan de riposte dans le cyberespace : «Les Etats-Unis imposeront des conséquences rapides et coûteuses aux gouvernements étrangers, aux criminels et aux autres acteurs qui entreprennent d'importantes cyber-activités malveillantes», a affirmé la Stratégie de sécurité nationale de 2017. Il reste à savoir quelles formes peuvent prendre ces «conséquences». Les Etats-Unis ont également annoncé la création en février 2015 d'une nouvelle agence dédiée à la cybersécurité, le CTIIC - Cyber Threat Intelligence Integration Center. Le CTIIC est conçu comme « un centre national de renseignement axé sur ‘'la mise en réseau des points'' en ce qui concerne les cybermenaces malveillantes étrangères dirigées vers le pays et les cyberincidents touchant les Etats-Unis ». Il veille aux intérêts nationaux en s'attaquant à toutes les sources des menaces pesant sur les Etats-Unis. Le CTIIC assiste également les ministères et organismes concernés dans leurs efforts pour identifier, enquêter et atténuer ces menaces. A. B. (*) Michael T. Klare, U.S. and China Redefining the Terms of War, Consortium News, 19 février 2019 https://consortiumnews.com/2019/02/19/u-s-and-china-redefining-the-terms-of-war/