Dans cet entretien, le Dr Mohamed Melhag, virologue et ancien biologiste, s'étale sur la nécessité d'établir et de positionner le dispositif de sécurité sanitaire en Algérie, afin de garantir les résultats. Il s'agit de prévenir ou de réduire les risques liés aux différentes épidémies et pandémies qui pourraient surgir. Liberté : La notion de "sécurité sanitaire" a été, le 27 février passé, au menu d'une réunion du Conseil des ministres. Il a été demandé aux membres du gouvernement, dont le ministre de la Santé, de prioriser la protection de la sécurité sanitaire qui doit être une mission commune des différents acteurs et sous divers aspects. De quoi s'agit-il ? Dr Mohamed Melhag : La pandémie de Covid-19 qui sévit depuis plus de deux ans en Algérie a fait que ce concept refait surface avec insistance. En effet, le concept regroupe tout ce qui est décisions, programmes et actions des autorités publiques au niveau central et au niveau des services déconcentrés de l'état pour éviter les crises sanitaires, et du coup, œuvrer pour le bien-être de la population, surtout dans le cadre des épidémies et des pandémies. Pour rappel, ce concept est apparu après les différentes pandémies qui ont secoué le monde et fait des ravages. Souvenez-vous que la grippe espagnole avait fait pas moins de 40 millions de décès. Avant cela, il y a eu la peste, et après, certaines épidémies dont le Sars, le Mers, la grippe porcine, la grippe aviaire, le virus Ebola... qui ont mené les pays à développer le concept de sécurité sanitaire qui a aussi nécessité une coordination à l'échelle nationale et internationale. En l'an 2000, le Conseil de sécurité a annoncé que le VIH-sida constituait un danger pour la santé, la stabilité et la sécurité dans le monde, d'où le balancement de la notion de sécurité sanitaire d'un contexte local à un contexte mondial. Le concept s'est ensuite développé avec la pandémie de Covid-19. C'est pour cela qu'on peut dire qui il faut une vision globale. Pour ce qui est de l'Algérie, je pense que l'exposé du ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Abderrahmane Benbouzid, lors du Conseil des ministres du 27 février passé, sous la présidence du président Tebboune, qui consiste à prioriser la protection de la sécurité sanitaire qui doit être une mission commune entre les différents acteurs et sous divers aspects, est une décision très sage. Elle vise la protection de la population contre tous les dangers et les risques pour la santé qui échappent au contrôle des individus et qui relèvent de la responsabilité des pouvoirs publics. Il faut, à cet effet, bien positionner le dispositif de sécurité sanitaire en Algérie pour assurer son efficacité.
En quoi consiste le mode de sécurité sanitaire à mettre en place ? Il est connu du commun des mortels que le mot sécurité concerne seulement les institutions chargées de la défense, cependant, quand il s'agit de sécurité sanitaire, toutes les institutions sont concernées. En effet, ce n'est plus la notion classique qui relève uniquement des institutions militaires. Actuellement, cela dépasse cette vision. Cela fait partie de la sécurité globale et dans un concept stratégique comme la sécurité alimentaire. Il faut aussi rappeler que s'occuper de la sécurité sanitaire n'est pas exclusivement l'apanage du ministère de la Santé. La coopération et l'intervention de plusieurs secteurs sont on ne peut plus nécessaires. Je cite, à titre d'exemple, la santé, l'industrie, l'agriculture, la formation et la recherche scientifique, sans oublier un secteur pilier qu'est l'environnement, ainsi que les autorités publiques au niveau central et local. Ils opèrent dans un concept de prospective avant les épidémies, voire pour éviter les pandémies et se préparer à les affronter, et dans un concept préventif et curatif lors des pandémies. Le concept de sécurité sanitaire concerne-t-il seulement les pandémies ? Non, actuellement, il entre dans un concept global. Il s'agit de la contribution pour le bien-être de la population en général. Il ne faut pas attendre qu'il y ait épidémie pour parler de sécurité sanitaire. Après les épidémies transmises par des agents biologiques, tels que les virus, les bactéries et les champignons, il faut lutter contre les maladies liées à l'environnement, plus connues sous le nom de maladies liées à la civilisation, pour ne citer que les affections respiratoires chroniques dont l'asthme, les infections respiratoires (bronchiolites) causées par des particules fines et aussi lutter contre le tabagisme et, par ricochet, contre le cancer du poumon. Il y a aussi la prévention des maladies cardiovasculaires, des accidents vasculaires cérébraux qui causent un nombre de décès important, les infarctus du myocarde (IDM), les AVC, l'insuffisance cardiaque, les maladies hypertensives... On lutte aussi contre les traumatismes non intentionnels, tels que les accidents de la circulation qui constituent un véritable problème de santé publique. La sécurité sanitaire veille à prévenir des catastrophes naturelles et des catastrophes artificielles. Les séismes, les volcans et les inondations, à titre d'exemple, font l'objet de toute une législation. Outre le ministère chargé de la Santé et de la Population, cela nécessite l'intervention de plusieurs secteurs dans le cadre de la sécurité sanitaire. Dans les catastrophes industrielles, c'est le secteur de l'industrie qui doit intervenir en amont. Pour la pollution de l'eau, de l'air, de la terre, ce sont différents intervenants, dont les collectivités locales, qui doivent jouer leur rôle. L'alimentation doit aussi être naturelle et cela relève des compétences du secteur chargé de l'agriculture.