Le directeur de Maghreb Emergent et de Radio M sera entendu aujourd'hui par la gendarmerie de Tizi Ouzou et comparaîtra le 5 avril prochain à la suite de la plainte déposée contre lui par l'ancien ministre de l'Information, Ammar Belhimer. L'exercice du métier de journaliste est devenu "quasi impossible" en Algérie. C'est la conclusion tirée par l'éditeur d'Interface Medias, propriétaire du site Maghreb Emergent et de Radio M, qui, au vu des ennuis judiciaires auxquels sont soumis depuis plus d'une année nombre de ses journalistes, dont son patron Ihsane El-Kadi, considère que les conditions dans lesquelles les journalistes algériens font leur travail sont intenables. "Nous sommes aujourd'hui dans la quasi-impossibilité d'exercer ce métier, pourtant protégé par la loi suprême du pays, sans risquer des poursuites judiciaires et l'emprisonnement", déplore l'éditeur dans un communiqué rendu public hier. "Aujourd'hui, l'escalade dans la répression consacre un tournant qui met en péril l'intégrité physique de nos journalistes, leur métier, leurs emplois. Le contexte sécuritaire pour exercer le métier d'informer a atteint un niveau sans précédent de dégradation. En particulier, les journalistes et partenaires professionnels de Radio M et Maghreb Emergent connaissent un harcèlement policier et judiciaire jamais connu à une telle intensité contre des médias algériens", ajoute-t-il. Ce cri d'alarme d'Interface Medias intervient à la veille de la comparution du directeur éditorial à Tizi Ouzou, dans une nouvelle affaire où il est cité. "Le feuilleton non exhaustif du harcèlement sécuritaire et judiciaire de nos médias et journalistes connaît de nouveaux épisodes dramatiques depuis deux semaines", note le communiqué, après avoir énuméré les ennuis subis ces deux dernières années par ses journalistes (Khaled Drareni, Kenza Khattou, Lynda Abbou et Ihsane El-Kadi). "La mise sous mandat de dépôt de Zaki Hannache, le 24 février dernier, a été accompagnée d'une mise en accusation par la Police judiciaire, pour le moment en instance de suites, d'Ihsane El-Kadi dans le dossier de ce militant humanitaire, lauréat, en décembre dernier, du 4e prix Ali-Bey-Boudoukha de Maghreb Emergent dans la catégorie des lanceurs d'alerte. Quinze jours plus tard, c'est la gendarmerie de Tizi Ouzou qui ajoute le nom d'Ihsane El-Kadi, le 10 mars, lors de la présentation (suivie de l'incarcération) de Tahar Khaouas, porte-parole du collectif de défense des détenus de la wilaya de Tizi Ouzou et, à ce titre, invité sur le plateau du CPP de Radio M en décembre dernier", explique l'éditeur. Et de poursuivre : "Cette deuxième mise en cause – liée à une affaire où il est question de 'mouvement terroriste' – a fait l'objet d'une convocation et le directeur de Radio M devra se présenter à la gendarmerie de Tizi Ouzou le jeudi 17 mars au matin." Les responsables d'Interface Medias ne s'expliquent pas la ligne dure adoptée par les autorités envers les professionnels de la presse alors que, rappellent-ils, "l'exercice de la liberté de la presse est consacré par toutes les Constitutions, depuis celle de février 1989". "Réprimer nos journalistes et nos médias avec de telles méthodes d'un autre âge est un pari sur un avenir sombre pour notre pays et pour ses citoyens", avertissent-ils. Pour eux, l'Algérie a plutôt besoin d'"une industrie des médias qui contribue à mettre les citoyens et les décideurs au niveau d'information adéquat pour décider, chacun à son niveau, de compétence, de la bonne marche des affaires publiques". C'est pourquoi, ils ont appelé à ce qu'on mette fin à ces pressions exercées sur les journalistes. "Il faut cesser de harceler policièrement et judiciairement leurs journalistes, annuler les poursuites insensées, considérer nos médias et la presse algérienne indépendante comme un élément essentiel de la solution à la crise politique, et non pas un élément du problème", a soutenu l'éditeur.