Le cancer colorectal (CCL) est l'un des premiers cancers les plus meurtriers alors qu'il est plus accessible au diagnostic et dépistage précoces pour augmenter les chances de guérison, c'est du moins ce que l'on a déduit des deux journées médicales organisées durant le week-end au campus d'Aboudaou, à l'initiative du CHU Khellil-Amrane et la faculté de médecine de Béjaïa, à l'occasion de la célébration du mois de mars bleu contre ce type de cancer. C'est une pathologie à double tranchant, s'accordent à dire les nombreux intervenants de cette rencontre. "Elle peut donner des résultats spectaculaires en matière de guérison quand elle est prise à temps, mais au cas contraire, elle en fait l'une des plus meurtrières selon les statistiques", affirme le professeur Kamel Bouzid du CPMC du CHU Mustapha-Pacha (Alger). L'éminent professeur en ajoute que les changements de nos habitudes alimentaires font un des facteurs favorisant et n'a pas omis de plaider pour un véritable circuit entre la chirurgie et l'oncologie, en soulignant que "le premier traitement curatif du CCL est d'abord chirurgical". Lors de son intervention, le professeur Nader du service prévention auprès du ministère de la Santé a donné des chiffres montrant la recrudescence du CCL en quelques années pour qu'il soit au sommet du tableau. "En 1990, le CCL était le 4e cancer chez l'homme et la femme et quatorze ans après (2014), il est passé à la première place chez l'homme et occupe la seconde place des cancers chez la femme après le cancer du sein", indique la représentante du ministère de la Santé qui avance le chiffre de 3600 nouveaux cas CCL parmi les 50 000 nouveaux cas de tous les cancers. De son côté, le professeur Mazouzi, chef de service oncologie au CHU de Béjaïa, qui chapeaute aussi le comité de dépistage de ce cancer, étant donné que Béjaïa est la wilaya pilote en cette compagne de dépistage qui a débuté en 2015, affirme que "nous avons enregistré une incidence de 20 cas de cancer colorectal sur 1000". Et cela sans parler bien sûr des cas perdus hors circuit de dépistage. À cet effet d'ailleurs, le professeur Belloul du même CHU, dans son thème sur l'état des lieux et la problématique de la prise en charge du CCL dans la wilaya de Béjaïa, est revenu sur le travail d'étude qui a été fait entre 2017 et 2019, qui a permis d'étudier le profil des cas de ce cancer dépisté. "Nous sommes arrivés à déduire qu'à travers notre étude qui s'est étalée sur deux années que parmi les profils de ces CCL il y a des cancers familiaux à Béjaïa, comme nous avons déduit plusieurs difficultés inhérentes à la prise en charge de ces CCL à savoir des problèmes d'information, manque de médecins, et tout ce qui est demandé par ces formes familiales de ce cancer à savoir la biologie moléculaire et génétique", a-t-elle soutenu. Ainsi, tout ça relève des moyens limités, pour ne pas dire dérisoires, que possède notre système de santé et aussi de la culture de dépistage de ce type de cancers, qui a fait l'un des thèmes de cette 3e journée, abordé par Mme Oukkal spécialiste en psycho-oncologie au CPMC Mustapha-Pacha. Le professeur Bouzid qui espère que ces travaux initiés par l'équipe de Béjaïa, qui font partie du cadre du plan national de lutte contre les cancers, seront un modèle dans le diagnostic précoce de ce CCL dans tout le pays, revient sur ce moyen de dépistage mis au point avec des experts japonais. "Il s'agit de rechercher la présence de sang dans les selles par un test immunologique qu'on a mis au point avec mon collègue japonais, il y a de cela 5 ou 6 ans ici à Béjaïa, Adekar, Souk El-Tenine et Melbou. Nous avons obtenu des résultats tout à fait intéressants, puisqu'ils sont publiés à la société japonaise de gastro-entérologie et d'endoscopie", a-t-il expliqué. Selon Pr Bouzid, ces études révèlent que parmi les 7000 à 10 000 cas enregistrés par an, il y en a des cas familiaux avec des formes qui surviennent chez des enfants aussi.