Lorsque notre ami Belkacem nous a rejoint un bel après-midi d'automne, en ce lieu que nous aimons tant, c'était pour nous dire combien il était difficile de succéder à Ali Zaamoum à la tête de l'association Taghmats. Nous avons vite compris qu'il attendait un soutien. Notre écoute attentive le mit en confiance. Car arriva vite, lui le grand pudique, à nous raconter “l'histoire de sa vie”. Une histoire qui ressemble à celle de Charlie Chaplin, à cette différence que Charlot recherchait sa mère, lui son père. Déjà au milieu des années 1950, alors que la répression de l'armée française faisait rage, âgé de huit ans à peine, il se retrouva soutien de famille. La répression s'aggravant, avec les exactions de l'armée française, lui et les siens durent quitter le village pour se réfugier à La Casbah d'Alger. Pour survivre, notre ami fit des petits boulots, travaillant du matin au soir, et le plus clandestinement possible. La lumière arriva le jour où lui, le hammal, comprit une chose essentielle : l'école était la solution ! Il se débrouilla pour s'inscrire à un cours du soir gratuit. Ses journées se partageaient alors entre travaux pour survivre et travaux pour apprendre à vivre. A l'indépendance, il fut recruté par les studios Agfa d'Alger et il fut envoyé en stage en Allemagne. Là, la quête du père commença. Lui, l'émigré, pensa à l'autre émigré, son père, qui avait quitté sa famille pour la France, le lendemain de sa naissance. “Etait-ce un abandon ?” se demandait-il, angoissé. Il voulait tant comprendre et retrouver ce père. Et, à l'occasion d'un congé annuel, il prit le train pour Paris avec une unique adresse : Monsieur X., Paris. Têtu et déterminé, il entama ses recherches dans l'immense métropole en écumant les gares et les quartiers “algériens”. Ses premiers interlocuteurs, surpris, lui promirent de l'aider. Un réseau amical et solidaire se constitua, un parent fut retrouvé qui se mit à sa disposition. Ce n'est que la veille de son départ, alors découragé et résigné, qu'une information solide lui parvint : son père résidait en banlieue, à une cinquantaine de kilomètres de Paris. Cette fois encore, il n'avait que le nom du bourg comme adresse. Cependant, il apprit que les lieux où il pouvait retrouver son père n'étaient autres que les bistrots. Il en fit donc le tour, passant de l'un à l'autre. Puis, un soir, en visitant le dernier bistrot, il s'entendit répondre par la patronne du lieu qu'“il vient jouer à la belote et qu'il sera là demain. Nous savons qui vous êtes car, à chaque fois, qu'il a un coup dans le nez, il prononce votre prénom, les larmes aux yeux”. C'est ainsi que le fils retrouva son père et qu'il revint avec lui au pays. Le père eut encore d'autres enfants… qui furent à la charge du fils ! Et notre ami assuma de nouveau. Cette belle histoire explique certainement pourquoi Belkacem reste confiant quant à la concrétisation des projets de Taghmats. ! B. K. [email protected]