Des citoyens, anonymes ou non, nous abordent souvent dans la rue pour nous faire part de leurs difficultés, de leurs préoccupations. Pensant que nous sommes journalistes, ils nous demandent, en général, d'intervenir, d'écrire pour les aider à régler leurs problèmes. Mais, parfois, après avoir exposé leur situation, ils terminent par une question : “Qu'est-ce que vous me conseillez de faire ?” Face à ces inquiétudes et à ces drames humains, nous comprenons combien la responsabilité du journaliste est grande. Et chez nous, simple chroniqueur et non-journaliste professionnel, cette prise de conscience génère de l'angoisse. Même si celle-ci n'atteint pas en intensité “l'angoisse du gardien de but devant le penalty”, elle nous conduit, à chaque fois, à nous poser cette question fondamentale qui fait écho à celle des citoyens en difficulté : Que faire ? Lorsqu'un voisin, intimidé et malheureux, vous arrête pour vous dire : “Mon fils ne va plus au collège depuis plusieurs jours car il y a un conflit entre la direction et les professeurs. Ces derniers sont en grève et aucun responsable, d'aucune tutelle, n'intervient.” Que faire ? Lorsqu'un citoyen vous écrit de Meftah, pour vous dire : “Les logements sociaux de ma ville, déjà si rares, sont occupés de force par des repentis qui se conduisent en maîtres des lieux. Nos élus, nos responsables locaux sont impuissants. Ils nous demandent d'attendre une hypothétique intervention des forces de l'ordre pour les déloger.” Que faire ? Lorsque nous sortons parfois avec un ami, un comédien que les citoyens apprécient beaucoup car ils voient en lui un authentique fils du peuple (celui que Kheïreddine surnommait, dans les années 1970, Rusty James, et que nous, nous appelons tout simplement Rachid Farès), et que les gens s'arrêtent pour l'embrasser et lui demander : “Pourquoi, dans vos films, vous ne traitez pas de nos problèmes, de notre situation, de notre misère ?” Que faire ? Nous ne parlerons pas ici des autres demandes de citoyens, fort nombreuses et toutes aussi préoccupantes les unes que les autres : un emploi, un logement, une place à l'école ou au lycée, une hospitalisation, un registre du commerce, une quelconque autorisation, et même un visa... Que faire ? Pour notre part, nous avouerons humblement que, dans la plupart des cas, nous ne savons que faire. Oui, que faire face à ces cris, ces appels au secours quand nous sommes persuadés que nos citoyens, pudiques comme ils sont, n'osent venir à nous qu'après avoir tapé à toutes les portes et fait le tour de tous les bureaux. Sans résultat ? Nous comprenons cependant que ces demandes sont aussi une marque de confiance envers la presse et les journalistes et, peut-être aussi, envers nous-mêmes, simple chroniqueur. Et de cela, nous sommes fiers. B. K. [email protected] B. K. présente son livre Un jour un film (Jazz Edition) le jeudi 22/12/2005 à 16h à la filmathèque Zinet (Oref).