Le collectif “Devoir de Mémoire” a appelé les jeunes des banlieues françaises au “devoir d'agir” et de s'inscrire dans les listes électorales. Une initiative qualifiée de civique, parrainée par des personnalités françaises du monde du cinéma, de la musique et du sport à l'exemple de Joey Starr, Jean Pierre Bacri, Agnès Jaoui, Mohamed Dia, Alain Chabat et Lilian Thuram. Celle-ci a, d'ailleurs, été lancée hier après-midi à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), là justement où les émeutes se sont déclenchées. C'était le 27 octobre dernier, après que deux adolescents de 15 et 17 ans eurent été électrocutés par un transformateur alors qu'ils se croyaient poursuivis par la police. Immédiatement, les jeunes de la cité sont descendus dans la rue où ils ont incendié des voitures et saccagé des lieux, laissant libre court à une colère trop longtemps contenue. Les émeutes ont rapidement gagné d'autres quartiers défavorisés puis d'autres villes de France. Des événements qui ont levé le voile sur une réelle crise politique qui, aujourd'hui, pèse de tout son poids sur le déroulement de la prochaine échéance électorale. Un paramètre que les candidats en lice dans la course des prochaines présidentielles, ne peuvent perdre de vue. Certes, le chiffre de 40 millions des français inscrits sur les listes électorales est en effet très encourageant, mais il est indiqué aussi que huit autres millions de personnes en âge de voter n'y figurent pas. Un électorat à récupérer, coûte que coûte, et qu'il faut puiser justement dans cette “France du bas” qui compte 750 zones urbaines sensibles où vivent cinq millions de personnes. Il ne serait donc pas étonnant, aujourd'hui, d'assister à des remakes de la part des politiques, qui ne s'embarrasseraient pas de puiser dans la détresse populaire pour mettre sur pied des stratégies de campagne. Récupérer les jeunes des banlieues et leur servir un discours sur mesure seraient une option qui ne nous éloigne que très peu de l'épisode 2002 lors des dernières présidentielles. Les cinq candidats (Chirac, Chevènement, Le Pen, Bayrou et Jospin) ont fait de la violence et de l'insécurité l'un des principaux thèmes de leur campagne. De gauche comme de droite, se relayant ainsi à l'Elysée et à l'Assemblée, ont toujours su trouver un consensus sur la question des banlieues. Mais, à trop vouloir restaurer l'autorité de l'Etat, les décideurs en place n'ont fait que creuser un peu plus le fossé de l'exclusion. “Le bulletin de vote peut être une solution”, a soutenu Lilian Thuram, ce footballeur de 33 ans, connu pour son engagement contre le racisme dans les stades. “La France traverse une crise d'identité majeure, tout le monde doit se sentir concerné”, a-t-il souligné hier dans un entretien accordé au Parisien et d'ajouter que : “les jeunes des banlieues dont la majorité sont issus de l'immigration ont un problème de reconnaissance.” Il a dénoncé, par ailleurs, la loi du 23 février 2005 et qualifie de “malhonnêteté intellectuelle” de dire que la colonisation a eu des effets bénéfiques. Nabila Saïdoun